En assurant en continu le bon fonctionnement de la chaîne du numérique, les data centers libèrent une chaleur considérable, et requièrent une énergie supplémentaire pour l’alimentation de leurs systèmes de refroidissement. La start-up DENV-R, incubée à IMT Atlantique et présente au salon VivaTech 2023, propose une solution de data center flottant, qui se rafraichit au fil de l’eau, minimisant ainsi son impact sur le foncier et sur l’environnement.

Clés de voûte d’un monde « tout-numérique » dont les usages sont en constante augmentation, les data centers, ou centres de données, sont désormais tenus à l’infaillibilité. Or ces infrastructures requièrent énormément d’énergie pour assurer en continu le fonctionnement des équipements qu’elles hébergent (ordinateurs, serveurs, systèmes de stockage…), mais aussi des dispositifs de refroidissement. Il faut en effet compter sur une puissance supplémentaire pour refroidir la chaleur du matériel produite par effet Joule, alimentant généralement des systèmes de climatisation très énergivores et polluants.

C’est face à cette contradiction qu’est née la start-up DENV-R, incubée sur le campus de Nantes d’IMT Atlantique. La jeune entreprise propose un nouveau modèle de data center flottant, qui couple un service de cloud computing optimisé (offrant puissance de calcul, stockage et réseau), à une approche responsable et durable en matière de conception et d’exploitation. Située sur l’eau, son infrastructure utilise une technologie brevetée pour refroidir ses serveurs de manière non invasive, et ainsi garder les données au frais avec un impact réduit sur l’environnement.

Une proposition adoubée par la REEN

DENV-R répond ainsi à l’un des grands enjeux de la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique (REEN), dont l’un des objectifs est de promouvoir des centres de données moins énergivores. Depuis sa publication en novembre 2021, la loi REEN propose une feuille de route à tous les acteurs du numérique pour amoindrir leur impact carbone. 

« Il y a 6 ans encore, lorsque le projet est né, le numérique était un secteur déjà mature auquel rien n’était imposé en matière de responsabilité et de durabilité ! », s’indigne Vincent Le Breton, co-fondateur et CEO de la start-up. « Désormais, grâce à la loi REEN, une initiative comme DENV-R capte l’attention des collectivités publiques. » La jeune pousse se distingue par son approche holistique, en n’œuvrant pas seulement sur la dimension énergétique, mais sur l’ensemble de la chaîne de valeur qui compose un data center.

Une solution qui tire ses bénéfices de l’eau

« Il y a pleins de raisons qui poussent à s’installer sur l’eau », pointe Vincent Le Breton. « Les nombreuses contraintes liées à la densité de population sur terre en sont une. » En investissant les cours d’eau, DENV-R s’offre la possibilité de déployer des infrastructures au niveau local sans impact sur le foncier. Le projet s’inscrit en cela dans la mouvance de la « blue economy », ou économie bleue, qui désigne les opportunités durables que représentent les mers et les océans, en l’occurrence ici les cours d’eau, pour faire face à un territoire dense et occupé.

À lire sur I’MTech : Data centers : quand le numérique transforme la ville

Le data center flottant est doté d’un certificat de navigabilité lui permettant de migrer où bon lui semble. « Nous avons aussi pensé cela comme une solution flexible qui évolue avec son environnement », explique le jeune CEO. « Le bâtiment a une concession sur un temps donné. Passé ce temps, si les collectivités locales veulent récupérer l’endroit, le bâtiment change de lieu ». Cette mobilité est facilitée par le peu de génie civil requis : pour « s’amarrer » et fonctionner, la structure nécessite seulement un raccordement au réseau fibre et au réseau électrique.

La plateforme flottante permet en outre de s’affranchir de contraintes de poids. Pour une même quantité de matériel informatique, la surface d’accueil sur l’eau peut être divisée par dix par rapport à la surface nécessaire à terre, qui requiert une dalle en béton et pose des questions sur l’artificialisation des sols. Or, plus il y a de densité de matériel, plus il y a de chaleur produite et plus il est complexe de refroidir avec l’air. D’où l’intérêt d’utiliser l’eau qui agit comme un bien meilleur dissipateur thermique que l’air.

Image de synthèse d’un prototype de data center flottant conçu par la start-up DENV-R. Crédits : STUDIO GARNIER.

Un système de refroidissement breveté

Aujourd’hui en France, la législation est plutôt permissive sur le sujet : de nombreuses centrales thermiques pompent les cours d’eau pour leurs systèmes de refroidissement. Même si la température de l’eau rejetée en fin de processus ne doit pas excéder un seuil règlementaire, afin de ne pas perturber les écosystèmes aquatiques, DENV-R privilégie une approche plus « naturelle ». « Nous ne voulions pas être invasifs, et d’ici quelques années devoir nous reposer des questions sur l’impact de notre modèle et la façon dont il s’intègre dans son environnement », explique Vincent Le Breton.

C’est là qu’intervient la technologie brevetée par la start-up. L’échangeur thermique utilise le débit du cours d’eau pour refroidir directement au niveau des points chauds (les processeurs, et les cartes graphiques), sans pomper d’eau, et avec un impact minime sur le réchauffement du cours d’eau. Pour le data center de DENV-R, dont la puissance énergétique est située entre 100et 200 kW, la hausse de température de l’eau autour de la structure est ainsi estimée à 0,003 degrés. 

Une fabrication et un usage à l’échelle locale

« Avec de telles répercussions, nous pourrions fournir plus de puissance, mais ce qui nous intéresse c’est justement la résilience, en privilégiant le maillage de structures à faible impact », argumente Vincent Le Breton. « C’est pour cela que nous travaillons sur un modèle d’edge computing », c’est-à-dire au plus près de la source des données.

L’objectif de DENV-R est donc de proposer des data centers de proximité, minimisant la production de chaleur grâce à des bâtiments plus petits que les data centers centralisés — qui demandent pour leur part beaucoup d’énergie, et créent des ilots de chaleur en ville. Un paramètre supplémentaire qu’il est essentiel de prendre en compte avec l’installation, chaque été désormais, des périodes de chaleur caniculaire.

La start-up joue également la carte de la proximité sur la fabrication : la structure est co-conçue avec GEPS Techno, un bureau d’étude de Guérande spécialisé dans les solutions flottantes qui produisent de l’énergie. Le bâtiment, composé schématiquement d’une plateforme sur deux flotteurs, est construit dans un chantier naval local.

Ce modèle de proximité, Vincent Le Breton ne s’interdit pas de le voir évoluer vers une installation de plus grande envergure, située offshore. « Cela impliquerait de nouvelles réflexions liées à la taille du bâtiment, au raccordement ou encore aux vagues, mais ce sont des contraintes entendables pour une configuration à plus grande échelle. » En attendant, le premier data center flottant de DENV-R devrait être mis en fonction en septembre 2023, sur la Loire, à Nantes.

Par Ingrid Colleau.


DENV-R à VivaTech 2023

La start-up DENV-R, incubée à IMT Atlantique sur le campus de Nantes, participera au salon VivaTech 2023 qui se tiendra à Paris du 14 au 17 juin prochains. La jeune entreprise sera présente le jeudi 15 juin sur le stand L18 de l’Institut Mines-Télécom.

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