Transformer les gaz d’échappement en électricité, un prototype innovant
Jean-Paul Viricelle, chercheur en génie des procédés à Mines Saint-Étienne, a créé une petite pile à combustible à haute température constituée d’une seule chambre. Placé en sortie d’un processus de combustion, ce prototype pourrait servir à la valorisation des gaz imbrûlés en énergie.
Suite aux récentes annonces du gouvernement sur la filière hydrogène, les piles à combustibles se retrouvent sous le feu des projecteurs de la scène énergétique. Leur promesse : aider à la décarbonation de l’industrie et des transports. Si les piles à combustible à hydrogène sont les stars du moment, la recherche n’est pas en reste sur quelques technologies d’avenir. Ainsi, à Mines Saint-Étienne[1], Jean-Paul Viricelle a développé un nouveau design de pile à haute température — supérieure à 600°C — dite monochambre. Sa particularité est d’être alimentée non plus seulement par de l’hydrogène, mais par un mélange de gaz plus complexe, représentatif des mélanges réels à la sortie d’un processus de combustion. « L’idée n’est pas de concurrencer une pile à hydrogène classique, car nous n’atteindrons jamais le même rendement, mais de faire de la récupération d’énergie à partir de mélanges de gaz imbrûlés en sortie de n’importe quel procédé de combustion », explique le spécialiste en développement de capteurs chimiques.
Il serait ainsi possible de réduire la quantité de résidus gazeux d’une combustion. Des composés qui contribuent autrement à la pollution de l’air. Par exemple, récupérer, dépolluer et oxyder des hydrocarbures imbrûlés pour générer de l’électricité. Pourquoi des hydrocarbures ? Car ils se composent d’atomes de carbone et d’hydrogène, carburant privilégié d’une pile à combustible classique. Une des études les plus abouties sur le concept de pile monochambre a été publiée en 2007 par des chercheurs japonais qui ont récupéré un mélange gazeux à la sortie d’un moteur de scooter. Bien que la puissance ne fût pas très élevée, l’expérience a prouvé la faisabilité d’un tel système. De son côté, Jean-Paul Viricelle a créé un prototype visant à améliorer ce concept. Il utilise un mélange gazeux synthétique, plus proche de la composition réelle de gaz d’échappement. Il joue également sur l’architecture de la pile et ses matériaux pour accroître ses performances.
L’aventure intérieure de la pile
Une pile à combustible se compose généralement de trois éléments : deux électrodes séparées hermétiquement par un électrolyte. Elle est alimentée par un gaz (hydrogène) et de l’air. Une fois dans la pile, une réaction électrochimique survient au niveau de chaque électrode. En résultent des échanges d’électrons qui génèrent l’électricité émise par la pile. L’architecture des piles classiques est souvent contrainte, ce qui empêche notamment une réduction de leur taille. Pour lever ces verrous, Jean-Paul Viricelle a opté pour un modèle de pile monochambre, constituée donc d’un seul compartiment. Dans ce concept, l’hydrogène ne peut pas servir directement de combustible. En effet, il est trop réactif en contact de l’air et risquerait de faire exploser le dispositif ! C’est pourquoi le chercheur l’alimente par un mélange gazeux d’hydrocarbures et d’air. Que change cette nouvelle structure comparée à une pile classique ? « L’électrolyte n’a plus le rôle d’étanchéité d’une pile classique et sert uniquement de conducteur ionique. Par contre, la cathode et l’anode sont en contact avec tous les réactifs. Elles doivent alors être parfaitement sélectives pour ne réagir qu’avec l’un des deux gaz », décrit Jean-Paul Viricelle.
En pratique, un gaz d’échappement synthétique est envoyé sur la pile. La réaction électrochimique qui s’ensuit est classique : une oxydation à l’anode et une réduction à la cathode génèrent de l’électricité. Cette pile fonctionne à haute température (supérieure à 600°C), condition essentielle pour que l’électrolyte transporte les électrons. Et, comme le mélange de gaz qui alimente la pile émet de la chaleur, une pile suffisamment petite pourrait s’auto-entretenir en termes de chauffage. Ainsi, une fois initiée par une source chaude externe, elle deviendrait autonome en chaleur. Par ailleurs, les tests en laboratoire ont mis en évidence une densité de puissance équivalente à celle de piles conventionnelles. Cependant, il faut envoyer d’importants flux de gaz sur ce démonstrateur de 4 cm² avec un faible taux de conversion en électricité à la clé. Un empilement de piles monochambres, et non plus une cellule unique comme c’est le cas pour ce prototype, pourrait répondre en partie à ce problème.
Un panel d’applications
Actuellement, les marchés sont plus propices aux piles à combustible à basse température pour éviter la surchauffe des appareils. Toutefois, le concept développé par Jean-Paul Viricelle présente plusieurs avantages. Il ouvre la porte à de nouvelles géométries permettant de placer les deux électrodes sur une même surface. Cette souplesse de design facilite un passage vers la miniaturisation. Des petites piles à haute température pourraient, par exemple, alimenter des microréacteurs industriels. Les cellules pourraient aussi être intégrées à la sortie d’un moteur pour transformer les hydrocarbures non brûlés en électricité, comme dans l’expérience japonaise. Dans ce cadre, l’énergie récupérée alimenterait les dispositifs électroniques et autres capteurs du véhicule. Plus largement, ce dispositif de conversion d’énergie pourrait répondre aux problèmes d’efficacité de n’importe quel système de combustion, y compris les centrales électriques. Malgré tout, les piles monochambres restent des concepts n’ayant pas franchi les portes des laboratoires. En cause ? Un intérêt jusqu’à présent plus poussé vers la production d’hydrogène que la récupération d’énergie.
Par Anaïs Culot.
[1] Jean-Paul Viricelle est directeur du laboratoire Georges Friedel, unité mixte de recherche Mines Saint-Étienne/CNRS.
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