Contamination des eaux par l’arsenic : Enjeux de détection et de traitement

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Présence d'arsenic sur le sol, pollution, License C.C.

Les eaux contaminées par l’arsenic, qu’il s’agisse d’eaux de surfaces ou d’eaux souterraines, concernent de nombreux territoires en France. Les raisons peuvent être d’origine anthropique, par exemple liée à l’activité minière, ou naturelle dans de nombreux pays comme l’Inde, le Pakistan ou le Chili, en lien avec l’altération de formations géologiques. En partenariat avec la Nuclear Materials Authority en Egypte et l’Université de Guangxi en Chine, une équipe de chercheurs d’IMT Mines Alès a développé des procédés de traitement d’eaux contaminées et de détection de l’arsenic.

 

L’arsenic peut être naturellement présent dans les eaux utilisées pour l’irrigation ou encore l’élevage. Dans la majorité des cas ces teneurs sont suffisamment basses - inférieures à 0,01 milligramme par litre - pour ne présenter aucun risque pour l’homme. Cependant une surexposition peut dramatiquement affecter la faune, la flore et la santé humaine causant notamment des cancers et des affections dermatologiques.

Des cas emblématiques de contamination anthropique ont été rapportés liés à l’activité minière. En 2019, à proximité de la mine d’or de Salsigne dans le sud de la France, des enfants ont été surexposés à l’arsenic, probablement mobilisé par l’entrainement de poussières et la mise en solution de l’arsenic des résidus miniers. Mais des phénomènes naturels, comme l’infiltration des eaux de pluie, l’érosion de formations géologiques ou le lessivage des sols peuvent également être à l’origine de contaminations dans de nombreux pays comme l’Inde, la Chine ou encore le Chili. Dans ces régions, la contamination des ressources hydriques représente un enjeu sanitaire crucial.

« Malheureusement, les pays confrontés à ce challenge environnemental et sanitaire sont souvent des pays pauvres qui n’ont pas accès aux techniques les plus performantes pour décontaminer l’eau » indique Eric Guibal, chercheur à IMT Mines Alès. « Souvent, dans ces pays, les populations font appel à des procédés rustiques pour réduire la toxicité des captages d’eau de boisson. Ce sont des compromis entre efficacité et coût de fabrication et d’exploitation, par exemple par pompage et filtration sur des oxydes de fer » précise-t-il. Avec une équipe de collègues et en partenariat avec la Nuclear Materials Authority en Egypte et l’Université de Guangxi en Chine, il a contribué à développer différents matériaux innovants pour le traitement et la détection de l’arsenic dans les eaux contaminées.

Des matériaux qui « aiment » l’arsenic

« Ce que nous proposons ce n’est pas une technique qui pourrait remplacer ce que nous avons aujourd’hui pour capter l’arsenic, mais une technique complémentaire pour améliorer la dépollution » ajoute Eric Guibal. Ces équipes de chercheurs ont mis au point une gamme d’adsorbants, matériaux capables de fixer des ions ou molécules, pour capter l’arsenic. Basés sur l’utilisation de biopolymères (extraits d’algues, de carapaces de crustacés), ils offrent alors une alternative à ceux produits à partir de ressources pétrolières. « Remplacer des matériaux pétrosourcés par des ressources renouvelables est en soit un challenge porteur d’avenir » souligne-t-il.

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« La gestion respectueuse de l’environnement nous fait toucher ici les limites de ces matériaux ; afin de ne pas appauvrir le biotope nous limitons le champ d’application de nos procédés à des applications comme traitement de finition (polishing treatment) et pour des « niches » » tient-il à tempérer. En associant ces procédés à des techniques plus conventionnelles (incluant précipitation, filtration, etc.) il est possible d’abaisser significativement la toxicité des effluents et leurs rejets et d’améliorer la qualité des eaux de captage. Le terrain d’application visé s’inscrit donc essentiellement dans des applications locales limitées à des zones où la qualité de l’eau est critique.

Différents matériaux ont ainsi été développés, associant par exemple le biopolymère - le chitosane, extrait de carapaces de crustacés - avec des ions métalliques - comme le molybdate - qui présentent une affinité particulière pour les ions arsenic. En se regroupant, les différents ions forment un complexe qui, une fois immobilisé, permet la récupération de l’arsenic en solution. De plus, la synthèse de nanocomposites sous forme de sphères creuses associant molybdate avec d’autres composés (silicate et acétate de cellulose) produit des nano-objets utilisables pour la détection, l’analyse et la récupération de l’arsenic dans des solutions faiblement contaminées.

Exemple d'adsorbants microporeux à base d'algues (alginate) pour l'arsenic.

Exemple d’adsorbants microporeux à base d’algues (alginate).

 

Un autre matériau plus récemment développé est basé sur la fonctionnalisation d’un composite, une technique utilisée pour conférer certaines propriétés particulières à un matériau. Associant des algues avec un polymère synthétique, ce matériau adsorbant permet d’extraire l’arsenic afin de dépolluer l’effluent ou l’eau de captage. Le challenge consiste à libérer l’arsenic après saturation du matériau, afin de le concentrer et de recycler l’adsorbant pour de nouveaux cycles de traitement.

Du labo au monde

L’intérêt de ces technologies est aussi de proposer un matériau primaire biologique qui offre une alternative aux procédés actuels plus polluants. Mais leur innovation a du mal à se faire une place en dehors du laboratoire, notamment car les industries peuvent avoir des réticences à changer de procédé. « C’est un procédé que les entreprises ne connaissent pas et il y a une peur qu’il n’y ait pas la même reproductibilité » ajoute-t-il. La variabilité de la ressource peut effrayer un industriel pour assurer une production et des propriétés reproductibles.

Mais au-delà, il existe aussi une certaine compétitivité des chaînes de production. Les industries ont aujourd’hui un procédé qui fonctionne et pour lequel ils ont un marché, et ne ressentent pas forcément le besoin de changer pour choisir des alternatives aux procédés issus du pétrole. « Pourtant il faut être proactif et anticiper sur l’avenir des ressources pétrosourcées » soutient Eric Guibal. « Il y a aussi des questions de rentabilité en jeu, et si le coût environnemental des procédés était pris en compte, peut-être que cette innovation serait plus attractive » conclut-il.

 

Tiphaine Claveau pour I’MTech

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