Des implants osseux pour stimuler la régénération de l’os

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Photographie d'un implant osseux à base de phosphate de calcium conçus par l'équipe de David Marchat.

Le Centre Ingénierie et Santé de Mines Saint-Étienne a pour but d’améliorer les services de santé à travers des innovations en ingénierie. David Marchat, chercheur en matériaux au CIS, travaille actuellement à la mise au point de biomatériaux à base de phosphates de calcium. Grâce à leur capacité d’interaction avec le vivant, ces implants osseux peuvent aider à la régénération de l’os.

 

Des implants osseux nouvelle génération : c’est l’un des sujets de recherche de David Marchat, chimiste à  Mines Saint-Étienne. Il y développe un biomatériau à base de phosphate de calcium, pouvant interagir avec le vivant et stimuler la régénération de l’os. Bien que des substituts de l’os à base de phosphates de calcium existent depuis des dizaines d’années dans les systèmes de santé, leur action reste limitée.

« Nos recherches portent sur le besoin d’un implant bio-instructif, c’est-à-dire capable d’indiquer aux cellules la marche à suivre pour reconstruire l’os et faciliter sa vascularisation ». En pratique, cela se décline en deux points majeurs : d’une part un travail sur la composition chimique du phosphate de calcium, et d’autre part sur l’architecture de l’implant. Car ceux existant aujourd’hui ne permettent de régénérer que de petits défauts osseux (inférieurs à 1 cm3).

Lorsque l’os subit un dégât trop important il n’arrive pas à se reconstruire seul. Cela nécessite alors une greffe de structure osseuse, provenant soit d’un donneur (allogreffe), soit du patient (autogreffe). Si la greffe provient d’un donneur — essentiellement de banques d’os — il y a un risque que des restes de protéines induisent une réaction inflammatoire, une infection, ou un rejet. Ce n’est pas le cas si le prélèvement est effectué directement sur une autre partie du corps du patient, mais alors la quantité de structure osseuse prélevable est limitée. Cela implique également deux opérations successives pour le patient, et la perte partielle ou totale d’un os.

Les matériaux synthétiques comme les biomatériaux à base de phosphates de calcium évitent ces contraintes.  De plus, les phosphates de calcium composant la partie minérale de l’os, ils sont généralement bien toléré (i.e, non toxique). Les implants osseux mis au point par l’équipe répondent à plusieurs besoins. La forme est personnalisée pour s’adapter à la nature du défaut osseux du patient. Ce contact intime entre les berges osseuses et l’implant facilite ainsi la migration des fluides, tissus et cellules dans l’implant et le travail de reconstruction de ces dernières. Son architecture globale, allant de l’échelle macrométrique (supérieur à 100 micromètres) à l’échelle nanométrique (inférieur à 1 micromètre), est conçue pour « guider » cette régénération.

Aussi, la composition de la poudre de phosphate de calcium a été optimisée pour apporter des éléments chimiques utiles à la formation osseuse. « Il a fallu inventer de nouveaux outils ou procédés aussi bien pour synthétiser les poudres à base de phosphates de calcium que pour les analyser, ou encore par la suite pour fabriquer les implants osseux sur mesure » mentionne David Marchat.

Une architecture nouvelle

Lorsque le tissu osseux est fragilisé un processus se met en place pour le régénérer, et deux types de cellules agissent ensemble. Les premières ont la tâche de dégrader le tissu endommagé, pour récupérer des éléments utiles aux deuxièmes pour le reconstruire. Ces secondes cellules tissent une trame de fibres de collagène, la matrice extracellulaire, qu’elles minéralisent ensuite en faisant précipiter des cristaux de phosphates de calcium. Pour que l’implant participe efficacement à ce processus de remodelage osseux, il faut que les cellules, les vaisseaux sanguins et plus globalement les nouveaux tissus puissent le coloniser, jusqu’à le remplacer.

Les implants osseux sont façonnés sur plusieurs niveaux architecturaux, avec un ensemble de pores de tailles variées encourageant la régénération osseuse et la pénétration vasculaire. A l’échelle macrométrique, les pores les plus petits (inférieures à 150 micromètres) confinent les cellules s’occupant de la régénération de l’os et stimulent leur activité. Les plus larges (supérieures à 500 micromètres) permettent une colonisation plus profonde des cellules osseuses et des vaisseaux sanguins. « L’association de macropores de différentes tailles permettant d’augmenter la perméabilité et le confinement », précise David Marchat, « est essentiel dans les nouvelles stratégies de régénération osseuse».

Pour obtenir l’architecture souhaitée, les chercheurs ont élaboré une méthode basée sur le coulage d’une suspension de phosphates de calcium — un mélange liquide contenant la poudre de phosphate de calcium, de l’eau et des stabilisants chimiques — dans un moule en cire, fabriqué par impression 3D. Ce moule « imprégné » est ensuite séché puis traité thermiquement à différente température pour tout d’abord éliminer le moule en cire puis consolider l’implant.

« Une autre question inévitable », complète le chimiste, « est de savoir pour une application donnée, combien de temps la structure doit subsister dans le corps pour que l’os ait le temps de se régénérer ». Si l’implant se dégrade trop lentement, il fera barrage à la formation de l’os. Mais si à l’inverse, il se dégrade trop rapidement, il ne pourra pas faire office de support à la formation osseuse. « Il est difficile d’estimer le bon équilibre entre les deux ».

Un projet d’ingénierie ambitieux pour la phase de test

Il existe actuellement deux possibilités pour l’évaluation biologique de ces implants osseux, utilisées à différents stades de l’expérimentation. Les cultures standard in vitro ont l’avantage d’une observation directe au microscope mais ne restituent pas les conditions réelles dans le corps. L’expérimentation in vivo avec l’implantation chez un animal s’en approche plus et offre un milieu dit « physiologique », bien que les physiologies animales et humaines soient différentes, où il est toutefois difficile d’accéder aux informations. Ces étapes d’expérimentations sont indispensables, mais les chercheurs souhaiteraient s’affranchir de l’expérimentation animale.

C’est justement l’objet d’un projet ambitieux: développer un bioréacteur 3D avec cellules humaines pour mimer la physiologie humaine. Une telle structure procurerait des conditions équivalentes au corps humain avec une possibilité d’observation directe, et rendrait l’expérimentation animale inutile pour la plupart des étapes de validation des dispositifs médicaux ou des médicaments. Ce projet nécessite des compétences en mécanique des fluides et une compréhension accrue du corps humain et de ses mécanismes. D’autres sujets de recherche en ingénierie médicale ont un but similaire. C’est le cas de l’Organ-On-Chip, une puce micro-fluidique servant de culture cellulaire artificielle pour simuler les mécanismes et l’activité physiologique d’organes humains.

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