Swoop Energy offre une seconde vie aux batteries des véhicules électriques

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Avec l’interdiction de la vente de voitures neuves à moteur thermique en Europe d’ici 2035, la valorisation des batteries usagées de véhicules électriques devient un enjeu croissant. La start-up Swoop Energy, incubée à IMT Nord Europe et présente au salon VivaTech 2023, offre une alternative durable aux groupes électrogènes polluants en récupérant ces batteries en fin de vie pour les intégrer dans un générateur mobile et intelligent. La jeune pousse devient ainsi le maillon entre une fin de vie prématurée et un recyclage énergivore. 

Quand elles ne sont plus assez performantes pour assurer l’autonomie prévue d’un véhicule électrique, les batteries sont envoyées au recyclage pour en refaire de nouvelles. D’une part, ce processus est extrêmement complexe et énergivore. D’autre part, ces batteries considérées en fin de vie disposent en réalité d’encore au moins 70 % de leur capacité de stockage. Elles peuvent donc être réemployées et leur durée de vie allongée de plusieurs années. C’est ce que propose la start-up Swoop Energy, incubée à IMT Nord Europe : valoriser les batteries usagées de véhicules électriques dans des conteneurs mobiles, en alternative aux groupes électrogènes qui consomment de l’énergie fossile.

Yann Cousin est à l’origine de ce projet : il vit en Australie lorsqu’en 2019 le pays est ravagé par des incendies massifs, liés au dérèglement climatique. Il s’aperçoit alors que les groupes électrogènes consommant de l’essence ou du diesel sont les seuls recours en énergie pour prendre le relais du réseau électrique touché par les feux. La solution est aberrante pour le jeune homme, qui dès la fin de ses études, en 2021, créé Swoop Energy avec deux associés, Alexis Claeys et Karl Terral, afin de développer une source d’électricité d’appoint plus vertueuse. Et plutôt que d’élaborer des systèmes d’alimentation avec des batteries neuves, en provenance de Chine par exemple, le trio choisit d’utiliser des ressources déjà existantes, à savoir les batteries usagées de véhicules électriques. 

Un concept mobile et modulable

C’est dans un atelier à Ivry que se développe actuellement le premier prototype du générateur mobile à batteries de seconde vie de Swoop Energy. Les vieilles batteries de véhicules électriques sont reconditionnées sous forme de modules, dans une valise qui les protège contre les chocs et en facilite la manipulation. Le générateur, lui, est constitué d’une station d’accueil semblable à un diable, sur lequel peuvent se brancher jusqu’à deux modules de 6 kW chacun. Ce générateur d’appoint peut donc fournir 12 kWh d’énergie, ce qui correspond à l’alimentation d’un réfrigérateur pendant 10 jours, ou d’un radiateur électrique classique de 2 kW pendant 6 heures.

Les modules sont interchangeables : si l’un est déchargé, il peut être débranché et remplacé par un autre en attendant d’être rechargé. Ainsi, l’alimentation en énergie est maintenue grâce à la rotation des modules. Le nombre de modules nécessaires est donc dimensionné selon les besoins en autonomie. Les modules de batteries peuvent être rechargés par énergie solaire ou sur réseau électrique avec une prise secteur standard, avec ou sans la station d’accueil. Grâce à sa flexibilité, ce générateur s’adresse aux professionnels et aux loueurs de matériel pour des secteurs comme le BTP ou l’événementiel, mais aussi pour la production audiovisuelle ou les collectivités, dans le cadre de services de maintenance ou de coupures électriques suite à des situations de crises (catastrophes climatiques, conflits…).

Le générateur à batteries de seconde vie de Swoop Energy est constitué d’un chariot pouvant accueillir deux modules contenant des batteries récupérées de véhicules électriques.
Crédits : image de synthèse par Swoop Energy.

« Energy case », la valise tout-terrain

Et c’est effectivement pour répondre à une situation de crise que Swoop Energy éprouve pour la première fois son concept. En novembre 2022, l’entreprise lilloise Neo-Eco, spécialisée dans l’économie circulaire territoriale, passe commande à la start-up pour des générateurs à destination de l’Ukraine. Neo-Eco participe à la reconstruction de bâtiments détruits pendant le conflit opposant l’Ukraine et la Russie, et ses artisans sur place sont soumis à d’importantes contraintes d’accès à l’énergie. La plupart des infrastructures énergétiques ayant été endommagées, le peu d’énergie disponible est réservé aux industries vitales comme les hôpitaux ou les magasins d’approvisionnement. 

Dans la lignée de sa politique circulaire, Neo-Eco s’est donc adressé à Swoop Energy qui a retravaillé son concept pour élaborer un prototype plus adapté au terrain : l’« Energy case » (la « valise énergétique » en français). Cette version ne dispose pas du système de modules, mais est contenue dans une valise de type militaire, conçue pour être robuste et toujours mobile : l’« Energy case » répond ainsi aux besoins spécifiques à un usage en zone à risques. Une dizaine de prototypes ont été produits et envoyés en Ukraine, et Swoop Energy travaille actuellement à la finalisation d’une deuxième version pour une commercialisation à plus grande échelle. Le premier générateur modulable, plus évolué technologiquement parlant, devrait quant à lui être commercialisé début 2024.

L’« Energy case » est un prototype conçu pour les zones à risques ; une dizaine d’exemplaires ont été envoyés en Ukraine pour aider à la reconstruction des bâtiments détruits par la guerre. Crédits : Swoop Energy.

Une chaîne d’approvisionnement en consolidation 

L’utilisation des batteries en seconde vie en est encore à ses balbutiements. Comme l’explique Karl Terral, responsable de la partie technique au sein de Swoop Energy : « Il commence à y avoir des acteurs sur ce marché, mais la plupart se positionnent sur des systèmes de stockage de plus grosse capacité, en container par exemple. À ce jour, nous ne sommes que deux entreprises en Europe, avec Swoop Energy, à les exploiter sur des petites unités mobiles. »

Pour se fournir, la start-up passe par des intermédiaires qui recensent les batteries encore utilisables et les mettent à disposition pour le réemploi. Actuellement, les batteries proviennent essentiellement des pays nordiques qui ont adopté les véhicules électriques plus tôt qu’en France. « Nous travaillons tout de même à relocaliser cet approvisionnement », complète Alexis Claeys, qui gère l’aspect financier de Swoop Energy. « Nous sommes actuellement en discussion avec différents acteurs automobiles afin de structurer la chaîne d’approvisionnement en France : les constructeurs, les sociétés de recyclage, mais aussi les centres Véhicule hors d’usage (VHU) qui, avec le temps, vont récupérer de plus en plus de véhicules électriques, et donc, de batteries réutilisables. »

Pour ces acteurs, la seconde vie des batteries de VE est une option de plus en plus évidente car les centres de recyclage sont déjà en pleine capacité et, pour le moment, la demande en recyclage est plus forte que l’offre. Même si cette situation est amenée à s’équilibrer dans les années à venir, faire monter ces centres en capacité ou en créer de nouveaux prend du temps. Sans compter que recycler les batteries coûte de l’argent, tandis que les vendre pour une seconde vie en rapporte.

Ça passe ou à la casse ?

La valeur ajoutée de Swoop Energy va également porter sur la qualification des batteries. « Lorsque nous recevons ces batteries, nous avons très peu d’historique sur leur première vie dans le véhicule, et donc très peu de visibilité sur leur durée de vie, ou si cela présente un risque de les remettre sur le marché de seconde vie », explique Karl Terral. Ces paramètres dépendent en effet du nombre de cycles de charge des batteries, de l’intensité des charges et décharges ou encore de leur exposition préalable à des températures extrêmes ou à de l’humidité.

La start-up est donc en train de mettre en place un procédé de qualification des batteries avec une évaluation du niveau de dégradation et de la capacité de stockage résiduelle, ainsi qu’une échelle de risque de réemploi. Les batteries très endommagées partent alors directement en recyclage. La recherche d’un partenariat avec un constructeur automobile est une suite logique pour la jeune pousse, afin de gagner en visibilité et affiner ses modèles de prédiction pour le réemploi des batteries.

De nombreuses contraintes règlementaires

La réutilisation en second usage est pourtant encore timide en Europe où les constructeurs automobiles ont, en tant que premiers metteurs sur le marché, une responsabilité élargie vis-à-vis du recyclage des batteries. Tandis qu’en bout de chaîne, les batteries de seconde vie n’entrent dans aucune case réglementaire, et les normes imposées par les organismes de certification ne sont pas claires sur le sujet. « La législation européenne date de 2006 et n’est plus en phase avec les efforts fournis par l’UE pour la transition verte. Nous espérons que le nouveau cadre règlementaire qui doit être mis en place bientôt lève les freins de notre côté, et du côté des constructeurs automobiles pour revendre leurs batteries », confie Alexis Claeys.

Pour les trois associés de Swoop Energy, la certification de leurs batteries de second usage est un processus lourd mais nécessaire avant la production à grande échelle de leurs générateurs. En plus de la certification CE pour la commercialisation en Europe, le transport des batteries lithium est soumis à l’Accord relatif au transport international des marchandises dangereuses par route (ADR). Les créateurs de Swoop Energy espèrent néanmoins mettre à court terme sur le marché une version certifiable et industrialisable de leurs deux générateurs, le concept modulable et l’ « Energy case ».

Sur le long terme, leur objectif est de réemployer un maximum de batteries : d’ici 2027, la start-up ambitionne la revalorisation de 3 000 batteries. « Cela parait énorme mais 3 000 modules de batteries reconditionnées équivalent à un peu plus de 300 véhicules électriques, c’est très peu par rapport à la taille du parc automobile français, et encore moins à l’échelle de l’Europe. Avec l’essor du véhicule électrique et une règlementation facilitatrice, le volume de batteries usagées va être exponentiel. Nous espérons que sous quelques années nous serons en mesure de réutiliser la majorité d’entre elles », projette Alexis Clayes.

Par Ingrid Colleau.


Un projet porté par la région Haut-de-France

Swoop Energy a bénéficié dès ses débuts de l’accompagnement de partenaires financiers comme Bpifrance, ou de parrains industriels comme Enedis, mais également de différents modes de financement, notamment liés à la région. Initialement basés dans les Hauts-de-France, les trois associés reçoivent ante-création l’aide du Fonds régional d’incubation (FRI), un financement du Conseil régional, géré par la plateforme Hauts-de-France Innovation Développement (HDFID). Ces fonds permettent au trio de bénéficier des services d’un bureau d’étude lillois pour la première étape de conception du produit, qui prendra une année.

En 2022, Swoop Energy reçoit le prix d’honneur Hodéfi, qui récompense une entreprise innovante implantée dans les Hauts-de-France créée depuis moins d’un an, produisant un effet de levier pour la recherche de financements. Afin d’accélérer son développement, la jeune entreprise intègre le programme d’accompagnement Warm Up by Réseau Entreprendre Nord, et bien sûr, l’incubateur d’IMT Nord Europe, avec lequel elle reste, à ce jour encore, en lien étroit sur le prototypage et la conception mécanique et électronique du produit.


Swoop Energy à VivaTech 2023

La start-up Swoop Energy, incubée à IMT Nord Europe, participera au salon VivaTech 2023 qui se tiendra à Paris du 14 au 17 juin prochains. La jeune entreprise sera présente le jeudi 15 juin sur le stand L18 de l’Institut Mines-Télécom.

En savoir + sur VivaTech 2023.

En savoir + sur la participation de l’Institut Mines-Télécom à VivaTech.

Découvrir les autres start-up de l’IMT présentes à VivaTech 2023.


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