ValueCo fait entrer la durabilité dans la valorisation des entreprises
La valorisation des entreprises reste majoritairement fondée sur l’évaluation financière. Les critères environnementaux, sociaux, et de gouvernance (ESG) sont moins pris en compte, car trop disparates. La start-up ValueCo, incubée à IMT Starter et présente au salon VivaTech 2023, offre une base de données destinée aux gestionnaires d’actifs pour mieux intégrer ces critères ESG dans leurs décisions d’investissement.
Les gestionnaires d’actifs, qui investissent dans une entreprise au travers d’actions ou d’obligations, fondent avant tout leurs décisions sur une analyse financière. Néanmoins la prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance — appelés critères ESG — pour des analyses extra-financières, est une démarche complémentaire qui a du sens dans le cadre d’investissements responsables et durables.
Cependant, l’analyse de critères ESG implique la captation d’une quantité importante de données peu standardisées, pour laquelle les investisseurs n’ont généralement ni le temps, ni l’expertise, ni les ressources en interne. Ces derniers vont donc s’adresser à des agrégateurs de données et des agences de notation, comme MSCI ou S&P Sustainable1, pour faire l’intermédiaire entre eux et les entreprises cotées. Ces agences agrègent les milliers de données et d’indicateurs disponibles sur les entreprises pour générer des scores agrégés, qu’elles vendent notamment aux gestionnaires d’actifs afin de les aider dans leurs décisions d’investissement. Ces scores permettent également d’évaluer la conformité réglementaire ou l’engagement actionnarial d’une entreprise, de surveiller des risques ou encore de communiquer.
Le problème : ces notations sont très divergentes d’une agence à une autre. Si le score ESG est un indicateur rationnel, les méthodologies pour le construire sont opaques et extrêmement variables. Une agence va par exemple produire un score sur 100, alors qu’une autre va utiliser une notation par lettres. Comme les investisseurs ne disposent généralement que de cette information pour faire leur analyse extra-financière, ils vont acheter plusieurs scores ESG, et sur la base de ces différents signaux, créer eux-mêmes un score interne d’aide à la décision. « En bout de chaîne, personne ne sait vraiment ce qu’il y a derrière ces scores ESG, et il est très compliqué de justifier d’une démarche d’investissement responsable », constate Mathieu Joubrel, CTO de la start-up ValueCo.
« De leur côté, les investisseurs ont une responsabilité fiduciaire vis-à-vis de leurs clients : ils sont obligés de faire ce qui est le mieux pour le rendement des placements qui leur ont été confiés. De ce fait, l’ESG n’entre généralement qu’à titre accessoire dans leurs décisions d’investissement ». C’est donc à la fin de la chaîne de valeur, dans cet écosystème relativement immature, qu’intervient ValueCo : la jeune pousse, incubée à IMT Starter (qui associe les écoles Télécom SudParis, Institut Mines-Télécom Business School, et l’ENSIIE), capture le sentiment de marché sur l’ESG et les facteurs de durabilité d’entreprises cotées.
Une vision globale inédite du marché ESG
ValueCo collecte les scores ESG développés en interne par les gestionnaires d’actifs sur toutes les entreprises de leur univers d’investissement —entre 500 et 30 000 entreprises pour les investisseurs côtés — pour en faire une base de données. Ces scores incluent généralement un indicateur ESG agrégé, des indicateurs par sous-pilier environnemental, social, et de gouvernance, et parfois des indicateurs plus spécifiques, relatifs à la biodiversité par exemple. Avec ce benchmark, la jeune pousse fournit une vision globale sans précédents de la notation ESG : elle est capable de donner du sens aux scores des investisseurs, mais aussi de capter des signaux de marché concernant la durabilité d’une entreprise.
Ces données sont mises à disposition par ValueCo sur une plateforme SaaS (Software as a Service), accessible sur abonnement aux investisseurs qui contribuent à la base. Côté utilisateur, la plateforme est « presse-bouton » : il suffit de sélectionner le nom d’une entreprise pour obtenir un tableau de bord avec des analyses. Les investisseurs peuvent se positionner par rapport à la moyenne sur une entreprise en particulier, la positionner par rapport à d’autres entreprises sur un marché identique, ou encore filtrer sur un score spécifique pour exclure de leur portfolio les entreprises les moins bien notées — ou inversement retenir les mieux notées.
L’équipe de ValueCo travaille également à mettre en place des API (application programming interface ou interface de programmation d’application) pour se connecter sur les systèmes de ses clients et échanger de l’information en direct : les scores sont injectés immédiatement dans la base et les clients bénéficient d’un accès interne aux analyses.
Une démarche d’intelligence collective
La vision d’ensemble des notations ESG proposée par ValueCo est profitable à toutes les parties prenantes de ce marché qui jusqu’alors évoluait en silo : chacun gardant sa méthode d’évaluation pour soi. La start-up encourage les contributions des investisseurs, soit en proposant l’accès payant à sa solution de benchmark, soit en échange d’un certain nombre de services gratuits parmi lesquels la participation à des initiatives de recherche et l’accès privilégié aux résultats. Le fait de travailler en intelligence collective est également un argument : ValueCo apporte des informations de marché aux entreprises cotées elles-mêmes, donc les investisseurs qui contribuent à la base de données participent à faire un retour sur leur perception. Ainsi la démarche séduit car l’engagement actionnarial est faible, sans implication financière pour les investisseurs (cela ne coûte que d’exporter les scores), mais l’impact responsable est notable.
En effet, ValueCo s’adresse à toutes les parties prenantes de cet écosystème. Bien que 90 % de ses clients soient des gestionnaires d’actifs, la start-up s’adresse également aux investisseurs institutionnels et aux « émetteurs », c’est-à-dire aux entreprises cotées elles-mêmes. Les investisseurs institutionnels sont les assurances, les banques commerciales, les fonds de pension, les caisses de retraite…, qui réunissent l’épargne et la confient à des gestionnaires d’actifs. Grâce aux analyses délivrées par la plateforme ValueCo, ces investisseurs ont une meilleure compréhension des démarches des gestionnaires qu’ils financent.
Les émetteurs, eux, ont intérêt à souscrire à la plateforme pour avoir la perception des investisseurs sur leurs propres performances de durabilité, mais aussi se comparer à leurs pairs. ValueCo leur fournit des outils pour identifier leurs forces et leurs faiblesses, et adapter leur stratégie RSE en s’alignant sur les bonnes pratiques du marché.
Vers une meilleure compréhension des scores
« Dans une analyse financière, les données d’entrée sont claires, et à la sortie c’est le rendement qui est recherché. C’est un processus déterministe et peu ambigu », explique Mathieu Joubrel. « Sur l’ESG, il y a énormément de données qui sont beaucoup plus molles et plus difficiles à capter, il est donc légitime d’avoir des avis différents. Le problème, c’est de ne pas comprendre ce que ces scores signifient. » La divergence des scores ESG est bien théorisée et trois sources principales sont identifiées.
La première source de variabilité, la plus importante, est la divergence de mesure. Il y a un fort enjeu, au début de la chaîne de valeur, à collecter les bonnes données au niveau des entreprises : un même nom de signal, par exemple « Sécurité au travail », recouvre parfois différents indicateurs d’une entreprise à une autre. Ainsi, même avec une méthodologie identique, l’hétérogénéité des signaux d’entrée crée des écarts sur les scores ESG à la sortie. Cette source de divergence a néanmoins vocation à se résorber: de nombreux acteurs travaillent sur le déploiement de solutions technologiques pour récupérer et normaliser les indicateurs au sein des entreprises, afin qu’ils soient comparables. Tandis que l’Europe travaille à la mise au point de normes et de standards pour compléter ces initiatives technologiques.
Les deux autres sources de divergence sont le périmètre (les critères sélectionnés pour créer le score) et la pondération (l’importance relative de ces critères dans les calculs). Ces paramètres constituent la « recette secrète » des organismes de notation : ils dépendent des définitions de la performance RSE et des modèles développés par chaque agence. Ces biais-là ne sont a priori pas voués à disparaître, mais une bascule est en train de s’opérer car les investisseurs sont de moins en moins enclins à utiliser les modèles de scores agrégés et opaques des organismes de notation. Avec l’uniformisation des données d’entrée sur les entreprises, les investisseurs vont tendre à collecter eux-mêmes des données plus granulaires, et décider ensuite du périmètre et de la pondération pour créer leurs propres scores ESG. « Quoi qu’il en soit, plus la divergence liée à la mesure va diminuer, plus les scores récoltés par ValueCo seront compréhensibles car les différences entre les notes s’expliqueront alors majoritairement par les démarches internes des investisseurs. Nous serons alors mieux à même de les aider à se positionner et à avoir la maîtrise de leurs indicateurs », projette le CTO.
Une collaboration étroite avec la recherche
Une fois la base de scores ESG constituée, le traitement des données par ValueCo repose essentiellement sur des méthodes statistiques. « Notre objectif est d’apporter de la compréhension à nos clients sur un marché qui est déjà confus. Donc pour le moment, nous ne voulons pas complexifier ce système avec des algorithmes de deep learning qui vont être eux-mêmes difficiles à expliquer », soulève Mathieu Joubrel. « Cela dit, il y a des signaux faibles, subtils à capter, pour lesquels nous envisageons de faire appel à l’intelligence artificielle. Pour l’instant, nous sommes au stade de la recherche mais il y a clairement un intérêt à intégrer dans la plateforme des technologies un peu plus avancées dans le futur. »
La recherche est effectivement un pilier fondamental pour l’équipe de ValueCo qui collabore avec plusieurs universités et institutions, notamment le MIT et Grenoble École de Management, en partageant avec elles des données et des analyses. L’objectif de cette démarche est non seulement de participer à des publications et de faire avancer l’écosystème, mais également de recruter des talents en sciences de la donnée et en recherche fondamentale. Après deux ans de développement, ValueCo est aujourd’hui sur une période de transition et profite de l’accompagnement stratégique de l‘incubateur IMT Starter pour anticiper son passage à l’échelle. La start-up planifie d’agrandir prochainement son équipe, après une levée de fonds prévue d’ici la fin de l’année 2023 : le salon VivaTech devrait pour cela offrir une tribune de choix.
Par Ingrid Colleau.
ValueCo à VivaTech 2023
La start-up ValueCo, incubée à IMT Starter, sera présente au salon VivaTech 2023 qui se tiendra à Paris du 14 au 17 juin prochain. La jeune entreprise sera présente le jeudi 15 juin sur le stand L18 de l’Institut Mines-Télécom.
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