La 5G sera aussi une technologie moins coûteuse en énergie

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Patrice Pajusco, IMT Atlantique, 5G

Parce qu’elle devra supporter les usages du haut débit mobile, mais également des communications entre objets connectés, la 5G est souvent présentée comme une technologie plus rapide. Mais elle devra également être moins coûteuse en énergie pour trouver sa place dans le contexte de transition environnementale qui s’amorce. Un objectif poursuivi par les projets ANR Trimaran et Spatial Modulation pilotés par Orange et associant, entre autres acteurs académiques, IMT Atlantique.

 

Bien qu’elle soit amenée à ne devenir une réalité pour les utilisateurs qu’aux alentours de 2020, la 5G est un chantier très actif. Du côté des scientifiques et des acteurs économiques, l’effervescence autour de cette cinquième génération de téléphonie mobile est bien réelle. Dans les objectifs des chercheurs notamment : réduire la consommation énergétique des communications 5G. Un enjeu de taille pour que le développement de la technologie soit cohérent avec un contexte général de transition énergétique et environnementale. L’alliance pour les réseaux mobiles de prochaine génération (NGMN) estimait en 2015 que « la 5G devra supporter dans les dix prochaines années une augmentation de trafic de données d’un facteur 1000, avec une consommation énergétique réduite de moitié par rapport à ce que les réseaux consomment aujourd’hui. » Le challenge est donc grand, puisqu’il s’agit d’augmenter l’efficacité énergétique des réseaux mobiles d’un facteur 2000.

Pour y parvenir, les acteurs misent sur le principe de focalisation des communications. L’idée est simple : plutôt que d’émettre une onde depuis une antenne dans toutes les directions comme c’est actuellement le cas, il est énergétiquement plus économique de ne l’envoyer que dans la direction du récepteur. La focalisation des ondes n’est pas spécialement un champ de recherche nouveau. En revanche, son application aux communications mobiles est plus récent. Le projet ANR Trimaran, coordonné par Orange et impliquant plusieurs partenaires académiques et industriels[1] dont IMT Atlantique a exploré cette solution entre 2011 et 2014. En novembre dernier, Trimaran recevait le prix « Impact économique » lors des rencontres ANR du numérique.

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Afin de réussir la focalisation d’une onde entre l’antenne et un objet mobile, les chercheurs de la collaboration ont misé sur une technologie de retournement temporel. « L’idée est d’exploiter une propriété mathématique : une solution aux équations d’onde est correcte, que la valeur du temps soit positive ou négative » présente Patrice Pajusco, chercheur en télécommunications à IMT Atlantique. Il détaille au travers d’une illustration : « Prenons une goutte d’eau. Si nous la faisons tomber sur un lac, elle créera une onde qui se propagera vers les rives. Et bien si nous reproduisons ce même front d’onde depuis les rives, nous pouvons créer une onde qui va converger vers le point du lac où la goutte d’eau serait tombée. Les mêmes phénomènes vont se reproduire de nouveau à la surface du lac, mais avec une valeur du temps inversée. »

Appliqué à la 5G, le principe de retournement temporel se base sur une première transmission du terminal mobile vers l’antenne. Celui-ci, en transmettant par exemple sa position, envoie une onde électromagnétique qui se propagera dans l’air, à travers les reliefs, sera réfléchie par le terrain, et arrivera donc à l’antenne avec ses différents échos et un profil spécifique à son parcours. L’antenne reconnaît alors ce profil et est capable de le réémettre à l’envers pour qu’il converge vers le terminal de l’utilisateur. L’équipe d’IMT Atlantique est notamment engagée dans le projet sur partie modélisation et caractérisation du canal de communication ainsi créé. « Selon que des échos viennent de plusieurs directions ou soient espacés plus ou moins différemment, les propriétés physiques du canal de propagation seront différentes, et il faut donc bien les caractériser pour que la conception du système de communication soit efficace » souligne Patrice Pajusco.

La focalisation dépend aussi des antennes

L’amélioration de cette technique passe également par un travail sur les antennes utilisées. Focaliser une onde sur une antenne classique n’est pas difficile. Mais la focaliser sur une antenne en particulier alors qu’une autre est présente à côté pose des problèmes, et il faudra espacer les antennes pour que la technique fonctionne. En vue d’éviter cela, l’un des partenaires du projet travaille sur de nouveaux types d’antennes micro-structurées qui permettent de focaliser un signal sur une distance plus petite, et donc de limiter la contrainte sur l’espacement.

L’enjeu de la focalisation est si important que la majorité des partenaires du projet Trimaran sont repartis depuis janvier 2016 sur un nouveau projet ANR appelé SpatialModulation. « L’idée avec ce nouveau projet est de continuer à économiser de l’énergie en faisant porter aux antennes une information supplémentaire » explique Patrice Pajusco. Dans la mesure où il est possible de faire une focalisation sur une antenne en particulier, cette connexion avec le terminal représente donc une information. « Nous pourrions alors transmettre plusieurs bits d’information simplement en changeant d’antenne de focalisation » résume le chercheur.

Ce nouveau projet embarque comme partenaire supplémentaire Centrale Supélec, établissement « expert dans ce domaine de la modulation spatiale » assure Patrice Pajusco. S’il s’avérait concluant, il pourrait à terme proposer une technologie concurrente des antennes MIMO basées sur l’utilisation d’une multiplicité d’émetteurs et de récepteurs pour transmettre un signal. « En utilisant la modulation spatiale et la focalisation, nous pourrions avoir une solution bien moins complexe que le système MIMO conventionnel » espère le chercheur. La capacité de la focalisation à apporter une forte valeur sur la 5G est en tout cas déjà bien réelle. Son applicabilité à des véhicules en mouvement a déjà été jugé comme l’une des approches techniques les plus prometteuses par le projet H2020 METIS, référence du partenariat public privé européen sur la 5G.

[1] Les partenaires sont Orange, Thales, Atos, l’Institut Langevin, le CNRS, l’ESPCI Paris, l’INSA Rennes, l’IETR et IMT Atlantique (anciennement Télécom Bretagne et Mines Nantes).

Cet article fait partie de notre dossier 5G : la nouvelle génération mobile est déjà une réalité

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