La télédétection décryptée : de l’agriculture aux catastrophes majeures
Que ce soit pour l’agriculture de précision ou l’aide au déploiement des secours en cas de catastrophe majeure, les applications de la télédétection sont nombreuses. Grégoire Mercier, chercheur à IMT Atlantique, explique les notions clés de cette méthode d’observation à distance grâce à des exemples issus de ses recherches.
Détecter l’invisible depuis l’espace : c’est possible grâce à la télédétection. Cette méthode d’observation à distance est aujourd’hui utilisée dans la surveillance de la qualité de l’air des zones urbaines, le suivi des écosystèmes ou encore la détection de la pêche illégale. Ses applications sont vastes à l’image des territoires qu’elle permet de couvrir. Son objectif : spatialiser l’information autrement localisée par des mesures au sol.
Ces dernières années, la Bretagne est devenue un acteur incontournable pour certaines thématiques de la télédétection en France et en Europe à travers le GIS Bretel et la plateforme d’observation Vigisat. « Nous sommes dans une période intéressante pour la télédétection car nous avons des missions à vocations opérationnelles », informe Grégoire Mercier, chercheur à IMT Atlantique spécialisé dans le traitement d’images de télédétection. A lui d’ajouter : « nous pouvons répondre à des questions de la société civile et pas seulement montrer que l’on peut observer des nuages avec une image ». En compagnie de notre expert, nous effectuons un petit retour sur des éléments clés de la télédétection, entre méthodes et applications.
Retracer l’histoire du signal en télédétection
Grégoire Mercier définit la télédétection comme « toute observation à distance pour laquelle on utilise un rayonnement électromagnétique afin d’étudier l’interaction entre l’onde et la matière. En fonction de la réponse, on obtient une perception de l’objet qui a interagi avec cette onde ».
En télédétection spatiale ou aéroportée, le photon est un acteur clé. Accompagné de milliers d’autres comme lui, il traverse l’espace à la vitesse de la lumière jusqu’à atteindre l’atmosphère terrestre. A ce niveau les choses se compliquent à cause de l’atmosphère elle-même, des nuages et des aérosols. L’atmosphère est emplie d’obstacles qui peuvent empêcher les photons d’atteindre la surface terrestre. Lorsqu’un photon entre en contact avec une particule ou une goutte d’eau par exemple, il est en partie réfléchi et/ou absorbé. Il renvoie ainsi de nouvelles ondes dans des directions aléatoires. S’il parvient à atteindre le sol, alors ce qui s’ensuit dépend de sa zone d’atterrissage. Végétation, océan, lac, bâtiment… selon l’objet atteint, le rayonnement réfléchi ne sera pas le même.
En effet, chaque élément possède sa propre signature spectrale qui permettra par la suite de l’identifier sur les images de télédétection acquises grâce à un capteur embarqué à bord d’un satellite, d’un avion ou d’un drone.
Réponse spectrale et observations à distance
Chaque objet bénéficie donc d’une signature unique. « Lorsque l’on observe de la chlorophylle, il se passe beaucoup de choses dans le vert, de l’absorption dans le rouge et après un saut chlorophyllien, on observe une réponse très spécifique dans le proche infrarouge », détaille Grégoire Mercier. Le fait d’observer ces réponses spectrales est le signe que la zone observée à distance est de nature végétale. Toutefois, ces observations sont à moduler selon l’humidité et la présence de pathosystème (une atteinte bactérienne sur la végétation). Ces derniers modifient la « carte d’identité » spectrale de la plante. C’est ainsi que les chercheurs détectent des stresses hydriques ou une infection avant que son effet ne soit visible à l’œil nu. Un procédé particulièrement utile en agriculture de précision.
La télédétection aéroportée renseigne ainsi sur les pratiques et l’évolution des paysages. « A IMT Atlantique, nous avons travaillé en collaboration avec le laboratoire COSTEL sur la caractérisation des zones humides en agriculture. L’objectif était de créer un outil à des fins opérationnelles. Nous avons pu prouver ainsi que l’utilisation de haies permettait d’éviter le ruissellement des sols et donc la pollution des cours d’eau. »
Télédétection active/passive et longueurs d’onde
En fonction du type de capteur utilisé, il existe deux types de télédétection. Lorsque l’on utilise le rayonnement solaire pour réaliser une observation, on parle de télédétection passive. Dans ce cas-là, les capteurs utilisés sont dits « optiques ». Les longueurs d’onde concernées (typiquement de 400 à 2500 nanomètres) permettent l’utilisation de lentilles. « A l’échelle nanométrique, l’onde électromagnétique est en interaction avec le niveau d’énergie des molécules ce qui nous permet d’observer directement des constituants. », explique Grégoire Mercier. C’est ainsi que la composition gazeuse de l’atmosphère peut être observée par exemple.
Mais les observations ne se résument pas uniquement au champ visible du spectre électromagnétique. L’objectif est d’aller au-delà du système visuel humain avec des observations dans le domaine de l’infrarouge thermique (jusqu’à 5 mm de longueur d’onde) et également des micro-ondes (de longueur d’onde centimétrique ou décamétrique). « Lorsque l’on utilise des longueurs d’ondes non plus nanométriques mais centimétriques, l’interaction onde-matière avec ces ondes électromagnétiques, est complètement différente », explique Grégoire Mercier.
Ces interactions sont caractéristiques des observations radar. Cette fois-ci, il est question de télédétection active, car une onde est émise par le capteur en direction de la surface avant de récupérer une réponse. « Pour ces longueurs d’onde (de 1centimètre à 1 mètre), tout se passe comme si on était aveugle et que l’on touchait la surface avec une main de la taille de la longueur d’onde. Si une surface est plane, on ne voit rien parce qu’on ne sent rien. La rugosité d’un élément apporte donc de l’information. » Autrement dit, une observation radar de la surface de la mer distingue de petites vagues correspondant aux ondes capillaires. Or s’il est question d’un lac, rien n’est visible. Cela aide les scientifiques à identifier ce qui est observé.
Traitement de l’image et applications aux catastrophes de grande ampleur
Améliorer les méthodes de détection, Grégoire Mercier en a fait son quotidien. « Mes recherches s’appuient sur des méthodologies opérationnelles qui visent à détecter des changements avec un niveau de fiabilité élevé », explique Grégoire Mercier. Le chercheur s’applique notamment à l’analyse d’images dans des applications temporelles. Il a ainsi collaboré avec le CNES pour la création d’outils utilisés lors de catastrophes majeures.
Initiée en 2000 par le CNES et l’Esa, la charte internationale « Espace et catastrophes naturelles » regroupe désormais 16 agences spatiales à travers le monde. Cette charte peut être activée suite à une catastrophe naturelle ou industrielle majeure suivant le degré de gravité. « Il y a toujours une agence spatiale en veille. Lorsque la charte est déclenchée, elle doit tout mettre en œuvre afin de réaliser une mise à jour de la carte de la zone sinistrée », précise Grégoire Mercier. Pour parvenir à cette carte post-catastrophe, l’agence spatiale réquisitionne n’importe quel satellite disponible. A l’aide de celui-ci, elle cartographie la zone avant le déploiement de la sécurité civile. L’objectif doit être généralement atteint en trois heures.
« La cartographie rapide ne permet pas de choisir le capteur le plus adapté ni le meilleur point de vue. Il faut ensuite comparer cette observation à celle correspondant à la situation précédente, que l’on peut retrouver dans des bases de données. Le problème est que les images ne seront probablement pas réalisées par le même capteur et n’auront pas les mêmes résolutions spatiales. L’idée est donc de mettre en œuvre des outils qui vont favoriser la comparaison de ces images et de la gestion des données hétérogènes. C’est là qu’on intervient », informe Grégoire Mercier.
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Désormais au-delà des premiers objectifs du satellite SPOT (Système Probatoire d’Observation de la Terre), la télédétection a suffisamment fait ses preuves pour s’imposer comme un outil incontournable d’observation des territoires. Reste désormais à établir des méthodologies opérationnelles du traitement des images comme le propose l’ANR PHOENIX.
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La télédétection pour suivre l’évolution naturelle d’un paysage : le projet ANR PHOENIX
Grégoire Mercier est impliqué dans le projet ANR PHOENIX. Lancé en 2015, ce projet a notamment pour objectif de définir des méthodologies de télédétection fiables qui seront utilisées dans la caractérisation de l’évolution naturelle d’un paysage. Des structures de grande échelle telles que les glaciers alpins et la forêt Amazonienne pourraient ainsi être analysés à diverses périodes afin de déterminer l’impact de différents types de changements sur leur évolution. L’exploitation des données satellites pour la surveillance de l’environnement permettra d’analyser son état actuel et de prévoir son état futur. En savoir +
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