Des masques connectés pour analyser l’humidité et la respiration

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Les masques chirurgicaux ont été utilisés massivement pendant la pandémie de covid-19. Pour évaluer leur efficacité en temps réel, des scientifiques de Mines Saint-Étienne ont mis au point un masque connecté. Ce dispositif permet de récolter des données sur le taux d’humidité du masque mais aussi sur la respiration du porteur.

La rétention d’humidité est souvent considérée comme une cause de la diminution de la filtration des masques. L’OMS recommande par exemple de changer de masque lorsque celui-ci est mouillé et pourtant, les effets du mouillage sur l’efficacité de filtration des masques ne sont pas bien connus. Pour comprendre ces effets, le groupe de recherche « Textiles Bioélectroniques » de Mines Saint-Étienne mène des travaux sur des masques chirurgicaux connectés. Ces dispositifs « permettront de mieux comprendre les outils de protection que nous utilisons au quotidien », indique Esma Ismailova, chercheuse en textiles bioélectroniques à Mines Saint-Étienne.

Le masque connecté développé par la chercheuse et son équipe est pourvu d’un capteur qui réagit à la condensation d’eau déposée sur le masque par son porteur et qui traduit ainsi le taux de mouillage. Le capteur contient des électrodes qui, lorsqu’une goutte entre en contact avec elles, génèrent du courant et l’envoie à un dispositif externe au masque. Ce dispositif transmet à son tour des données à l’ordinateur auquel il est connecté en Bluetooth. Les données sont ensuite analysées par un logiciel qui détermine les différents niveaux d’humidité.   

Le capteur, d’une taille de l’ordre du micromètre, est imprimé sur le filtre du masque et se situe au niveau de la bouche. Il est tellement fin « qu’on ne peut même pas se rendre compte de sa présence. C’est un dispositif non invasif, il n’obstrue pas la respiration du porteur », explique Esma Ismailova. Le matériau utilisé est un polymère de synthèse semi-conducteur organique : le PEDOT:PSS, qui peut être imprimé en couche mince sur des textiles. Ce matériau est organique et biodégradable, ce qui l’inscrit dans une « approche verte de la création de nouveaux dispositifs électroniques », indique Esma Ismailova. Cette thématique de recherche a été financée par l’agence nationale de recherche (ANR) à travers le projet ANR JCJC Orgtex

Des données sur l’humidité et la respiration   

Le dispositif qui reçoit les données du capteur « se clipse sur le masque et contient une batterie et un émetteur pour envoyer les données » explique la chercheuse. Les scientifiques de Mines Saint-Étienne se sont aperçus que les signaux sur l’humidité contiennent aussi des données pour analyser la respiration du porteur. Le capteur « mesure des variations électriques entre les deux électrodes qui traduisent les mouvements respiratoires tout en mesurant l’humidification de masque », résume la chercheuse. La précision de ce capteur est si importante que les variations d’humidité qu’il détecte durant les exercices physiques permettent de déterminer la fréquence de respiration, en suivant les pics correspondant chacun à une inspiration et une expiration.

Les mesures de fréquence permettront par exemple de détecter des anomalies qui traduisent une pathologie ou un problème psychologique tel que le stress. « Certaines infections respiratoires se traduisent notamment par la fréquence d’expiration qui peut être caractéristique d’une pathologie particulière comme l’asthme ou une allergie » pointe Esma Ismailova. Cependant, le dispositif ne permet pas de « diagnostiquer une maladie comme la covid-19. Il ne s’agit pas d’un biocapteur capable de distinguer les types d’infections », précise la chercheuse. C’est un dispositif de monitoring à distance permettant un suivi préventif ou post-thérapeutique. Le fait de combiner deux modalités d’information : la qualité de barrière du masque et la respiration, ouvre des opportunités de développement des pratiques d’hygiène et de santé au quotidien et de façon personnalisée. Cette action est soutenue par le projet européen H2020 Biosensing with organic electronics associant Mines-Saint-Étienne.

À l’avenir, les recherches de l’équipe pourraient porter sur les masques FFP2, très utilisés par les personnels soignants qui se trouvent en première ligne. L’idée serait d’utiliser les capteurs des masques pour évaluer la santé des soignants, étant donné qu’ils sont principalement exposés aux maladies. « En récoltant des données sur la respiration des soignants, il serait intéressant de tester des solutions pour détecter la fatigue ou le stress qui sont deux états de santé qui impactent la respiration », estime Esma Ismailova. Les applications s’orienteraient donc vers le domaine de l’e-santé, qui sert à déterminer le niveau de santé des personnes via l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. Mais pour le moment, les masques connectés restent des outils de recherche et ne sont pas encore destinés à être commercialisés. « Cette première preuve de concept est destinée à produire des solutions peu couteuses et efficaces pour répondre rapidement à une situation de crise pandémique », conclut Esma Ismailova.

Rémy Fauvel

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