MORFO : répondre à l’urgence climatique par la reforestation à grande échelle

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Les forêts constituent une arme majeure pour lutter contre le dérèglement climatique. Néanmoins, les projets de reforestation de qualité sont souvent coûteux et complexes à mener. La start-up MORFO vise à dépasser ces limites, grâce à une approche innovante portée par une connaissance fine des écosystèmes, la plantation par drones, des outils de suivi par intelligence artificielle et un procédé inédit d’encapsulation.

L’urgence climatique paraît plus que jamais préoccupante. Si le temps presse, il n’est toutefois pas (encore) trop tard pour agir et limiter ses effets potentiellement dramatiques. Dans cette optique, les forêts peuvent jouer un rôle essentiel, car elles contribuent à absorber et à stocker le CO2, à préserver la biodiversité, à dépolluer l’eau et les sols, à limiter les facteurs d’érosion…

Par conséquent, la reforestation représente un espoir dans la lutte contre le dérèglement climatique. Et ce n’est pas l’espace qui manque : d’après une étude menée par des chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Zurich, la Terre pourrait accueillir 900 millions d’hectares supplémentaires de forêt. Malheureusement, cette démarche se heurte à plusieurs obstacles : manque de financement, complexité scientifique des projets de reforestation, limites associées aux techniques actuelles de plantation, manque d’outils…

Planter des arbres ne suffit pas

La start-up MORFO, incubée à IMT Starter, vise à lever ces verrous afin d’accélérer le mouvement. Précisons cependant que son objectif n’est pas (seulement) de planter des arbres. « Nous adoptons une approche holistique, en considérant l’ensemble des impacts générés », revendique Adrien Pagès, cofondateur et CEO de l’entreprise. « Notre solution consiste ainsi non pas uniquement à reforester, mais à restaurer des écosystèmes à grande échelle, pour favoriser la capture du carbone, la biodiversité, la préservation des sols, avec un impact tant social qu’environnemental. »

MORFO propose donc une solution complète, intégrant la connaissance scientifique et l’analyse des écosystèmes à restaurer, une technologie innovante de plantation et des outils de suivi. De cette façon, la start-up est capable de réaliser des projets à grande échelle à moindre coût, de multiplier par 50 le rythme de plantation (par rapport aux techniques classiques de reforestation), d’intervenir sur des zones inaccessibles ou dangereuses, tout en assurant la sécurité des travailleurs humains, et de suivre les forêts sur le long terme. Autant d’atouts essentiels pour espérer atteindre les 900 millions d’hectares reboisés à l’échelle mondiale.

Des laboratoires qui font le plein d’essences

« Notre premier pilier repose sur la connaissance scientifique », avance le CEO de la start-up. « C’est pourquoi nous investissons beaucoup dans la R&D, via notre équipe de recherche interne et des partenariats avec des laboratoires français et étrangers. » Objectif : analyser finement les écosystèmes à restaurer et étudier les essences susceptibles d’être plantées — une essence désignant une espèce d’arbre ou de plante. Aujourd’hui, les chercheurs de MORFO suivent plus de 150 espèces, cherchant à comprendre leur cycle de croissance, à déterminer leur résistance aux aléas climatiques et au stress hydrique, à évaluer leur adaptabilité à différents sols… Une approche inédite dans le secteur, qui permet d’éviter les écueils liés au reboisement en monoculture : faible résistance aux incendies et aux tempêtes, vulnérabilité aux maladies, impact potentiellement négatif sur la biodiversité…

Si chaque projet de reforestation présente des spécificités, les équipes de MORFO suivent toujours le même processus. La première étape consiste à analyser les parcelles à reforester, via des relevés sur le terrain, de l’imagerie satellite, mais également des images recueillies par des drones. Les informations obtenues sont alors examinées à la lumière du catalogue d’essences de l’entreprise, afin de mettre au point un schéma de plantation. Les meilleures semences identifiées sont ensuite collectées par des travailleurs locaux, encadrés par la start-up, ce qui permet de créer de la valeur et de l’emploi autour des zones à restaurer.

Encapsulation et drones de plantation

De plus, pour la plantation, MORFO a développé une technologie innovante de capsules, renfermant des semences ayant déjà commencé leur germination, leur offrant une protection durant les premières phases de leur croissance. Ces billes, produites par des machines industrielles, fournissent également aux plantes des nutriments, des ressources hydriques et des micro-organismes adaptés à leur développement. Ainsi, elles contiennent le nécessaire pour faire pousser des arbres, mais aussi, selon les cas, des plantes herbacées, des graminées, des légumineuses, des arbustes, etc. En bref, tout le bagage vital pour restaurer un écosystème.

Ces capsules sont ensuite embarquées sur des drones de plantation. Grâce à un système de largage développé par la start-up, ceux-ci survolent alors la parcelle en dispersant les billes au bon endroit, à une fréquence prédéfinie. Une approche qui permet de couvrir, avec le moins de préparation de sol possible, une grande variété de territoires, y compris des terrains escarpés, difficiles d’accès ou dangereux.

Au-delà de la rapidité de plantation permise par les drones (jusqu’à 50 hectares par jour), la technologie offre aussi une plus grande réactivité, avec un déploiement en quelques semaines seulement. « Cette flexibilité est un atout primordial », souligne Adrien Pagès. « Car il est aujourd’hui difficile de déterminer le meilleur moment de plantation, en raison du dérèglement des saisons. » Le timing joue ainsi un rôle prépondérant dans le succès d’une reforestation.

L’IA au service de l’expertise humaine

Cependant, le projet ne s’arrête pas au largage des semences. En effet, commence alors la phase de suivi, en particulier de l’évolution de la biomasse, des strates végétales, de la biodiversité et des stocks de carbone. Des informations pouvant être transmises à toutes les parties prenantes, à des fins de transparence. « Cet aspect est loin d’être anodin, surtout dans un contexte d’urgence climatique », note l’entrepreneur. « Car si vous voulez recueillir l’adhésion du plus grand nombre, vous avez besoin d’apporter des preuves visuelles et chiffrées. »

Pour relever ce défi de suivi à grande échelle (des centaines de milliers d’hectares, pendant des dizaines d’années), MORFO s’appuie sur ses drones et sur l’intelligence artificielle, notamment la vision par ordinateur et des algorithmes de machine learning. Ces techniques permettent d’étudier rapidement un grand volume de données, afin de faciliter l’analyse humaine – sans s’y substituer. « Nous n’entendons pas remplacer l’expertise des ingénieurs et des chercheurs », insiste Adrien Pagès. « Nous souhaitons, au contraire, leur fournir des outils pour travailler plus vite, sur des surfaces plus grandes. »

Lutter contre le changement climatique… et le greenwashing

Si son ambition première tourne autour de son impact positif, la start-up a toutefois besoin de clients pour poursuivre son développement. La première cible de MORFO est constituée des acteurs de l’industrie extractive et des infrastructures. En effet, ces derniers sont soumis à des obligations de restauration de l’environnement, qui dépendent du pays où ils exercent. « Et certaines entreprises vont au-delà des réglementations », ajoute le CEO. « Il ne faut pas oublier qu’au sein de ces structures, il y a des êtres humains passionnés, qui ont conscience de l’urgence climatique et qui souhaitent limiter l’impact négatif de leur activité. »

Les États et les organismes publics peuvent également être intéressés par la solution élaborée par MORFO. Et la start-up s’adresse aussi aux entreprises engagées dans des programmes de contribution carbone volontaire. Au risque de traiter avec des sociétés qui cherchent uniquement à redorer leur image ? « Nous ne souhaitons en aucun cas octroyer des « permis de polluer », donc nous sommes très attentifs à ce risque de greenwashing », affirme Adrien Pagès. « Par conséquent, nous ne travaillons qu’avec des entreprises qui se sont déjà engagées à réduire leurs émissions. » MORFO n’intervient alors que pour compenser les rejets incompressibles de gaz à effet de serre, via ses projets de reforestation respectueux de l’environnement et transparents.

Aujourd’hui, la start-up a déjà lancé des premiers projets sur des surfaces restreintes (entre 20 et 30 hectares). Pour accélérer sa croissance, elle a réalisé une levée de fonds de 4 millions d’euros, qui lui a permis d’augmenter ses effectifs (qui comptent une vingtaine de personnes, en France, au Brésil et au Gabon), d’accélérer ses travaux de R&D et de favoriser son passage à l’échelle. De nouveaux projets, de plus grande ampleur (plusieurs milliers d’hectares), sont ainsi sur le point de débuter, en Afrique et en Amérique latine. Avec toujours l’objectif d’avoir un impact positif, sur l’environnement, la biodiversité et la société.

Par Bastien Contreras.


MORFO, lauréate du prix Innovation Bercy-IMT

La start-up MORFO, incubée à IMT Starter (incubateur commun de Télécom SudParis et Institut Mines-Télécom Business School), a remporté le Prix Innovation Bercy-IMT le 16 décembre dernier. Ce prix récompense, chaque année depuis 2018, les acteurs clés de l’entrepreneuriat numérique et industriel au sein du réseau des incubateurs de l’Institut Mines-Télécom. 12 start-up présentaient ainsi leurs projets au ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, devant un jury d’experts de l’innovation numérique et industrielle.

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