Quoi de neuf dans l’atmosphère ?
À l’occasion des 4es Assises nationales de la qualité de l’air qui se tiennent à Montrouge les 9 et 10 octobre 2018, I’MTech pose 5 questions à François Mathé, chercheur en sciences de l’atmosphère à IMT Lille Douai. Il revient avec nous sur les grands changements à venir concernant la mesure et la surveillance des polluants de l’air. Entre réforme de l’indice ATMO et challenges techniques, il détaille le rôle des scientifiques dans ce qui est aujourd’hui un défi de santé publique et environnemental majeur.
L’indice ATMO, qui représente la qualité de l’air par un chiffre entre 1 (très bonne) et 10 (très mauvaise), va être revu. Quel est l’objectif de ce changement ?
François Mathé : La notion d’indice de qualité de l’air ambiant extérieur est un indicateur pour rendre compte quotidiennement de l’état de l’atmosphère de manière claire et facilement accessible aux citoyens de villes de plus de 100 000 habitants. Pour aboutir à l’indice ATMO, on mesure les concentrations de polluants emblématiques de leurs origines: l’ozone (O3), les particules en suspension (PM10), le dioxyde d’azote (NO2), et le dioxyde de soufre (SO2). Pour chacune de ces espèces chimiques est calculé un sous-indice déterminé chaque jour à partir d’une moyenne des niveaux du polluant considéré sur des stations spécifiques — celles représentatives de la pollution ambiante, dite « pollution de fond ». Le sous-indice le plus élevé correspond à l’indice ATMO. Plus la valeur est élevée, moins bonne est la qualité de l’air. Le problème c’est que cette approche ne prend pas en compte les phénomènes de proximité comme les émissions automobiles ou industrielles, ni l’effet cocktail : si les quatre polluants ont tous un sous-indice à 6, l’indice ATMO sera moins élevé que si trois d’entre eux ont un sous-indice à 1 et le quatrième à 8. Or l’effet cocktail peut avoir des répercussions sur la santé, que ce soit sur court ou long terme. C’est l’un des objectifs de la réforme de l’indice prévue prochainement pour mieux rendre compte de l’état de l’atmosphère, en actualisant également les polluants pris en compte et en harmonisant notre indice national avec ceux de nos voisins européens.
Pourquoi faut-il actualiser la liste des polluants considérés ?
FM : Le dioxyde de soufre (SO2) et le monoxyde de carbone (CO) sont des composés chimiques qui ont été au centre de l’attention pendant longtemps. Si leur toxicité est bien réelle, ces polluants sont désormais associés à des situations très spécifiques et délimitées, comme les sites industriels ou les parkings souterrains. À l’échelle nationale, il n’est plus vraiment pertinent de les prendre en compte. À l’inverse, de nouvelles espèces émergent, qui méritent d’être mises en avant selon une dimension nationale. En juin dernier, l’ANSES publiait un avis sur des polluants atmosphériques non réglementés à prendre en compte dans la surveillance de la qualité de l’air. Y figurent notamment le 1,3-butadiène, les particules ultrafines (PUF), le carbone suie… En France, nous avons également une problématique très spécifique : celle des produits phytosanitaires — les pesticides. L’ANSES référence plus de 90 produits de ce type qui actuellement font l’objet d’un état des lieux pendant un an sur l‘ensemble du territoire français. Tous ces « nouveaux polluants » imposent de revoir la façon de présenter la qualité de l’air aux citoyens. En complément, on pourrait citer les pollens qui sont un peu les « laissés-pour-compte » en surveillance de la qualité de l’air en France.
Dans ce contexte de changement de l’évaluation et de la représentation de la qualité de l’air, quel est le rôle des chercheurs ?
FM : Derrière ces notions de mesure, de surveillance de la qualité de l’air et de représentation, il y a des règlementations, à la fois européennes et nationales. Qui dit règlementation, dit référentiels techniques et orientations sur le plan organisationnel. C’est là qu’entre en jeu le laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA), qui joue le rôle d’organisme de référence scientifique en rassemblant IMT Lille Douai, l’Ineris, et le laboratoire national de métrologie et d’essais. Ce regroupement de compétences est le socle d’expertise assurant notamment la validation des documents techniques qui fixent les méthodologies à appliquer pour la mesure des polluants, les servitudes d’utilisation des appareils, la vérification de la conformité technique des instruments eux-mêmes… Par exemple, nous menons des tests de capteurs en laboratoire et en conditions réelles pour évaluer leurs performances et nous assurer qu’ils sont aptes à mesurer correctement, par comparaison aux appareils de référence.
D’où viennent les réglementations et référentiels que vous suivez pour exercer votre rôle ?
FM : Principalement des directives européennes. Les premières réglementations datent des années 1980 et les textes actuellement en vigueur fixant les seuils à ne pas dépasser et la technique de mesure à utiliser datent respectivement de 2004 , 2008 et 2015. Le texte de 2004 concerne spécifiquement la composition chimique des PM10, plus particulièrement la teneur en certains métaux lourds (arsenic, cadmium, nickel) et en composés organiques (le benzo(a)pyrène en tant que traceur des hydrocarbures aromatiques polycycliques). L’ensemble des autres polluants réglementés, gazeux et particulaires, sont couverts par la directive de 2008 qui a été mise à jour par le texte de 2015. Ces règlementations fixent nos actions, mais en tant qu’utilisateurs, nous avons également un rôle inverse : celui d’intervenir sur l’établissement et la révision des textes normatifs à l’échelle européenne. Le LCSQA apporte une expertise technique et scientifique lors de l’application de la règlementation et de son évolution. Par exemple actuellement, nous sommes très actifs dans l’élaboration du référentiel technique qui servira à la mesure des pesticides. Nous jouons également un rôle dans la vérification de la conformité technique des appareils usuels mais aussi ceux plus innovants utilisés pour faire de la mesure en temps réel plus performante, essentiels pour avoir une information d’une qualité suffisante pour permettre d’enclencher des actions plus rapides et pertinentes.
Que représente ce challenge d’amélioration du temps de mesure ?
FM : La qualité de l’air est un des soucis principaux de la population. Il ne sert à rien d’apprendre le lendemain que nous avons respiré la veille un air de mauvaise qualité ; le mal est déjà fait. Une information plus rapide permet de faire de la prévention plus tôt, et donc de mieux aider les populations à gérer le risque d’exposition. Cela permet d’agir plus vite sur les causes également : régulation du trafic, intervention auprès des industriels, gestes citoyens… C’est donc un gros défi. Pour le relever, la mesure en temps réel, pour peu qu’elle soit de qualité suffisante, est le sujet d’intérêt. Aujourd’hui, pour un certain nombre de polluants à enjeu, la méthodologie est basée sur un appareil collectant un échantillon, qui est ensuite acheminé en laboratoire pour analyse, dont le résultat est communiqué en retour. L’idée est de raccourcir au maximum cette chaîne de mesure par une analyse directement sur le terrain, avec un résultat tombant au moment du prélèvement dans la mesure du possible. C’est là que notre rôle de qualification des appareils prend son sens. Il faut que ces nouveaux systèmes produisent des résultats répondant aux besoins et d’une qualité connue, dans l’idéal d’un niveau proche de ce qui existe aujourd’hui.
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Un MOOC pour tout comprendre à la pollution atmosphérique
Le 8 octobre, l’IMT lance son MOOC dédié à la qualité de l’air en mettant à contribution les experts d’IMT Lille Douai. Il présente les principaux polluants de l’air ainsi que leur origine, qu’elle soit anthropique ou naturelle. Le MOOC s’attache également à expliquer les impacts sanitaires, environnementaux et économiques de la pollution atmosphérique.
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