Des implants sur mesure pour favoriser la reconstruction osseuse

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Osseomatrix, Homme réparé

Le 28 avril 2015, le président de la République recevait les 16 lauréats de la deuxième phase du concours Innovation 2030. Parmi eux, Osseomatrix, société spécialisée dans la reconstruction osseuse. Dans le cadre du projet ANR OrthoFlase, qu’elle coordonne, elle a mis au point une technique pour fabriquer en quelques heures des implants biocéramiques sur mesure voire biodégradables, en partenariat avec l’équipe du Docteur David Marchat, enseignant-chercheur à Mines Saint-Étienne.

A la suite d’un trauma (par exemple une fracture), d’un cancer ou d’une malformation, si le défaut osseux mesure plus de quelques millimètres, l’os ne peut pas se réparer seul. Le chirurgien doit alors apporter de la matière pour combler le défaut, soit en prélevant de l’os ailleurs sur le patient (on parle d’autogreffe), soit en utilisant des allogreffes provenant de banques d’os.

Aujourd’hui, il peut aussi utiliser des biocéramiques synthétiques. Cependant, dans le cas de ces grandes pertes de substance, « pour qu’il y ait reformation osseuse complète, il faut que l’implant soit parfaitement en contact avec les tissus du patient, là où il y a la vie, et aucun procédé ne permettait de le faire efficacement jusqu’à présent, » indique le Docteur David Marchat, enseignant-chercheur à Mines Saint-Étienne.

Ce sera désormais possible grâce au procédé développé par la société Osseomatrix et aux résultats du projet ANR OrthoFlase : un projet de bioingénierie osseuse dont l’objectif est de fabriquer des biocéramiques en phosphates de calcium sur mesure, c’est-à-dire adaptées au défaut osseux du patient. « A partir des données scanners, Osseomatrix conçoit et fabrique directement en moins de trois heures des implants complexes qui s’adaptent parfaitement à l’anatomie de la perte osseuse, » explique le Docteur Didier Nimal, PDG fondateur d’Osseomatrix et inventeur du procédé.

Une technique de fusion laser directe innovante

Pour réussir cela, les chercheurs utilisent une technique de fabrication directe par fusion laser sur lit de poudre. Elle permet de construire le bout d’os manquant couche par couche, à partir de poudres de phosphate de calcium. « C’est le composant minéral principal de l’os naturel. C’est donc un matériau biocompatible que les cellules connaissent et que les tissus hôtes acceptent. »

La poudre est étalée en une couche de plusieurs micromètres d’épaisseur. Au passage du laser, la chaleur provoque la fusion partielle de la poudre : la surface des grains fond, formant un bain liquide. A l’arrière du laser, la matière se solidifie instantanément laissant les grains de poudre soudés les uns aux autres : on obtient une céramique. « Le laser ne vient fusionner que les zones correspond à l’os sur le scanner, le reste du lit de poudre reste sous forme de poudre, » explique David Marchat. Le procédé est ensuite renouvelé couche par couche jusqu’à obtenir le volume total de l’implant.

Cette technique est particulièrement innovante car elle ne fait appel à aucun liant organique, évitant ainsi les désagréments de leur élimination à l’aide de traitements thermiques, tels que la formation de porosité induite, de fractures ou encore la déformation de la céramique. Pour David Marchat et son équipe, un des défis a donc été de fabriquer la poudre idéale. Au final, « nous avons eu de la chance : les produits formés par la dégradation des phosphates de calcium au cours du procédé de fusion auraient pu être inappropriés. Heureusement ce n’est pas le cas, et les phases qui se forment sont même parfaitement adaptées à la reconstruction osseuse. »

Des implants biodégradables

Mais le projet va encore plus loin : OrthFlase avait aussi pour but de développer des implants biodégradables, favorisant le remodelage osseux, c’est-à-dire le remplacement de l’implant par de l’os véritable. « L’idée est d’apporter un support de développement aux cellules ainsi que les éléments chimiques (Calcium et Phosphore) dont elles ont besoin pour reformer un os vivant, un guide de croissance osseuse en somme : les ostéoclastes dégradent l’implant et les ostéoblastes construisent de l’os. »

Comme chaque os est différent, ce processus peut être contrôlé en fonction de la nature du phosphate de calcium utilisé : « L’os crânien se renouvelle très peu, car il est peu sollicité mécaniquement et peu vascularisé. On va donc choisir une céramique qui va peu se dégrader dans le temps, comme par exemple l’hydroxyapatite (HA). Dans ce cas, la céramique va juste réagir en surface pour former des liens biomécaniques avec les tissus hôtes, mais restera en place très longtemps. A l’inverse, au niveau de la hanche, on va utiliser des phosphates de calcium qui ont la capacité de se dégrader assez rapidement, car seul un os naturel peut s’adapter aux contraintes mécaniques particulièrement sévères dans cette zone. »

Contrôler le développement cellulaire en jouant sur la porosité de l’implant ?

Plus intriguant, les chercheurs se sont rendus compte que l’architecture de l’implant, et en particulier sa porosité, avaient un impact sur la colonisation cellulaire. Le projet OrthoFlase a donc tenté de répondre à deux questions : d’où vient la reconstruction osseuse ? Des berges de l’os, de son enveloppe (le périoste) ou de son cœur (la zone médullaire) ? Et quelle est l’influence de la porosité de l’implant sur ce développement cellulaire, pas seulement osseux mais aussi vasculaire ? « Car sans vascularisation, pas de reconstruction dans de larges défauts osseux, précise David Marchat. L’enjeu est donc de vasculariser vite et bien après la pose de l’implant. »

Les chercheurs ont notamment conçu une architecture d’implant avec des canaux : « Selon la taille des canaux, nous n’avons pas observé la même quantité d’os formé et ceci semble être corrélé aux nombres de petits vaisseaux sanguins (les capillaires, dont le diamètre est inférieur à 25µm) présent dans les canaux. »

Le projet prend fin en 2015. « Actuellement, nous réalisons le traitement des données et nous finalisons avec l’équipe du Docteur Hervé Petit (Directeur de l’unité CNRS/INSERM B2OA de l’Université Paris-Diderot) la conception des céramiques et des protocoles opératoires d’implantation pour favoriser la formation osseuse. »

En savoir + sur la société Osseomatrix
En savoir + sur le projet OrthoFlase

[box type= »shadow » align= » » class= » » width= » »]De la recherche en ingénierie tissulaire

« Au Centre Ingénierie et Santé (CIS), à Mines Saint-Etienne, nous avons une expertise double, raconte David Marchat. La première concerne les phosphates de calcium, de la synthèse des poudres jusqu’à l’élaboration des céramiques pour des applications en ingénierie tissulaire. La seconde est industrielle, et concerne plus particulièrement la mise sur le marché et la qualification de matériaux de type dispositifs médicaux, pour lesquels les procédures de validation et les normes sont très complexes. Notre travail est basé sur l’élaboration d’« outils », à la fois pour des applications thérapeutiques directes, mais aussi pour améliorer nos connaissances de la biologie de l’os. Nos travaux portent ainsi sur l’amélioration de la réponse biologique des implants en phosphates de calcium via la modulation de leurs propriétés physico-chimiques et architecturales, ou encore le développement de systèmes de culture in vitro en 3 dimensions (bioréacteur) qui permettront à terme, nous l’espérons, de pouvoir réaliser les évaluations biologiques sur des tissus osseux artificiels et ainsi de limiter le nombre d’expérimentations animales. » En savoir +[/box]

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