Gestion de crise : comment préparer les territoires ?

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Vue satellite du cyclone Gael passant au dessus de la Réunion en 2009© NASA, Jeff Schmaltz

Les feux de forêts catastrophiques l’été dernier dans le Gard le mettent en lumière : les territoires doivent se préparer à gérer les crises naturelles. Bien que certains réflexes soient fréquents, chaque crise est particulière et nécessite une réponse sur-mesure. Sophie Sauvagnargues, chercheuse à IMT Mines Alès en gestion territoriale des risques et des crises d’origine naturelle, participe à l’organisation d’exercices pour préparer les territoires à faire face à ces situations.

 

Chaque crise est unique. Il n’est pas possible pour les territoires concernés d’apprendre la bonne méthode de résolution, car chaque réponse correspond à une situation particulière. Alors, comment se préparer à l’inattendu ? « Il y a des qualités et des compétences essentielles à développer, mais aussi des méthodes d’organisation et de gestion pour se préparer à réagir efficacement » affirme Sophie Sauvagnargues. Chercheuse à IMT Mines Alès en gestion de crise d’origine naturelle, elle organise avec ses collègues « des exercices de crises réalistes, pédagogiques, immersifs, et adaptatifs pour que les acteurs des territoires soient le mieux préparés à réagir ».

Les chercheurs travaillent pour cela avec les collectivités territoriales (les communes et intercommunalités), les industriels ou les autorités institutionnelles pour les préparer et les former à la gestion de crises d’origine naturelle. Ce sont par exemple les feux de forêts ou les inondations, comme celles ayant touché la moitié sud de la France fin novembre 2019. Certaines zones sont plus à risques que d’autres, et certaines cumulent plusieurs types de risques. D’autres régions s’attendent à l’émergence de nouveaux risques, conséquences attendues du changement climatique. Alors que les régions en montagne se prépareront aux risques d’inondations dues aux crues torrentielles, l’île de la Réunion envisagera les conséquences causées par le passage d’un cyclone.

C’est précisément sur ce second exemple qu’ont travaillé les chercheurs alésiens dans le cadre du projet ANR SPICy, en partenariat avec le BRGM, Météo France-Océan Indien, BRLIngénierie, et le LACy. Terminé en 2017, il donne encore suite aujourd’hui à de nouveaux exercices d’anticipation de crise à La Réunion — dont les derniers en date en novembre 2019. Les communes sont sollicitées afin de construire avec elles les outils adaptés à la gestion d’une crise cyclonique, puis mises en situation simulée.

Des exercices réalistes

« Ce sont souvent les premières phases de crise, la mobilisation et l’anticipation, qui justifient le plus ces exercices » indique Sophie Sauvagnargues. La chercheuse et ses collègues réalisent un travail préalable d’analyse précis de l’existant au niveau communal, puis construisent un scénario fictif de gestion de crise sur-mesure pour chaque commune et les accompagnent sur place pour dérouler ce scénario. « Le travail de préparation en amont de ces exercices est extrêmement important » ajoute-t-elle, « pour ces cellules de crise communales à la Réunion, il s’est déroulé sur plusieurs mois ». Le scénario doit être représentatif du contexte et d’une réalité, créé sur-mesure pour la structure en question.

L’une des premières étapes est de bien comprendre le contexte environnant l’exercice sollicité. Cela nécessite une compréhension approfondie de l’organisation de crise des communes et du positionnement de l’intercommunalité compétente dans cette dynamique. Il faut aussi définir au préalable les objectifs pédagogiques visés — si ceux-ci ne sont pas demandés directement par les interlocuteurs —, et le phénomène initiateur de la crise. Cela consiste à analyser ce qui a plus ou moins bien fonctionné lors de précédentes crises pour cibler les points à améliorer. « Nous orientons les scénarios avec des évènements perturbateurs faisant appel à des compétences et qualités spécifiques » précise Sophie Sauvagnargues.

Un travail conséquent de documentation s’impose pour assurer la crédibilité de ces éléments perturbateurs et du scénario dans son ensemble. « Dans le cas du projet ANR SPICy à la Réunion, il fallait reconstituer au niveau météorologique et hydrologique la montée en puissance d’une alerte cyclonique » complète Sophie Sauvagnargues. « Nous avons travaillé avec Météo France pour la vraisemblance du phénomène cyclonique, mais c’est l’ensemble de la crise qu’il faut s’approprier aux niveaux géographique, météorologique et institutionnel ».

Observer pour corriger

Les exercices reconstituent une atmosphère crédible et prenante pour plonger les participants au cœur d’un cas concret, pendant une heure et demie. Sophie Sauvagnargues et son équipe séparent dans une salle les participants, et dans une autre les organisateurs. C’est aux participants de jouer la séquence, en déterminant les actions et décisions nécessaires pour gérer et anticiper l’arrivée du cyclone et s’y préparer.

« Nous restons en communication avec eux pour les accompagner et les orienter tout au long du scénario » indique Sophie Sauvagnargues. « Cela requiert d’être prêt à s’adapter à des interrogations que nous n’avions pas anticipées, et de garder une attitude interactive tout en les guidant vers les objectifs pédagogiques recherchés. »

Les chercheurs observent également les dynamiques au sein du groupe, la manière dont s’organisent les prises de décision et la collaboration. « Nous ne sommes pas là pour juger leurs décisions mais pour évaluer un collectif et son fonctionnement » insiste-t-elle. « C’est essentiel pour débattre à la suite de l’exercice sur les points forts et faibles, sur les difficultés rencontrées et leurs ressentis vis-à-vis des objectifs de départ. Nous cherchons à porter un regard objectif sur le déroulement de l’exercice ».

De nouveaux outils pour la gestion de crise

« Dans le cadre du projet SPICy, nous avons construit des Plans d’Intervention Gradués pour les communes » annonce Sophie Sauvagnargues. En plus du Plan Communal de Sauvegarde que les communes à risques sont obligées de mettre en œuvre, les Plans d’Intervention Gradués ont permis de découper les phases de la gestion de crise en plusieurs scénarios. Ces derniers ont été calculés en fonction des risques, et évoluaient avec le niveau d’intensité de la crise.

Un plan a été établi pour proposer des réactions en fonction de chaque scénario. Notamment au niveau du blocage de routes lors d’inondations, des zones impactées, des premières actions réflexes nécessaires comme les quartiers à alerter en priorité.

« Ce Plan d’Intervention Gradué permet aux acteurs de la gestion de crise d’avoir un ensemble d’actions disponibles rapidement pour ne rien oublier, en leur laissant plus de temps de se concentrer sur les particularités de la crise » ajoute Sophie Sauvagnargues. C’est un exemple d’outil pouvant être mis au point lors de ces échanges avec les communes. Les exercices de gestion de crises, au-delà de former les communes, offrent aussi l’opportunité de développer des outils correspondant aux besoins spécifiques des territoires.

 

Par Tiphaine Claveau pour I’MTech

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