Une forte pluie, une terre sèche, un terrain en pente, labouré… et le sol s’érode. Ce phénomène d’abrasion, notamment des sols agricoles, induit une perte des sols fertiles mais également une baisse de la qualité de l’eau des rivières. Pour les acteurs locaux, cela peut se reconnaître entre autres par des coulées boueuses avec un envasement des cours d’eau et des dégâts sur les infrastructures. Le Nord de la France, particulièrement touché par ce phénomène, a été le sujet d’étude du projet QuASPEr (Quantification, Analyse et Suivi des Processus Érosifs) en partenariat avec le syndicat mixte Symcea, l’Agence de l’Eau Artois-Picardie et deux écoles de l’IMT. Claire Alary et Christine Franke, respectivement chercheuses à IMT Lille Douai et Mines ParisTech, ont étudié le bassin versant de la Canche pour mieux comprendre cette érosion et développer des stratégies de rétention du sol efficaces. Une équipe également formée d’Edouard Patault, doctorant ayant réalisé sa thèse sur le bassin versant de la Canche.
« Le but de ce projet est de pouvoir caractériser, modéliser et aussi prédire ce phénomène d’érosion », indique Christine Franke. « Et avec le changement climatique, ces phénomènes vont évoluer, et pas forcément pour le mieux. Il est important de bien comprendre ces mécanismes pour proposer des plans de gestion », complète Claire Alary. Les deux chercheuses travaillent depuis plusieurs années sur le sujet dans le but de mieux comprendre les zones les plus à risques dans le territoire.
L’érosion du sol
Pour étudier ce phénomène d’érosion, il faut avant tout bien connaître le territoire. « Ce n’est pas forcément un phénomène pluvieux important qui va déclencher cette érosion », annonce Christine Franke. De nombreux paramètres sont à prendre en compte et ce phénomène est très variable. Les premières pluies de la saison sont souvent un élément déclencheur de l’érosion car la terre, sèche, s’érode plus facilement. La durée et l’intensité des pluies sont des facteurs conséquents mais le type de terrain est également très important : la composition du sol, le couvert végétal, le degré de pente d’une parcelle, etc.
Cette érosion du sol est un problème récurrent et il est difficile d’en identifier les sources. Un bassin versant comme celui de la Canche est divisé en de nombreux petits bassins, et le but des chercheurs est de savoir de quelle zone précise les particules érodées proviennent. Pour cela, une compréhension précise et à chaque instant du système est essentielle. Installer une station de monitoring offre cette rigueur, mais très localement, et les stations coûtent trop cher pour être présentes sur tout le bassin versant. Il faut alors compléter avec d’autres techniques pour avoir une vision claire du système et de sa variabilité dans le temps. Les chercheurs ont étudié cela avec l’empreinte magnétique des sédiments, une technique qu’ils ont adaptée à ce phénomène d’érosion.
« Nous installons dans la rivière une trappe pour récupérer ces sédiments en suspension dans l’eau, que nous envoyons ensuite au laboratoire pour étude », explique Christine Franke. C’est une méthode assez facile à mettre en place et accessible pour les communes. De plus, c’est une méthode non-destructive, les chercheurs peuvent faire plusieurs analyses sur un seul échantillon. En pratique, ce qu’ils étudient est la minéralogie de fer dans les échantillons. « Les particules de fer présentes dans les sols d’agriculture ne sont pas les mêmes que celles que nous pouvons trouver naturellement dans la rivière », reprend Christine Franke.
Elles ont une signature bien particulière qui permet aux chercheurs de discriminer les particules des rivières et celles des champs. « Les particules érodées du champ vont garder cette signature assez longtemps une fois dans la rivière », ajoute la chercheuse. Ce phénomène d’érosion se caractérise aussi par un cortège d’éléments géochimiques pour chaque matière arrivant dans la rivière. « Nous connaissons les caractéristiques chimiques des sources de matière et nous arrivons alors à remonter ce signal à l’aval pour donner les contributions des sources desquelles proviennent les sédiments », déclare Claire Alary.