Supply chain management : des outils pour réagir vite et bien aux aléas
Le 14 mars 2017 a eu lieu l’inauguration de IOMEGA. Cette plateforme de démonstration a vocation à accélérer la diffusion des contributions des chercheurs de Mines Albi dans le monde industriel notamment sur son expertise en supply chain management. Matthieu Lauras, chercheur en génie industriel, travaille déjà sur des outils de maîtrise des coûts et de réaction face aux aléas, à destination d’entreprises et d’organismes humanitaires.
Il y a eu le fordisme, le toyotisme et le supply chain management (SCM). Tant pis pour la rime. Nous sommes dans les années 1990. Les entreprises sont marquées par la mondialisation des échanges et la délocalisation. Elles fonctionnent désormais en réseau et utilisent les technologies de l’information et de la communication qui sont en perpétuelle mutation. Il est clair que l’organisation industrielle d’hier ne fonctionne plus. Les chercheurs nomment cette révolution le supply chain management (ou gestion des chaînes logistiques).
25 ans plus tard, le SCM a fait du chemin et est devenu une discipline à part entière. Il vise à gérer l’ensemble des flux (matière, information, finance) d‘une entreprise et d’un réseau d’entreprises.
Le supply chain management aujourd’hui
La gestion de chaînes logistiques considère l’ensemble d’un réseau : du premier des fournisseurs, à l’utilisateur final d’un produit (ou service). Matthieu Lauras, chercheur en génie industriel à Mines Albi, nous donne un exemple : « Dans le cas de la chaîne des yaourts, il y a des fournisseurs de matière première (lait, sucre farine…) puis les approvisionneurs des contenants pour faire les pots, les cartons… ». Le supply chain management coordonne l’ensemble de ces flux de manière à fabriquer les produits au bon moment, et les livrer au bon endroit, dans le respect des coûts prévus.
Le SCM touche tous les secteurs d’activité allant de l’industrie manufacturière aux services. Il est devenu indispensable à la performance et au pilotage des entreprises. Mais il est perfectible. Les outils réalisés jusqu’à maintenant se consacrent à la maîtrise des coûts. « Le problème de compétitivité des entreprises rencontré aujourd’hui, n’est plus lié à cela. Ce qui les intéresse c’est leur capacité à détecter des perturbations et à y réagir. C’est pourquoi nos recherches portent sur l’agilité des chaînes logistiques et leur résilience », explique Matthieu Lauras. A Mines Albi, les chercheurs travaillent à l’amélioration des outils de SCM grâce à la mixité de compétences informatique et logistique.
Une recherche appliquée pour mieux gérer les aléas
Plusieurs éléments perturbent le bon fonctionnement des chaînes logistiques. D’un côté, les marchés en perpétuelle évolution rendent difficile l’estimation des volumes de production. De l’autre, la mondialisation augmente les aléas dus aux transports. « La force d’une entreprise est sa capacité à gérer les perturbations », constate Matthieu Lauras. C’est pourquoi les chercheurs établissent de nouveaux outils plus adaptés à ces réseaux. « On travaille sur la détection des écarts entre ce qui était prévu et ce qui se passe vraiment. On établit aussi des moyens d’aide à la décision pour favoriser les capacités d’adaptation des décideurs. Cela leur permet d’entreprendre des actions de correction sur leurs activités afin de réagir vite et bien aux aléas », détaille le chercheur.
Pour cela, les chercheurs se concentrent dans un premier temps sur la robustesse et la résilience du réseau. Ils mettent en place des plans d’expérience basés sur des simulations de perturbations afin d’évaluer les réponses de la chaîne à ces aléas. Grâce à la modélisation, il est possible de tester différents scénarios et d’évaluer l’impact d’une perturbation selon sa localisation sur la chaîne logistique et son ampleur. « Nous travaillons sur un cas concret dans le cadre de la chaire Supply Chain Agile avec Pierre Fabre. Il s’agit par exemple d’évaluer si le réseau de fournisseurs d’un donneur d’ordres sera potentiellement capable de faire face à des variations importantes de demande. Il est aussi question de savoir si ledit donneur d’ordres pourra maintenir son activité dans des conditions acceptables en cas de défaillance brutale de l’un de ces partenaires », détaille Matthieu Lauras.
Les nouvelles technologies pour un suivi en temps réel des chaînes logistiques
Autre axe de recherche : le pilotage en temps réel. « On utilise les objets connectés car ils permettent d’avoir des informations à tout moment et sur l’ensemble du réseau. Mais elles arrivent en vrac… C’est pourquoi on travaille sur des outils basés sur l’intelligence artificielle pour permettre de « digérer » ces informations et redistribuer uniquement celles qui sont nécessaires au décideur », précise le chercheur.
Ces outils sont par ailleurs testés grâce à des collaborations avec des entreprises et des utilisateurs finaux. « A partir de données passées, on constate l’état de performance des moyens traditionnels sur une situation perturbée. La performance est mesurée en taux de services, en temps de cycle (durée pour passer d’une étape à celle de la livraison par exemple) etc. Ensuite, on simule la performance que l’on obtiendrait en utilisant nos nouveaux outils. Ça nous permet de mesurer les écarts et faire la preuve de l’impact positif », détaille Matthieu Lauras.
Des partenaires industriels permettent par la suite de faire des expérimentations de terrain. Si le résultat est validé, des partenaires comme Iterop réalisent les développements nécessaires de dispositifs commerciaux qui servent un panel plus large d’utilisateurs. Créée en 2013 par deux anciens doctorants de Mines Albi, la start-up Interopsys développe et commercialise des solutions logicielles pour simplifier la collaboration entre les personnels d’une entreprise et leur système d’information.
Un cas concret : la Croix rouge
Les chercheurs de Mines Albi travaillent notamment sur la définition d’endroits stratégiques à travers le globe, où la Croix Rouge a besoin de pré-positionner des stocks. L’organisation pourrait ainsi répondre plus rapidement au moment de catastrophes naturelles. Contrairement aux entreprises, les organismes humanitaires ne souhaitent pas faire de marge mais plutôt maîtriser les coûts. Cela leur permet d’avoir plus de possibilités d’action et donc d’intervenir sur davantage de terrains d’opérations avec le même montant.
Matthieu Lauras en témoigne : « nos travaux ont permis de réorganiser le réseau d’entrepôts utilisés par cet organisme humanitaire. Lorsqu’une crise survient, il doit être capable de mieux choisir les fournisseurs nécessaires et les modes de transport. Or aujourd’hui, il n’a pas les moyens de mesurer les pour et les contre de ces différents modes. Par exemple, il se concentre sur les fournisseurs internationaux de sa liste, mais il ne regarde pas l’offre locale. Donc on a des outils d’aide à la décision pour faire de la planification et de l’exécution à court terme afin de prendre des décisions dans l’urgence ».
Mais est-il envisageable de transposer les techniques d’un secteur à l’autre ? Cette possibilité, les chercheurs l’ont bien sûr identifiée, c’est l’apprentissage croisé. La chaîne logistique de l’humanitaire fonctionne déjà avec agilité, tandis que les entreprises maîtrisent les coûts. « On récupère les bonnes pratiques d’un secteur à l’autre. La difficulté c’est de parvenir à les adapter à des environnements très différents », précise Matthieu Lauras. Dans les deux cas, c’est une recherche appliquée qui fait ses preuves et qui ne demande qu’à s’étendre. L’arrivée de la plateforme IOMEGA devrait favoriser les tests pratiques des chercheurs et permettre une mise en application plus rapide.
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IOMEGA : la plateforme de génie industriel de Mines Albi
Cette plateforme a été inaugurée le 14 mars 2017. Elle permet la démonstration d’outils de conception et configuration de produits, de conception de systèmes d’information de gestion de crises, de gestion de risques en projets et de supply chain management.
Le cœur de sa proposition : des outils d’aide à la décision en environnements complexes et fortement collaboratifs. Pour cela, elle bénéficie de kits d’expérimentations d’objets connectés et de matériel informatique avec réseau autonome. Des technologies qui lui permettent la mise en place d’expérimentations dans de bonnes conditions. Un système audiovisuel (mur d’image, écrans tactiles…) est également exploité pour des démonstrations. Cela favorise l’immersion de potentiels utilisateurs dans des configurations proches de la réalité.
IOMEGA est conçue pour avoir deux espaces de configuration de scénario sur lesquels travaillent parallèlement deux équipes. Alors que l’une utilise des outils traditionnels, l’autre teste ceux du laboratoire.
Plusieurs projets sont déjà lancés autour de cette plateforme. On y trouve notamment la chaire Supply Chain Agile en partenariat avec Pierre Fabre. Le laboratoire commun AGIRE sur la résilience des entreprises avec AGILEA (un cabinet d’experts en supply chain management). Ou encore une thèse sur le pilotage connecté des flux de produits urgents avec l’établissement français du sang (EFS). À plus long terme, IOMEGA devrait apporter de nouveaux partenaires à Mines Albi. Elle a avant tout la vocation d’accélérer la diffusion des contributions des chercheurs dans le monde industriel et des utilisateurs.
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Merci pour ces détails sur le numérique et les détails sur la supplychain