Court-circuit pour nos déchets

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Mines Douai fait le pari de l’économie circulaire pour la valorisation des déchets. Le 7 octobre, l’école inaugurait sa chaire Ecocirnov dont la mission est d’aider à la structuration de filières de recyclage en circuit court. 

 

Vert pour le verre. Jaune pour les plastiques, journaux et cartons. Le reste dans la poubelle traditionnelle ou à la déchetterie. Côté consommateur, le tri sélectif apparaît comme une tâche relativement simple. Mais tout ne s’arrête pas là. Une fois récupérés, les déchets passent par de nouvelles étapes de séparation. L’objectif est de créer des fractions de déchets les plus semblables possibles, pour pouvoir ensuite exploiter ces gisements dans des processus de recyclage. Si plusieurs matériaux, comme certaines familles de plastiques, parviennent déjà à être bien séparés, ce n’est pas le cas des verres par exemple. Et quand bien même les fractions de déchets sont isolées, toutes ne sont pas valorisées, faute de filières adaptées et viables à long terme. Bref : en matière de recyclage, si des efforts sont réalisés, il reste du chemin à parcourir.

C’est pour avancer sur ces chantiers que Mines Douai a lancé la chaire Économie circulaire et innovation (Ecocirnov) le 7 octobre dernier. L’école fait ainsi le pari qu’une valorisation efficace des déchets passe par des circuits courts, créant de la richesse à l’échelle locale. Au travers de cette chaire, Mines Douai s’associe notamment avec la Métropole européenne de Lille (MEL) et le Syndicat mixte d’élimination et de valorisation des déchets (Symevad). Ensemble, ils souhaitent identifier des filières à structurer, sur la base de l’expertise de l’école douaisienne dans le domaine. « Notre compétence réside notamment dans l’aide à la prise de décision » pointe Emmanuel Lemelin, responsable du Centre d’ingénierie et d’innovation de Mines Douai et coordinateur de la chaire. Et de préciser : « Nous sommes en mesure de proposer des outils de pointe permettant de prévoir les coûts de la structuration d’une filière de collecte et de recyclage d’un matériau. »

 

Une filière locale pour la production de compost

La Métropole lilloise et le Symevad ont par exemple déjà mis sur la table des problématiques auxquelles les scientifiques de Mines Douai se sont attelés : que faire de la fraction fermentescible des ordures ménagères ? Il s’agit là des déchets putrescibles, qui peuvent être compostés. Les chercheurs se sont d’abord intéressés à la cantine collective de l’école, en partant d’un projet d’élèves pour produire du compost. Après analyse et simulations, une limite apparaît : une récupération et production de compost à l’échelle du site de Mines Douai n’aurait pas d’équilibre économique à 20 ans, faute d’entrée suffisante de déchets.

L’école a donc envisagé de s’associer à un établissement de formation de personnes handicapées, disposant d’une cantine produisant cinq fois plus de déchets fermentescibles, et faisant ainsi évoluer le modèle économique. Une unité locale de recyclage (ULR) a été structurée. Elle permettra de collecter les déchets dans 18 cantines collectives de la région, et de traiter 200 kilos par jour. Le compost obtenu sera utilisé par les agglomérations avoisinantes sur leurs espaces verts, ou pourra être vendu. En outre, cette ULR permettra de maintenir ou de créer des emplois de personnes handicapées. « C’est un bel exemple de ce que la valorisation de déchets peut produire comme richesses au plan local » confie Emmanuel Lemelin.

 

Trouver de nouvelles voies de valorisation

Le cas du compost illustre la typologie de projets innovants qu’il est possible de mettre en place. Au-delà, la chaire a également vocation à répondre à des problématiques plus ouvertes. La Métropole européenne de Lille et le Symevad ont ainsi des demandes concernant des déchets dont les voix de recyclage ne sont pas connues — contrairement au compost. C’est le cas par exemple des verres en mélange. « Sur ce sujet, nous devons répondre à plusieurs questions. Faut-il trier les différents types de verre ? Comment quantifier la portion de chaque verre ? Et puis que pouvons-nous faire de ces verres ? » détaille Emmanuel Lemelin.

Pour y répondre, la chaire envisage de s’associer avec l’université de Sherbrooke, au Canada, dont les compétences sur le recyclage des verres sont reconnues dans la sphère académique. Ensemble, les scientifiques tentent d’adapter des outils de mesure déjà existants à de nouveaux cas, comme celui des verres en mélange. « Notre travail de chercheur n’est pas de développer de nouveaux bancs de tri, mais d’apporter une connaissance des techniques comme l’analyse spectrale infrarouge ou ultraviolette, ou la reconnaissance numérique de formes et de couleurs pour voir ce qu’il est possible de faire. Nous laisserons aux entreprises le soin de développer et d’implémenter ensuite les procédés industriels » explique le coordinateur de la chaire.

 

Les verres en mélange représentent un challenge dans le processus de tri des déchets. Faut-il les séparer ? Et si oui, comment ?

Les verres en mélange représentent un challenge dans le processus de tri des déchets. Faut-il les séparer ? Et si oui, comment ?

 

Les compétences de Mines Douai en plasturgie et recylage de matière sont également exploitées par la chaire au profit d’un autre sujet de recherche, mené en collaboration avec l’Institut supérieur de plasturgie d’Alençon (ISPA) et Armines. Les partenaires s’intéressent ici au recyclage et à la valorisation des thermoplastiques bromés. Ce type de matière plastique se retrouve notamment dans les déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E), où le brome est utilisé comme retardateur de flamme pour prévenir les risques d’incendie. Or les résidus bromés peuvent être considérés comme des ‘’polluants’’ susceptibles d’affecter les performances thermomécaniques des plastiques recyclés. « Dans ce cas, l’expertise du département TPCIM, commun à Mines Douai et Armines, dans le domaine des mélanges multi-polymères compatibilisés, et celle de l’ISPA en matière de caractérisation fine des gisements de plastiques recyclés, permettront de contribuer au développement de solutions de recyclage de ces gisements particuliers de D3E » expose Emmanuel Lemelin.

Au-delà, la chaire Ecocirnov a vocation à s’ouvrir à d’autres partenaires et par conséquent à élargir ses champs d’application à de nouvelles problématiques spécifiques. Le tri, le recyclage et la valorisation des matériaux composites reste par exemple encore un enjeu de taille, dans la mesure où les gisements sont souvent de faible volume et très disparates (multiples nuances de matrices polymères, multiples renforts fibreux coupés, continus ou tissés, en verre, carbone, voire en lin ou chanvre, taux de fibres variables, etc.). Autre exemple : les bioplastiques, sujet de recherche à part entière de Mines Douai, ne sont pas tous biodégradables. Structurer des filières de recyclage spécifiques à ces nouveaux plastiques verts devient de fait un enjeu de taille. Les chercheurs avanceront donc au rythme des mises à jour des consignes de tri des déchets, qui témoignent d’une prise de conscience de plus en plus grande de la valeur qu’il est possible de tirer de ce que nous jetons quotidiennement.

 

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Le+bleuLa chaire Ecocirnov et ses partenaires

Pour répondre aux besoins des acteurs publics et des entreprises dans le domaine de la valorisation des déchets, Mines Douai a impulsé la création de la chaire Ecocirnov. Armines, le Syndicat mixte d’élimination et de valorisation des déchets (Symevad), la Métropole européenne de Lille (MEL) et l’Institut supérieur de plasturgie d’Alençon (ISPA) ont adhéré au projet et soutiennent le développement de la chaire.

Au sein de l’école douaisienne, l’implication des cinq départements d’enseignement et de recherche[1] permet de rassembler un spectre étendu de compétences, allant du tri des déchets à la valorisation de matériaux alternatifs issus du recyclage des déchets urbains, industriels (plastiques, composites, …), agricoles et forestiers, dont les sous- et co-produits industriels, en passant par leur caractérisation en termes de comportement thermomécanique, de structure et de processabilité.

 

[1] Département Technologie des Polymères et Composites & Ingénierie Mécanique (TPCIM), département Informatique et Automatique (IA), département Génie Civil et Environnemental (GCE), département Energétique Industrielle (EI), département Science de l’Atmosphère et Génie de l’Environnement (SAGE)

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