Vers des bouteilles plastiques 100 % recyclées ?
Le recyclage des plastiques est aujourd’hui un sujet environnemental et politique important pour les états européens. Symbole de ce problème : les bouteilles plastiques. IMT Mines albi, IMT Mines Alès et Mines Paris travaillent ainsi à améliorer le processus de production de bouteilles plastiques pour y incorporer plus de matériaux recyclés.
L’utilisation de plastiques recyclés pour concevoir des bouteilles répond à un double enjeu environnemental. D’abord, cela limite la production de plastiques neufs. Recycler des anciennes bouteilles, c’est économiser la matière et l’énergie que l’on n’utilise pas pour en faire de nouvelles. Même si les traitements et processus industriels du recyclage demandent de l’énergie, le gain en énergie à la production est de l’ordre de 60 %, et 1 tonne de polyéthylène téréphtalate (PET) recyclé correspond à environ 1 tonne de pétrole non utilisée. De plus, le recyclage diminue la quantité de plastiques en circulation. Moins le volume est grand, plus il est facile de contrôler les filières de récupération, et moins on retrouve de plastique dans la nature.
Dans ce cadre, la France a émis en 2021 un décret relatif à l’incorporation de plastique recyclé dans les bouteilles pour boissons. Il prévoit l’incorporation de 25 % minimum de PET recyclé dans les bouteilles en PET — la très grande majorité des bouteilles d’eau ou de soda sont produites avec ce plastique. Pourtant « il est actuellement possible de produire des bouteilles avec 100 % de PET recyclé » déclare Fabrice Schmidt, chercheur en matériaux plastiques et composites à l’Institut Clément Ader au sein d’IMT Mines Albi [1]. Cette conclusion a pu être tirée grâce aux études des chercheurs d’IMT Mines Albi, IMT Mines Alès et Mines Paris Tech sur le comportement, notamment thermique, du rPET (PET recyclé) dans le cadre du projet Carnot M.I.N.E.S sur la recyclabilité des polymères.
Un jumeau numérique pour analyser les propriétés thermiques
Pour former une bouteille plastique, il faut d’abord chauffer un semi-produit en PET (ou en rPET) qui a une forme tubulaire, mais qui ne ressemble pas encore à une bouteille — on parle de « préforme ». Une fois le matériau conditionné thermiquement, de l’air est injecté à l’intérieur pour le gonfler, et un moule se charge de lui donner la géométrie voulue par la marque qui commercialise la boisson.
Afin d’étudier le comportement des préformes vis-à-vis de la température, les scientifiques d’IMT Mines Albi ont mis au point un modèle numérique qui simule le chauffage infrarouge des PET vierges et recyclés. Des mesures par spectrométrie infrarouge ont permis d’obtenir les propriétés optiques de préformes contenant 50 % de PET recyclés et 100 % de PET recyclés. Les données obtenues ont ensuite été implémentées dans le modèle numérique. En simulant le chauffage des préformes à l’aide de lampes infrarouge, les scientifiques ont validé le lien entre les propriétés optiques des plastiques et leur comportement thermique. Cela permet de mieux contrôler le matériau avant chauffage, et d’anticiper son comportement lors du processus de soufflage.
Bilan ? « Les PET 100 % recyclés nécessitent 8 % d’énergie en moins que les PET vierges pour être chauffés à une température suffisante en vue du soufflage des bouteilles » déclare Fabrice Schmidt. En plus d’économiser du plastique neuf, l’utilisation du PET 100 % recyclé permettrait donc de minimiser la quantité d’énergie nécessaire à la mise en forme des bouteilles.
Le tri impacte la qualité du soufflage des bouteilles en PET
Alors, pourquoi limiter la part de PET recyclé dans les bouteilles à 25 % dans le décret de 2021, et non pas directement imposer des bouteilles en rPET à 100 % ? Parmi les nombreux aspects qui régissent la production d’une bouteille plastique, « le paramètre thermique est un des plus importants » indique Fabrice Schmidt. Or, la température nécessaire pour mettre en forme du plastique dépend de la nature de celui-ci. « Il se peut que des plastiques différents du PET se retrouvent dans les résines de PET destinées à être recyclées » déclare le chercheur.
Si la chaleur appliquée au plastique n’est pas adaptée à sa nature, alors le formage de la bouteille risque de ne pas se dérouler correctement et le produit final sera non conforme. « Si le chauffage est mal géré, l’épaisseur de la bouteille risque de ne pas correspondre au standard industriel. Les produits seront donc non commercialisables, ce qui générera une perte de temps et d’argent pour l’entreprise » explique Fabrice Schmidt. Avant d’imposer des bouteilles de PET recyclées à 100 % aux industriels, il faut donc s’assurer que la filière de recyclage produit du rPET de bonne qualité, sans impuretés rédhibitoires.
Une des solutions pour pallier ce problème serait d’améliorer le processus de tri par des algorithmes de machine learning. Ces derniers identifieraient les différents plastiques et les classeraient selon leur nature. Cela permettrait de limiter l’introduction de produits parasites qui altèrent la qualité des produits finaux en PET recyclé. Une autre piste serait d’utiliser des programmes informatiques qui analyseraient la nature des plastiques au moment de leur fusion. De cette façon, il serait possible d’adapter la chaleur aux différents plastiques pour former des bouteilles conformes aux standards industriels.
Le recyclage du plastique : un remède partiel à l’accumulation de déchets
De là à imaginer la fin de la production de plastiques neufs pour les bouteilles ? « Le PET n’est pas un matériau recyclable à l’infini ! » avertit Fabrice Schmidt. « Après 5 à 6 cycles, le plastique va perdre en qualité, contrairement au verre qui peut être recyclé des dizaines de fois » poursuit-il. À chaque recyclage, les résines de rPET vont incorporer des impuretés qui vont de plus en plus altérer les performances thermomécaniques de l’emballage et le rendre impropre à l’utilisation.
Même si la filière de recyclage des PET est optimisée, la production de déchets plastiques restera un enjeu d’envergure mondiale. Quant à l’idée de remplacer totalement le PET par du verre, cela ne ferait que déplacer le problème des déchets sur le secteur de l’énergie. « Pour être soufflée, une bouteille de verre nécessite une température de 1 000°C, alors qu’une bouteille plastique en PET ne demande que 100 °C » rappelle Fabrice Schmidt. À l’heure où le coût de l’énergie augmente, le PET et le rPET semblent être malgré tout les matériaux les plus adaptés à une production à grande échelle. Du moins, tant que des bioplastiques crédibles sur le plan des performances et des coûts, et idéalement biodégradables, n’auront pas vu le jour.
Par Rémy Fauvel.
[1] L’Institut Clément Ader est une UMR CNRS (5312) regroupant IMT Mines Albi, l’INSA Toulouse, l’ISAE-SUPAERO et l’université Toulouse III-Paul Sabatier.
Bonjour,
Ce fut un réel plaisir de collaborer avec Rémy Fauvel à l’écriture de cette article.
Fabrice