Le développement de ces compétences correspond d’ailleurs à un principe stipulé par Alan Turing, qui expliquait que si l’intelligence artificielle était amenée à être développée, elle devrait s’adapter au niveau de l’intelligence humaine qui est composée d’intelligences cognitive, émotionnelle et relationnelle.
En quoi ChatGPT s’est-il différencié sur ces aspects ?
AN: Premièrement, ChatGPT n’effectue pas ses recherches sur une seule base de données. Il analyse différentes ressources disponibles sur l’ensemble du web pour émettre sa réponse. Ainsi, il lui est possible de fournir des informations sur de très nombreux sujets et les réponses sont plus complètes et adaptées et que les réponses préétablies obtenues avec les chatbots classiques. Cela reflète donc une meilleure compétence cognitive, qui est aussi renforcée par le fait que ChatGPT est capable, dans une certaine mesure, de comprendre une question incomplète, mal posée ou orthographiée.
L’algorithme de ChatGPT prend aussi en compte le contexte pour fournir ses réponses. Celui-ci n’analyse pas seulement l’association des mots dans une phrase mais également le contexte en association avec les mots de la phrase. Ce contexte peut se décliner de différentes manières, et intègre notamment l’historique des échanges avec les utilisateurs qu’il sauvegarde au fur et à mesure. Cela lui permet donc d’avoir une connaissance de leurs profils et de leurs intérêts. Ce fonctionnement reflète une compétence relationnelle, de la même manière que les agents humains construisent une relation avec un client au fur et à mesure des échanges pour proposer un meilleur service.
Dans une certaine mesure, ChatGPT possède également une compétence émotionnelle, car si un utilisateur lui indique qu’une première réponse n’est pas satisfaisante, ChatGPT pourra formuler une nouvelle réponse. En revanche, cet aspect n’est pas encore développé au point où ChatGPT puisse conclure cela de lui-même: il faut que l’utilisateur lui indique clairement de reformuler sa réponse.
Quelle est la pertinence et la justesse des réponses fournies par Chat GPT ?
AN: Comme ChatGPT utilise différentes sources et prend en compte de nombreux paramètres, il est possible qu’il établisse des connexions entre des informations disparates et se trompe dans leur interprétation, ou bien qu’il se base sur des informations de mauvaise qualité, voire des fake news. Les réponses fournies par ChatGPT, qu’elles soient justes ou non, sont exposées de manière directe et assertive. Lorsque les humains ne sont pas certains de pouvoir répondre à une question, ils peuvent le signifier à l’interlocuteur ou poser des questions en retour pour mieux comprendre la situation, ce que ChatGPT ne fait pas. Un utilisateur peut donc facilement être induit en erreur : c’est le « problème d’hallucination ». Il est donc toujours important de vérifier l’information et de garder un esprit critique avec ce type de chatbot, ce qui n’était d’ailleurs pas aussi important à faire avec la génération précédente de chatbots du fait de leurs limitations.
Ce problème peut-il être amélioré ?
AN : À la différence de la grande majorité des chatbots précédents, ChatGPT fonctionne sur la base d’un apprentissage par renforcement. Il peut donc s’améliorer constamment, à condition qu’il n’utilise pas des mauvaises informations au départ. Pour cela, ChatGPT et les chatbots de nouvelle génération sont entraînés par des ingénieurs prompteurs, en particulier au moment de leur mise en place, et ils sont continuellement affinés par la suite. De manière simple, ces ingénieurs posent des ensembles de questions très variées au chatbot et lui demandent de reformuler leur réponse jusqu’à qu’ils les valident. La qualité et la justesse des réponses est donc aussi affinée par une boucle humaine, d’où l’acronyme GPT pour Generative Pre-trained Transformer (transformer génératif pré-entraîné).
Quelle est l’évolution actuelle des chatbots de type ChatGPT ?
AN: À présent, de nombreux chatbots intelligents sont développés pour améliorer le fonctionnement interne des entreprises ou des organisations. L’entreprise OpenAI qui est derrière ChatGPT met au point des versions spécialisées et payantes de leur nouveau chatbot. Cela a notamment pour but de faciliter l’accès aux ressources internes par les employés, ainsi que d’exécuter certaines tâches habituellement accomplies par des humains. Par exemple, si un institut de recherche veut produire une newsletter à partir des profils de différents chercheurs enregistrés sur la base de données de l’institut, un employé pourra indiquer au chatbot les informations spécifiques pour la rédaction de l’article.
Comment les nouvelles générations de chatbots peuvent-elles être encore améliorées ?
AN : Les attentes envers les chatbots sont de plus en plus exigeantes. Lorsque des utilisateurs commencent à utiliser régulièrement des chatbots, ils veulent toujours avoir un meilleur service que celui qui leur est proposé. Les utilisateurs les plus expérimentés ont les attentes les plus élevées et sont rarement totalement satisfaits, car même si un chatbot possède des compétences cognitives, émotionnelles et relationnelles, il est toujours possible de les améliorer. Un point important consiste à prendre en compte l’habileté des utilisateurs dans le maniement des chatbots. Dans une étude que nous menons actuellement, nous analysons la perception des utilisateurs et leurs attentes en fonction de leur expérience dans l’utilisation des chatbots et de l’intelligence artificielle en général.
De manière générale, les perspectives d’évolution résident toujours dans l’amélioration des compétences cognitive, émotionnelle et relationnelle. Plus les chatbots seront capables d’intégrer des informations sur leurs interlocuteurs et de comprendre leurs questions, plus ils pourront ajuster leurs réponses et leur manière d’interagir. En parallèle, il sera très important d’éduquer l’intelligence digitale des utilisateurs pour qu’ils puissent bien évaluer la confiance qu’ils peuvent avoir dans les informations obtenues.