De nos jours, les entreprises naviguent entre deux impératifs : standardiser leurs processus pour garantir efficacité et régularité, tout en restant flexibles pour s’adapter à des environnements en constante évolution. C’est ce double défi qui, en 2013, inspire la création d’ITEROP : une start-up fondée par deux anciens doctorants du Centre Génie Industriel (CGI) d’IMT Mines Albi.
En s’appuyant sur les résultats de leurs thèses, les deux jeunes chercheurs ont pour ambition de moderniser la gestion des flux de travail (« workflows »), en les rendant plus adaptatifs et efficaces. Leur solution, centrée sur la gestion des processus métiers (ou BPM pour Business Process Management), vise notamment à automatiser les tâches récurrentes, réduire les erreurs, et renforcer la collaboration au sein des équipes.
En 2020, ITEROP s’associe à IMT Mines Albi pour créer un laboratoire commun autour de cette thématique, Deep Turtle. Séduit par l’approche de la start-up, l’éditeur de logiciels Dassault Systèmes en fait l’acquisition en 2021, rejoignant ainsi le programme de recherche du labo commun. L’objectif : exploiter le potentiel de l’intelligence artificielle (IA) et des plateformes inspirées des réseaux sociaux pour transformer la conception et la gestion des processus organisationnels.
Smoke on the workflows
Dans toute organisation, les processus jouent un rôle central. Ils orchestrent les actions relatives tant aux métiers de l’entreprise – comme par exemple, la fabrication de pièces – qu’à son pilotage, l’embauche, l’achat de machine… Mais on les trouve également au niveau des tâches administratives, comme la gestion des congés ou des entretiens professionnels. Toutefois, si les compétences et actions ne sont pas mises en œuvre dans le bon ordre, les processus n’aboutissent pas aux résultats attendus.
Trois étapes se dégagent dans la gestion des processus : leur conception (design-time), leur adaptation au fil des besoins, et leur exécution (run-time). La conception est une phase critique car elle implique d’identifier les bonnes séquences d’actions, les compétences mobilisées, et de prévoir les défis potentiels. De même, pour la phase d’adaptation : « il y a souvent plein de manières de faire, et quand les processus impliquent plusieurs personnes, il peut être très compliqué de les modifier », souligne Frédérick Benaben, Professeur à IMT Mines Albi.
Le chercheur, autrefois encadrant d’un des fondateurs d’ITEROP au CGI, aujourd’hui pilote de Deep Turtle, précise que c’est là que le laboratoire commun apporte une valeur ajoutée essentielle : « pour les processus très volatiles, impliquant fortement l’humain, et que l’on peine à standardiser et outiller, comme les processus administratifs ou commerciaux, la prise de contact, la gestion des prospects… ». Le laboratoire commun s’attaque donc à la conception et à la maintenance de ces processus, en fusionnant design-time et run-time. Cette approche évite les allers-retours chronophages entre conception et mise en œuvre, en intégrant directement les ajustements nécessaires lors de l’exécution.
Strange kind of collègue
Pour servir ce but, Deep Turtle mise sur deux piliers : les plateformes collaboratives et l’intelligence artificielle. « Concrètement, c’est un média social professionnel sur lequel les personnels échangent leurs idées ou besoins dans divers cercles de discussion. Le tout sous la vigilance d’une IA qui participe et notifie les membres avec des suggestions », détaille Frédérick Benaben. L’IA s’exécute donc dans un environnement collaboratif, familier et intuitif, semblable aux réseaux sociaux. Les personnes de l’entreprise interagissent via des groupes, partageant des informations de tout ordre sous forme de commentaires, mais aussi de réactions ou de likes.