Qonfluens : mieux lutter contre les espèces invasives grâce à la modélisation

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Comment préserver les cultures agricoles du danger que constituent les espèces invasives ? Afin d’aider les pouvoirs publics et les agriculteurs, la start-up Qonfluens, incubée à IMT Mines Alès et présente au salon VivaTech 2023, s’appuie sur des modèles à large échelle, intégrant une grande variété de données, pour fournir des informations aisément exploitables.

Les ravageurs représentent une des principales menaces sur l’agriculture, en s’attaquant aux cultures et en causant de sérieux dommages sur les récoltes. Différentes options sont possibles pour lutter contre ces espèces animales invasives : emploi de pesticides, rotation de cultures, recours à des prédateurs naturels… Quelle que soit la solution employée, des études environnementales sont nécessaires, afin de guider son déploiement et de prévoir son impact sur l’écosystème.

Aujourd’hui, ces études sont majoritairement réalisées par des laboratoires de recherche, qui proposent des modèles de dynamique de populations appliqués aux espèces invasives. Cependant, ces laboratoires sont parfois limités par les moyens techniques à leur disposition. « La modélisation de la propagation d’une espèce invasive à grande échelle nécessite d’intégrer énormément de données », relève Virgile Baudrot, cofondateur de la start-up Qonfluens. « Cela implique aussi de disposer d’une puissance élevée de calcul et de l’infrastructure informatique en conséquence. Or, peu de laboratoires ont accès aux ressources permettant de réaliser des modélisations sur un large territoire, avec une bonne résolution et une grande variété de données. » Ainsi, les études restent souvent cantonnées à un département ou une région. Mais les espèces invasives, elles, ne connaissent pas les frontières…

Des modèles pérennes et aisément compréhensibles

À travers sa solution, Qonfluens souhaite passer ces modélisations à l’échelle. L’entreprise co-construit des modèles avec les laboratoires, puis les déploie sur des serveurs robustes, dotés d’une grande puissance de calcul, pour une application à un vaste territoire. Elle réunit ainsi les compétences de ses deux cofondateurs : Virgile Baudrot, spécialiste de la modélisation de processus écologiques, et Thomas Kleiber, ingénieur en informatique. « Nous souhaitons aussi contribuer à rendre les projets de modélisation plus pérennes », ajoute ce dernier. « Dans la plupart des cas, à l’issue des travaux de recherche, le code n’est plus maintenu et le modèle devient alors rapidement désuet. »

En outre, la start-up, incubée à IMT Mines Alès, entend rendre les études environnementales plus accessibles. « Les modèles employés sont généralement difficiles à appréhender pour des non-initiés », constate Virgile Baudrot. « Notre but est donc de transformer ces informations complexes en données compréhensibles plus facilement, notamment via un travail de cartographie. » Les cartes ainsi élaborées peuvent alors être exploitées par des associations citoyennes ou par les pouvoirs publics, leur permettant de proposer des recommandations aux acteurs de terrain, tels que des agriculteurs luttant contre des ravageurs.

Par exemple, l’équipe de Qonfluens a travaillé sur un projet en Australie, avec le département de l’Agriculture, de la pêche et des forêts. L’objet de l’étude était le légionnaire d’automne, un ravageur s’attaquant aux cultures de maïs et de sorgho. « Il s’agit d’une espèce endémique du continent américain, mais qui a ensuite migré en Afrique, puis en Australie », détaille Virgile Baudrot. « Ces insectes ont développé une résistance aux pesticides employés par les agriculteurs. L’idée était donc d’étudier, via des modélisations, les résultats de différentes stratégies de traitement, tant quant à leur efficacité qu’aux résistances induites. » L’organisme public a ainsi pu s’appuyer sur les cartes fournies par Qonfluens pour échanger avec les agriculteurs à propos des traitements envisageables et élaborer des préconisations.

Les outils de la start-up Qonfluens permettent d’appréhender les risques multifacteurs d’un territoire comme l’Australie. Crédits : Qonfluens.

Assembler des données très hétérogènes

Pour réaliser de tels modèles à grande échelle, l’entreprise doit premièrement récolter un grand nombre de données, issues de sources très diverses. Elles peuvent tout d’abord provenir de laboratoires qui étudient les espèces invasives et déterminent leur nourriture, leur écosystème de prédilection, leur résistance à des pesticides… Ces informations doivent ensuite être couplées à celles sur le terrain, via les collectivités territoriales, des stations météorologiques ou des images satellites : température, humidité, couvert végétal, cultures et espèces animales présentes au sol… Et d’autres types de données peuvent encore s’ajouter, comme celles fournies par des industriels, quant aux propriétés physiques et chimiques des produits phytosanitaires employés.

Cette hétérogénéité des sources traduit une des ambitions de Qonfluens : faciliter la collaboration d’experts multidisciplinaires et les aider à partager leurs résultats. À cet effet, l’entreprise s’appuie sur des rapports, des études scientifiques, mais aussi sur des réunions regroupant divers spécialistes. Par exemple, une étude sur le maïs Bt – une variété modifiée génétiquement pour mieux résister aux ravageurs – a rassemblé divers experts à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), afin de déterminer les conséquences de la dispersion de ce pollen sur la faune alentour.

Évaluer la probabilité de présence d’une espèce invasive à chaque endroit

Cependant, associer une telle variété de données représente un véritable défi. « La donnée fait naître – à juste titre – de nombreux espoirs, mais c’est un matériau difficile à manipuler et à interpréter », prévient Thomas Kleiber. « Une grande partie de notre travail consiste donc à nettoyer ces données et à ne sélectionner que celles qui sont pertinentes, de sorte à les rendre exploitables. » Une étape indispensable avant de pouvoir les combiner et les restituer sous forme de cartes.

Celles-ci présentent des probabilités associées à chaque pixel, comme par exemple la probabilité de présence d’une espèce invasive, selon la stratégie de traitement employée. Pour mettre au point ces cartes, Qonfluens utilise une méthode statistique : l’inférence bayésienne. « Chaque source de données possède une incertitude qui lui est propre », explique Virgile Baudrot. « Par exemple, avant d’être mis sur le marché, un pesticide fait l’objet de tests, afin notamment de déterminer la probabilité de survie de plusieurs espèces à diverses concentrations de produit, ce qui correspond à une mesure d’incertitude. L’inférence bayésienne nous permet de combiner toutes les incertitudes des différentes données et d’induire les probabilités globales à l’échelle du modèle. »

Anticiper les menaces sur la santé humaine

Grâce à son travail de modélisation, Qonfluens entend aider à prévoir le comportement des nuisibles à large échelle. Un travail qui pourrait s’avérer encore plus essentiel à l’avenir. « Avec l’accélération du réchauffement climatique, de nombreuses espèces vont migrer et certaines peuvent constituer une menace considérable pour l’agriculture et la santé humaine », estime Thomas Kleiber. En effet, au-delà des ravages possibles sur les cultures, ces espèces peuvent être porteuses de zoonoses, ces maladies qui se transmettent de l’animal à l’être humain, telles que le paludisme et la dengue transmis par le moustique, ou la maladie de Lyme par la tique.

Un problème à prendre au sérieux sans attendre, selon les cofondateurs. « Comme en médecine, deux options sont possibles : faire du préventif ou du curatif », affirme Virgile Baudrot. « Et nous pensons qu’il vaut mieux prévenir que guérir. À travers la modélisation, nous cherchons donc à faciliter l’anticipation de ces phénomènes, afin que les solutions curatives restent ce qu’elles doivent être : des options de dernier recours. »

Par Bastien Contreras.


Qonfluens à VivaTech 2023

La start-up Qonfluens, incubée à IMT Mines Alès, sera présente au salon VivaTech 2023 qui se tiendra à Paris du 14 au 17 juin prochain. La jeune entreprise est présente le mercredi 14 juin sur le stand L18 de l’Institut Mines-Télécom.

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