Les retardateurs de flammes sont des composés chimiques couramment utilisés pour ignifuger du mobilier ou du matériel électronique. Certains de ces produits sont pointés du doigt car suspectés d’être dangereux pour l’homme (neurotoxique, perturbateur endocrinien, cancérogène…) et pour l’environnement (bioaccumulation). Par ailleurs, certains de ces additifs sont issus de la transformation du pétrole, ce qui implique des émissions de carbone. Les travaux de Laurent Ferry, chercheur en ignifugation des matériaux à IMT Mines Alès, visent justement à concevoir des retardateurs de flamme non nocifs en biocomposites et des méthodes de production avec un meilleur impact environnemental. « Nous travaillons notamment sur des sous-produits de végétaux dont nous allons minimiser la transformation » indique le chercheur. Plus les procédés d’extraction sont simples, moins ils nécessitent d’énergie, plus leur impact sur l’environnement est faible.
La lignine, molécule conférant aux plantes leur rigidité, ou les tanins, molécules impliquées dans la défense des plantes contre les parasites, sont des composés intéressants pour produire des retardateurs de flammes biosourcés. Pour limiter le nombre d’étapes de transformation, les molécules d’intérêt ne sont pas complétement isolées de certains composés de la plante. Cela peut réduire l’efficacité du retardateur de flammes mais pour Laurent Ferry « c’est un compromis entre l’efficacité et le coût investi pour isoler les molécules d’intérêt ».
Les tanins de châtaigniers, efficaces pour limiter les feux
Parmi les composés d’origine végétale, Laurent Ferry et Anne Bergeret, chercheuse en matériaux polymères, se sont intéressés aux tanins de châtaigniers. Les tanins sont des molécules polyphénoliques. Anne Bergeret indique que « lorsqu’ils brûlent, les composés polyphénoliques forment du char : une couche charbonnée qui limite l’entrée en contact du matériau avec l’air ». De cette façon, l’oxygène est moins disponible pour alimenter la combustion qui sera ainsi modérée.
Les fibres végétales aux propriétés ignifugeantes peuvent être utilisées pour fabriquer des biocomposites : des matériaux légers qui allient résine et fibres végétales. Dans un premier temps « du tanin est appliqué sur des fibres végétales pour améliorer leurs propriétés au feu » explique Anne Bergeret. Ces mêmes fibres sont ensuite incorporées dans une résine qui va servir de liant pour produire le biocomposite, à la fois léger et ignifugé.
L’efficacité des retardateurs de flammes se joue à l’échelle nanoscopique. Pour améliorer la performance des retardateurs de flammes, des particules minérales de très petite taille peuvent être incorporées dans la résine. « Plus on réduit la taille des particules minérales incorporées, plus la propagation de la flamme va être réduite » indique la chercheuse.
Une multitude de secteurs d’application
Les matériaux ainsi développés peuvent être utilisés dans la fabrication du mobilier, de matériels électroniques, ou dans la conception des combinaisons de pompiers. Les transports publics constituent par ailleurs un secteur intéressant. « Les matériaux composites sont de plus en plus utilisés dans les transports pour des raisons de légèreté » indique Laurent Ferry. Les matériaux biosourcés sont une opportunité pour diminuer l’empreinte environnementale de la conception. Des composites biosourcés présentent donc le double avantage de la légèreté et de la diminution de l’impact environnemental.
Les biocomposites ignifugés trouveraient aussi un intérêt dans la protection du bois destiné à la construction des bâtiments. Cependant, l’efficacité d’ignifugation des matériaux biocomposites développés à IMT Mines Alès est pour le moment en phase de test. Une fois que l’efficacité sera concluante, des études seront menées pour « vérifier que ces produits ne causent pas de problèmes sanitaires » envisage Laurent Ferry. Une des perspectives serait de produire des retardateurs de flammes moins nocifs que certains actuellement commercialisés.
En effet de nombreux retardateurs de flamme commercialisés contiennent des composés halogénés, dont certains peuvent être dangereux pour la santé des personnes fréquemment en contact avec. « Les retardateurs de flammes contiennent souvent des composés à base de brome ou de chlore. Certains sont des perturbateurs endocriniens et/ou des substances neurotoxiques » explique Laurent Ferry. Mais concernant ses recherches sur les retardateurs de flammes biosourcés, « il faut déjà faire la preuve de l’efficacité sur des échelles plus grandes que celle du laboratoire avant de lancer ce type d’étude » estime le chercheur.