Rencontrez votre supply chain grâce à la réalité virtuelle
Les technologies immersives au service du génie industriel et de la gestion des risques ? Tel est le cœur des travaux qui seront menés au laboratoire SIReN lancé le 15 novembre dernier, et regroupant les chercheurs d’IMT Mines Albi et de Georgia Tech (États-Unis). Côté français, Frédérick Benaben, expert des réseaux de collaboration, utilise déjà la réalité virtuelle pour développer un outil d’aide à la décision et de gestion des supply chain des entreprises.
Devant vous, un faisceau lumineux vert trace un chemin vous menant droit à une ligne d’arrivée. Alors que vous suivez votre route, soudain une sphère flottante rouge fonce droit sur vous ! Elle dévie brutalement votre trajectoire et vous éloigne de l’horizon visée. Vous voilà face à une question cruciale : comment atteindre votre objectif depuis ce nouveau point ? Ceci n’est pas un jeu vidéo révolutionnaire qui sortira en fin d’année. Il s’agit d’un outil d’aide à la décision développé par des chercheurs d’IMT Mines Albi et de Georgia Tech (États-Unis) pour faciliter la visualisation de données issues de l’intelligence artificielle.
Riches d’une collaboration initiée en 2015, les deux partenaires académiques poursuivent leurs recherches communes depuis le 15 novembre au sein du SIReN[1], un nouveau laboratoire international associé basé conjointement à Albi et à Atlanta. « Nous y menons des travaux sur la façon dont des technologies immersives peuvent nous aider à concevoir et à gérer des réseaux de réponse », présente Frédérick Benaben, chercheur à IMT Mines Albi spécialisé dans le domaine des réseaux de collaboration et des systèmes d’information. Parmi ces réseaux se trouvent la supply chain et la gestion de crise. Les expertises des chercheurs s’appuient sur une vision originale de l’intelligence artificielle, à mi-chemin entre le génie industriel, l’informatique et la science des données, et sur une collaboration déjà aussi concrète que les travaux qu’elle vise à accomplir.
Concrétiser l’abstrait avec la réalité virtuelle
Une chaîne logistique est un système dynamique qui demande à être le plus agile possible. Elle évolue dans le temps en réponse à des opportunités (ouverture d’un nouveau marché, réduction de taxe…) ou à des risques (aléas météorologiques, fermeture de frontière, etc.). Toutefois, appréhender l’impact que peuvent avoir ces différents événements sur une supply chain s’avère extrêmement complexe. C’est là que la réalité virtuelle intervient !
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Contrairement à un usage « classique » qui consisterait à représenter une copie de la réalité, comme un jumeau numérique, les chercheurs utilisent la réalité virtuelle pour s’affranchir de la réalité. « Nous pouvons ainsi nous projeter dans un monde où nos repères physiques comme le haut et le bas, la distance, etc. sont conservés, tout en ayant la possibilité d’y visualiser des concepts abstraits. Grâce à des sphères, nous représentons par exemple des opportunités ou des risques. Des jeux de couleurs peuvent indiquer leur dangerosité », décrit le chercheur.
Dans l’univers virtuel, le repère spatio-temporel est défini par l’ensemble des indicateurs de performance d’une supply chain. Considérons un cas simplifié où il n’y en a que trois : coûts, qualité des produits et délais de livraison. Les chercheurs définissent donc un repère en trois dimensions dans lequel se situe la chaîne logistique. Telle une force mécanique, chaque risque ou opportunité impactant le réseau va la pousser ou la tirer dans une direction. Par exemple, une inondation survenant sur le trajet d’une livraison va pousser la supply chain vers le bas sur l’axe des délais de livraison.
En réalité, les réseaux logistiques ont des dizaines d’indicateurs de performance, et plus d’une centaine de risques et d’opportunités — donc de forces mécaniques — à représenter à chaque instant, ce qui complexifie leur visualisation. Cette dernière est rendue possible grâce à un important travail d’identification et de traitement de données. Toujours dans le cas d’une inondation, des données sont identifiées telles que le nombre de routes impraticables, le retard des camions, le pourcentage des entrepôts abimés, les conséquences sur les produits, etc. Les chercheurs transforment ces informations en une force macroscopique s’exerçant sur les indicateurs de performance.
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La réalité virtuelle aide finalement à répondre au besoin d’agilité des chaînes logistiques sous forme interactive. En effet, une fois plongé dans l’univers de sa supply chain, l’utilisateur peut suivre ses déplacements mais aussi interagir avec elle. Les sphères représentant des risques et des opportunités sont plus ou moins proches de l’utilisateur selon leur probabilité de concrétisation. Leur couleur indique leur dangerosité permettant de mieux identifier les zones d’action. « L’utilisateur pilote la trajectoire de son système vers un objectif précis. La réalité virtuelle lui permet d’identifier les forces à utiliser pour atteindre son but un peu comme un navigateur utilise les vents et les courants. Si un risque se concrétise, la trajectoire est déviée mais l’utilisateur peut peut-être utiliser une force pour corriger l’effet », commente Frédérick Benaben.
Cet outil d’aide à la décision permettrait également d’anticiper les effets d’un événement sur sa trajectoire et si possible de l’éviter. Ces questions sont d’ailleurs au cœur du programme de recherche SCAN (Systèmes de Collaborations Agiles et Numériques) démarré en septembre dernier avec la société Scalian spécialiste de la transformation digitale et mené dans le cadre du laboratoire SIReN.
Virtualité et gestion des risques
La supply chain n’est pas le seul domaine de recherche qui bénéficiera de la réalité virtuelle au sein du SIReN. En mars 2019, les chercheurs d’IMT Mines Albi ont créé le programme de recherche EGCERSIS[2] avec le soutien de la région Occitanie et en partenariat avec les entreprises Immersive Factory et Report One. L’objectif : utiliser les technologies immersives pour développer des systèmes de gestion de crise dans des environnements industriels sensibles. Ils s’appuient notamment sur un besoin émergent de l’entreprise Immersive Factory, spécialisée dans le développement de jumeaux numériques pour l’entraînement des personnels à la sécurité de sites industriels. Celle-ci souhaite désormais élargir son offre en proposant des entraînements en situation de crise. Apprendre à bien refermer une valve lors d’une manipulation est peut-être acquis par un employé mais que doit-il faire si celle-ci prend feu ? Le partenariat d’une durée de quatre ans s’appuiera à démontrer toutes les forces de la simulation numérique afin de répondre à ce type de problématiques.
Pour cela, les chercheurs pourront s’appuyer sur la plateforme IOMEGA équipée d’interfaces multi-écrans présentées sous la forme d’un cockpit et permettant l’interaction de logiciels, la visualisation d’intelligence artificielle, etc. Ils pourront également bénéficier des équipements de pointe en matière d’immersion et de réalité virtuelle permettant aux utilisateurs de se déplacer et de se mouvoir à 360 degrés sur la nouvelle plateforme IOMEGA VR inaugurée le 15 novembre dernier. Outre-Atlantique, une plateforme jumelle est en cours d’élaboration à Georgia Tech.
Plus globalement dans le cadre des projets hébergés par le SIReN, les deux collaborateurs misent sur leurs expertises complémentaires. En effet, ils cherchent à augmenter l’agilité des réseaux collaboratifs mais en partant des deux extrémités d’un même problème. L’équipe française développe des technologies à destination de la supply chain. L’équipe américaine est quant à elle à l’origine de la notion d’internet physique qui vise à transporter des biens physiques avec autant d’efficacité que les données circulent sur le réseau internet. Comme pour internet, la logistique doit devenir fluide et pour cela les technologies immersives ont un rôle indéniable à jouer.
[1] Sentient Immersive Response Network
[2] Entrainement à la Gestion de Crise en Environnement Représentatif de Sites Industriels Sensibles
Merci pour cette démonstration sur la réalité virtuelle et la supply chain.