Protéger les constructions en milieu marin pour un éolien offshore durable

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Le milieu marin est particulièrement agressif pour les structures soumises aux évènements hydro-océanographiques, et pour les matériaux de construction en particulier. Afin d’améliorer la durabilité des constructions en mer, telles que les éoliennes offshore, il est nécessaire de mieux comprendre les mécanismes d’interaction entre le milieu marin et les matériaux structurels utilisés. C’est le but du projet DuMaCoBio qui vise à comprendre et à améliorer les interactions entre les matériaux de construction (béton armé, acier) et l’environnement marin (micro-organismes).

La région Occitanie compte devenir en 2050 la première région d’Europe à couvrir intégralement ses besoins énergétiques par les énergies renouvelables. Si la région mise sur l’éolien flottant, il est cependant nécessaire de comprendre les mécanismes d’interactions entre le milieu marin et les matériaux structurels des éoliennes flottantes. C’est pourquoi la région Occitanie soutient DuMaCobio*, un projet qui s’oriente sur l’étude des interactions entre le béton et l’acier, l’eau de mer et les micro-organismes marins en mer Méditerranée.

Le premier objectif du projet est d’observer les interactions des matériaux de construction, béton armé et acier, avec l’environnement marin pour trois éléments : les flotteurs, les chaînes et les lests d’ancrages sous-marins. Grâce à l’expertise des entreprises Corrohm et A-Corros, divers systèmes anti-corrosion seront testés et modélisés. Par ailleurs, les micro-organismes présents en Méditerranée, qui colonisent toute surface immergée, pourront modifier le fonctionnement des dispositifs de protection mis en place.

Une question sur laquelle les chercheurs vont se concentrer est de savoir si la bio-colonisation de surface peut être favorable à la durabilité des matériaux colonisés. Le second objectif du projet est de réduire l’impact environnemental des structures sur toute leur durée de vie. Cela passe par l’utilisation de matériaux (bétons et aciers) et de techniques plus respectueuses de l’environnement.

Étudier les effets de la bio-colonisation

L’environnement marin est considéré comme très agressif pour les ouvrages en béton notamment à cause de la houle et des vagues qui ont des actions érosives et mécaniques importantes sur ces constructions. De plus, la composition de l’eau de mer joue aussi sur la détérioration des édifices. En effet, les ions contenus dans l’eau de mer causent des agressions chimiques sur le béton et contribuent ainsi à endommager les ouvrages. Les actions d’origine biologique sur les édifices sont toutefois moins connues. C’est pour cela que DuMaCobio compte étudier les effets de la bio-colonisation sur la durabilité des matériaux. 

À lire sur I’MTech : Améliorer la qualité du béton pour optimiser les constructions.

Dans ce projet, Marie Salgues et Jean-claude Souche, deux chercheurs d’IMT Mines Alès, apportent leurs compétences sur l’interaction des mortiers et des bétons avec le milieu marin. Ils participent à l’étude des effets de la bio-colonisation sur les ouvrages, ou comment les organismes prolifèrent sur le béton et impactent ses propriétés. Pour cela, les chercheurs du projet ont immergé des échantillons de béton de compositions variées. « Il s’agit d’échantillons de bétons les plus utilisés dans l’industrie de construction en milieu marin », précise Marie Salgues. « Nous comptons également mener nos études sur d’autres types de liants pour tester des bétons bas carbone afin de mieux considérer les problématiques climatiques et s’inscrire dans une stratégie bas carbone nécessaire », ajoute la chercheuse. 

Les échantillons ont été immergés à 27 mètres de profondeur sur le site du LBBM (Laboratoire de Biodiversité et Biotechnologies Microbiennes) à Banyuls-sur-mer. Des plongées seront organisées toutes les semaines pour comptabiliser la bio-colonisation grâce au soutien de la plateforme REMIMED (Réseau marin instrumenté en Méditerranée).

Béton immergé en mer au large de Banyuls-sur-mer.

Au large de Banyuls-sur-mer, les chercheurs testent la résistance du béton en mer.

« On peut supposer que les bétons avec un pH de surface proche de celui de l’eau de mer soient plus colonisés que les surfaces des bétons avec un pH élevé », indique la scientifique. En effet, un milieu qui se rapproche du milieu naturel des organismes sera davantage favorable à leur développement. La morphologie des surfaces et la rugosité peuvent aussi jouer sur la croissance des espèces. Les aspérités permettent une meilleure accroche pour certains micro-organismes tandis que certaines espèces d’algues préfèrent des surfaces lisses pour proliférer.

L’écoconception au cœur du projet

Les recherches menées dans le projet DuMaCoBio s’ancrent dans une approche d’écoconception. Cela se traduit par le fait de concevoir des projets en considérant les préoccupations écologiques globales et locales. Il s’agit aussi « de minimiser l’impact d’une structure, de sa naissance jusqu’à sa fin de vie et cela passe par un choix de matériau constructif pertinent et durable », indique Marie Salgues.

Le projet DuMaCoBio a été lancé en avril dernier, et durera 4 ans. Les résultats obtenus à l’issue de ce projet pourraient être utiles pour orienter les donneurs d’ordres sur la construction d’ouvrages maritimes et de structures propres à l’installation d’éoliennes offshore en particulier. Cela permettrait de donner un éclairage sur les types de matériaux appropriés pour des constructions durables en milieu marin et sur l’efficacité des dispositifs anti-corrosion, un enjeu de taille alors que les projets d’éoliennes offshore se multiplient dans le monde.

Rémy Fauvel

* Le projet DuMaCoBio pour Durability, protection and environmental impact of marine structures – (bio)corrosion, anti-corrosion, ecodesign, biocolonisation, est porté par le Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions (LMDC). Trois autres laboratoires sont associés au projet : le LGC (Laboratoire de génie chimique, UMR CNRS, UPS et INP Toulouse), le LMGC (Laboratoire de mécanique et génie civil, université de Montpellier) et le LBBM (Laboratoire de biodiversité et biotechnologies microbiennes de l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer). La start-up toulousaine Corrohm, l’entreprise Arlésienne A-Corros et le spécialiste du ferraillage des ouvrages ProArmature sont également présentes dans le projet.

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