Qu’ont en commun des feux d’entrée de port, un conducteur pressé faisant des appels de phares au véhicule devant lui, et votre petit voisin qui envoie des messages en morse depuis la fenêtre de sa chambre ? Facile ! Tous transmettent une information grâce à la lumière.
Aujourd’hui, les technologies des communications optiques, basées sur l’utilisation de la lumière pour transmettre des informations, sont au cœur des infrastructures modernes de télécommunications. Elles offrent des vitesses de transmission élevées, et sur de longues distances, grâce à l’utilisation de fibres optiques ou de dispositifs photoniques (qui exploitent les propriétés des photons), comme les lasers ou les LEDs. Les domaines d’applications sont variés et vont des télécommunications – pour les liaisons téléphoniques, l’internet à haut débit, ou la télévision – aux réseaux informatiques, en passant par l’imagerie et la détection pour le domaine médical ou encore la sécurité et la défense.
Dans les communications optiques, comme dans les communications sans fil, les systèmes MIMO (Multiple-Input Multiple-Output) utilisent plusieurs antennes à l’émission et à la réception, pour exploiter les chemins multiples de propagation du signal. Ces systèmes permettent d’améliorer la capacité et la fiabilité de la transmission des données par rapport aux systèmes SISO (Single-Input Single-Output), composés d’une seule antenne à l’émission et à la réception. S’appuyant sur ce concept, la start-up MIMOPT Technology propose des solutions innovantes dédiées à l’optimisation des systèmes de communication optiques, en exploitant tous les degrés de liberté du canal optique, en polarisation, en mode, en espace, et en longueurs d’onde.
Un projet « made in » Télécom Paris
MIMOPT est issue de la collaboration entre Ghaya Rekaya et Yves Jaouen, tous deux chercheuse et chercheur à Télécom Paris, respectivement en communications numériques et optiques, ainsi que leur ancien doctorant, Akram Abouseif. Si la jeune pousse est lancée en 2021, elle est en réalité le fruit de 15 années de recherche dans le domaine optique.
Face aux bouleversements apportés par le numérique dans le domaine des communications optiques, Ghaya Rekaya et Yves Jaouen identifient une demande croissante de techniques avancées pour le traitement numérique du signal. « Nous avions beaucoup de résultats et l’envie de faire ce lien entre les mondes académique et industriel », relate Ghaya Rekaya. Soutenu par Télécom Paris, le trio se voit accorder en 2018 un financement pour prématurer le projet et réaliser une étude de marché, qui leur donne le feu vert. « Avant même d’être incubés, nous avons bénéficié d’un accompagnement par l’école, notamment des formations », reconnait Ghaya Rekaya. « Il déjà est assez rare qu’un professeur créé une start-up… alors une femme ! », ajoute-t-elle en souriant.
Le maillon fort dans la chaîne de communication
À partir de sa création en avril 2021, MIMOPT passe 18 mois à l’Incubateur de Télécom Paris à développer son offre. Celle-ci comprend trois types de services : implémentation de projets sur mesure, licences du simulateur, et licences des brevets. « Pour le moment nous ne fabriquons pas de matériel, seulement des solutions logicielles. C’est comme si nous apportions un maillon dans une chaîne de communication pour en optimiser le fonctionnement », illustre Ghaya Rekaya.
Les solutions de MIMOPT s’intègrent ainsi dans les cartes électroniques des transmetteurs optiques – appelés transpondeurs – fournis par les clients. Grâce aux 15 ans de recherche qui ont précédé sa création, MIMOPT est très avancée en stratégie de propriété intellectuelle. La start-up possède onze familles de brevets, dont six proviennent des travaux réalisés par Ghaya Rekaya et Yves Jaouen au sein de Télécom Paris – et achetés à l’Institut Mines-Télécom. Les cinq autres découlant directement des travaux menés au sein de MIMOPT.
La jeune pousse s’appuie ainsi sur un éventail de technologies parmi lesquelles des techniques de multiplexage, qui permettent d’augmenter la capacité de transmission des fibres optiques en combinant plusieurs signaux optiques et en les transmettant simultanément sur une seule fibre. Ces solutions permettent également de réduire l’énergie transmise (les systèmes sont moins énergivores), avec comme conséquence d’augmenter la durée de vie des équipements. La start-up a également développé de bout en bout un simulateur qui permet de modéliser, prédire, et évaluer les performances d’une chaîne de communication optique complète.
« Le spectre d’application est très large, du moment que le signal est optique. »
Depuis son incubation, MIMOPT a déployé ses solutions chez des partenaires essentiellement des domaines de la défense et du pétrole. « Au départ, nous imaginions plutôt nous adresser au secteur des télécommunications, et ce ne sont pas non plus les clients identifiés par notre étude de marché », reconnait Ghaya Rekaya. « Mais c’est la leçon de ce projet : il ne faut pas se limiter ! »
La start-up a donc adapté ses services. « Au début nous étions focalisés sur les fibres optiques. Maintenant, nous couvrons également l’optique en espace libre [NDLR : qui fait appel à la propagation de la lumière en espace libre, afin de transmettre des données entre deux points distants, par exemple deux véhicules], la communication satellite ou encore sous-marine. Le spectre d’application est très large, du moment que le signal est optique. »
Le ciel, pas forcément la limite
La diversité de son offre, le large éventail de ses clients, et sa stratégie avancée en matière de propriété intellectuelle sont autant d’arguments différenciateurs pour MIMOPT, qui portent rapidement leurs fruits. En 2022, la start-up remporte la compétition du « Start-up Pitching » à l’édition 2023 de Network X, dédié aux télécommunications. Fin 2023, Ghaya Rekaya remporte le prix « Innovation » et le « Grand Prix » du concours « Créatrices d’avenir » qui récompense les femmes entrepreneuses en Île-de-France. Enfin fin 2024, Ghaya Rekaya est lauréate du prix européen Women TechEu qui récompense des start-up DeepTech portées par des femmes.
Une reconnaissance qui, Ghaya Rekaya l’espère, apportera à MIMOPT de la visibilité et des retombées financières. En 2024, la start-up a réalisé une levée de fonds pour soutenir son développement commercial et compléter ses effectifs. « Aujourd’hui l’équipe-projet est à 100 % sourcée de l’Institut Mines-Télécom car nous avons recruté deux autres docteurs issus, eux aussi, des écoles du groupe », se félicite Ghaya Rekaya. « Les compétences étaient là, donc nous ne sommes pas allés les chercher très loin ! Mais nous avons aussi besoin de profils complémentaires. » MIMOPT est donc loin d’avoir fini sa mutation. « Cela nous pousse à être agile ! », lance avec assurance la chercheuse-entrepreneuse.