L’IMT s’empare des défis de la blockchain

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Promise comme une révolution numérique, la blockchain peine pourtant à trouver sa place. Plusieurs points de blocage économiques, sociaux et techniques doivent encore être traités. Pour ce faire, il faut mobiliser des travaux de recherche et d’innovation. Patrick Duvaut, directeur de l’innovation à l’IMT, explique dans cette tribune les défis qui subsistent. Au travers des initiatives de l’IMT, il illustre également comment la communauté académique travaille à lever ces verrous.

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[dropcap]C[/dropcap]omme le décrit la prestigieuse Harvard Business Review[1], (HBR) la blockchain est un réseau pair-à-pair installé « au sommet d’internet » qui permet à des individus, des entreprises, des machines et des algorithmes d’effectuer des transactions d’actifs (transferts de monnaies, échanges et cession de titres de propriété, etc.) automatiquement, sans autorité centrale (via des protocoles décentralisés) et de manière sécurisée. Défendue par HBR comme partageant la même puissance disruptive à l’échelle planétaire que le protocole TCP/IP, à l’origine du World Wide Web en 1990, la blockchain porte le gigantesque potentiel d’une nouvelle ère digitale, celle de l’internet de la valeur et de la confiance !

Les freins à l’adoption grand public

Or, dix ans après l’avènement du BitCoin[2] et en dépit du foisonnement des applications de la « Machine à confiance » – comme l’a baptisée The Economist – dans l’énergie, la banque-assurance, la logistique (ADEPT), force est de constater que la blockchain reste une technologie pour geeks et spéculateurs, incapable de rendre des services au grand public, aussi ergonomiques et populaires par exemple que les dispositifs de paiement en ligne.

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Les raisons sont principalement liées aux limitations systémiques du protocole de confiance originel de la blockchain fondé sur la preuve de travail[3], (Proof of Work, PoW) :

  • Une empreinte carbone rédhibitoire. Selon Ronan Le Gleu – sénateur co-auteur du rapport sur la Blockchain commandé par l’OPECST, juin 2018 – « nous estimons que le seul bitcoin consomme au minimum 45 TWh par an, soit 8,5% de la consommation énergétique de la France en 2017, estimée à 530TWh ».
  • Une lenteur pathologique – un temps de validation des transactions de plusieurs dizaines de minutes – et une « scalabilité réduite » – un débit d’à peine quelques transactions par minute – incompatibles avec les besoins temps réel du négoce et des échanges 4.0.
  • Un coût prohibitif de validation des transactions – de l’ordre de plusieurs dizaines de dollars US. De surcroît, ce coût est identique qu’il s’agisse d’un transfert d’un million ou de 50  dollars !
  • Une complexité insurmontable de prise en main pour un citoyen qui souhaiterait utiliser lui-même un service de « notarisation digitale » de ses biens, adossé à une blockchain publique sur son smartphone ou toute autre plateforme.
  • Le déficit d’une assise juridique des smart contacts qui, pour Marco Lansiti, – titulaire de la Chaire David Sarnoff à la Harvard Business School – « automatisent les paiements et transferts de devises ou d’autres actifs, une fois les conditions de négociation remplies ». En cas de litige inhérent à l’exécution d’un smart contract, aucune des parties prenantes ne peut se prévaloir d’une garantie opposable devant la loi !
  • Des asymétries dans la gouvernance. Le rôle central de la puissance de calcul dans la validation des transactions par la PoW confère une influence quasi-hégémonique aux « mineurs les plus forts », notamment en Chine et aux États-Unis…

La preuve de travail est historiquement le socle des blockchains dites publiques (BitCoin, Ethereum, Hyperledger) où tout le monde peut écrire, lire ou auditer les registres informatiques décentralisés des transactions. L’émergence de blockchains privées, où les membres d’un consortium décident de qui lit, écrit et audite les registres distribués a engendré de nouveaux protocoles, comme la Preuve d’enjeu déléguée[4] (voir EOS), visant à atténuer les défauts de la PoW et de la Preuve d’enjeu[5].

A ce jour néanmoins, la blockchain est encore très loin d’être une « commodité », aussi facile d’usage qu’internet !

Mobilisation 360 de l’IMT pour relever les défis de la Blockchain

Les verrous qui ralentissent l’adoption de la blockchain comme levier d’empowerment citoyen sont d’une remarquable diversité : sociétaux, énergétiques, économiques, juridiques, sociologiques, de « scalabilité », de sécurisation, de privacy, de rapidité, de coût, d’ergonomie, de complexité, etc. touchant potentiellement tous les domaines sectoriels sans exception, y compris le Gouvernement et les modes opératoires des services régaliens.

L’IMT, porté par une « excellence utile », construite autour d’expertises pluridisciplinaires de haut niveau, notamment un mariage unique hard skills & soft skills dans toutes les transformations du XXIe siècle (numérique, industrielle, économique, énergétique, éducative et des dispositifs de santé) apporte des réponses pertinentes aux challenges de la Blockchain, tant sur des aspects prospectifs qu’au niveau de la mise sur le marché de solutions pratiques et efficientes.

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Côté technologique, les efforts saillants en recherche se concentrent autour de l’initiative BART (Blockchain Advanced Research & Technology). Lancée en mars 2018 pour une durée de six ans, BART constitue le plus important collectif de recherche académique dédié à la blockchain en France avec des chercheurs de Inria, l’IRT SystemX, Télécom ParisTech et Télécom SudParis. Sur les aspects sociétaux et économiques, l’article de Patrick Waelbroeck « Pourquoi la blockchain ne se développe pas plus vite » incarne assez précisément les travaux prospectifs en cours.

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Enfin, en partenariat avec les start-Up iXXo & Kicklox, le Think Tank « La Fabrique du Futur » et le Ministère des Armées, l’IMT lance en 2019 ValYooTrust, une place de marché d’actifs immatériels pour l’innovation et le business 4.0, sécurisée par une blockchain « JuriGreen », à mini empreinte carbone, inclusive, « scalable », agile, d’usage grand public et dotée d’une assise légale !  ValYooTrust propose des parcours complets & sécurisés d’innovation personnalisée aux différents acteurs des écosystèmes d’innovation : start-up, incubateurs, investisseurs, grands comptes, collectivités, organisations, citoyens/usagers/patients.

Catalyseur de talents

En résumé, la blockchain se destine à être aux transactions d’actifs, ce qu’est le protocole TCP/IP aux échanges d’emails. Elle devrait ouvrir finalement une nouvelle ère digitale, celle de l’internet de la valeur et de la confiance, susceptible de révolutionner les systèmes juridiques, économiques, politiques, de l’entreprise et de la société.

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La route est jalonnée d’obstacles comme le fut celle de l’adoption massive d’internet à la fin du XXe siècle. Ces verrous pluridisciplinaires et multisectoriels représentent autant d’opportunités pour des chercheurs, des experts, des entrepreneurs, des citoyens comme le montrent les initiatives en cours dans l’IMT qui catalysent déjà de nombreux talents et devraient susciter de nombreuses autres vocations !

 

Par Patrick Duvaut, directeur de l’innovation à l’IMT.

 

[1] « Le Must du Digital », Numéro Hors-série, Harvard Business Review, Printemps 2018

[2] Article Fondateur de Satoshi Nakamoto le 31 octobre 2008 sur le premier protocole sécurisé de paiement électronique pair à pair.

[3] La PoW repose sur des « mineurs » qui valident et sécurisent des transactions grâce à de la puissance de calcul.

[4] La Delegated Proof of Stake DPoS mandate la partie humaine d’un protocole de confiance hybride, humain-machine aux détenteurs des crypto-actifs de la blockchain, voir https://busy.org/@eosgo/understanding-eos-and-delegated-proof-of-stake pour plus de détails.

[5] La Preuve d’Enjeu (Proof of Stake) demande à l’utilisateur de prouver la possession d’une certaine quantité de crypto-monnaie pour prétendre à pouvoir valider des blocs supplémentaires dans la chaîne de bloc et de pouvoir toucher la récompense, s’il y en a une, à l’addition de ces blocs.

 

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La blockchain à Futur & Ruptures

La blockchain était le sujet central de la journée Futur & Ruptures du 31 janvier dernier. Il s’agit du rendez-vous annuel de présentation des travaux de thèses aboutis portant sur des thématiques prospectives de l’IMT. Le programme Futur & Ruptures est soutenu par la Fondation Mines-Télécom et le Carnot Télécom & Société numérique depuis plus de 10 ans. Lors de cette journée a notamment eu lieu une table ronde sur les enjeux et les verrous de la blockchain, réunissant : Patrick Duvaut (IMT), Emmanuelle Anceaume (CNRS), Gérard Memmi (Télécom ParisTech), Nicolas Kozakiewicz, (Atos Wordline) et Ronan Le Gleut (Sénateur, OPECTS). Emmanuelle Anceaume était également invitée pour donner une conférence sur ses travaux dans le développement de la blockchain.

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