Composites biosourcés : légers et durs comme du bois
Parmi les diverses déclinaisons du bois, les fibres occupent une place centrale dans les recherches menées au C2MA : de nombreux travaux y sont dédiés à leur développement et leur caractérisation pour une utilisation dans des matériaux composites. Historiquement, IMT Mines Alès bénéficie d’une expertise de longue date dans l’étude des fibres de renforcement. Initialement centrées sur des matériaux synthétiques, les recherches se sont progressivement orientées vers des solutions plus écologiques. « C’est ainsi que nous sommes passés de la fibre de verre à la fibre végétale et, au fil des collaborations, à la fibre de bois », relate Stéphane Corn.
Tandis que la plupart des échantillons de bois à l’échelle macroscopique sont issus de la xylothèque du Cirad, les échantillons dits « fractionnés » proviennent, eux, de la halle technologique FRD-Lab : la première plateforme européenne dédiée à l’extraction et à la caractérisation des fibres, granulats et semi-produits végétaux, et partenaire d’IMT Mines Alès depuis plus de 10 ans sur des projets de recherche. L’obtention des fibres de bois est un processus complexe qui nécessite soit un broyage et un tamisage pour obtenir des résidus fibreux de dimensions contrôlées, soit un procédé de défibrage – ou explosion à vapeur – qui utilise une pression mécanique pour produire des fibres unitaires de haute densité.
Ces fibres sont ensuite caractérisées et sélectionnées pour être utilisées comme charges ou renforts dans des matériaux composites. Au sein de l’équipe PCH, les enseignants-chercheurs Clément Lacoste et Nicolas Le Moigne s’intéressent à la fois aux propriétés de ces fibres de bois, à leur intégration dans des composites, et aux propriétés finales de ces matériaux. En combinant analyses dimensionnelle, physico-chimique et mécanique, leurs travaux visent à développer des fibres végétales, en alternative aux fibres synthétiques, qui soient plus écologiques tout en restant performantes. Le projet AGROBRANCHE, financé par l’Ademe, en est un exemple.
Émissions de COV : loin du bois de senteur
La durabilité de ces matériaux composites, comme des panneaux de particules, ne tenant pas qu’au bois, les matières et liants employés sont également étudiés par les scientifiques. « Une des problématiques des panneaux à base de bois, dans l’ingénierie par exemple, est l’utilisation de colles avec du formaldéhyde », signale Clément Lacoste. Au fil du temps et du vieillissement des colles et résines synthétiques, des panneaux de bois peuvent effectivement émettre des composés organiques volatils (COV), nuisant à la qualité de l’air intérieur, voire cancérogène comme le formaldéhyde.
Pour tenter de réduire ces risques sanitaires, le chercheur œuvre donc au développement de bio-adhésifs à partir de résines polymères d’origine naturelle. Il collabore également avec l’équipe de recherche sur les interactions du bois avec leur environnement (RIME). « Nous évaluons la qualité de l’air intérieur des bâtiments pour identifier les sources de polluants et trouver des solutions pour réduire les émissions », expose Valérie Desauziers, Professeur et responsable de l’équipe RIME. « Cela inclut aussi bien l’étude des bois massifs que des matériaux composites et des panneaux de particules, en allant des matériaux de construction à la décoration et l’ameublement. Nos recherches sont ainsi transversales et complémentaires à celles des équipes PCH et DMS », complète-t-elle.
Pour ces évaluations, la chercheuse s’appuie sur des méthodes classiques d’analyse de l’air et d’essais d’émission, mais a aussi développé avec son équipe des méthodes de mesures in-situ, permettant d’identifier les matériaux sources de polluants dans un bâtiment. « Il y a deux approches : les analyses ciblées, pour détecter des polluant connus et/ou réglementés, comme le formaldéhyde, et les analyses non ciblées pour les composés émergents », spécifie-t-elle. « Nous savons que, face à une réglementation de plus en plus exigeante, les constructeurs font évoluer leurs matériaux. Nous développons donc de nouvelles méthodologies pour identifier et quantifier les nouveaux additifs, ainsi que des substances non intentionnellement ajoutées, dont on connaît encore peu ou mal l’impact sur la santé. »
Un matériau qui se met au vert
Cette étude des émissions liées au vieillissement des matériaux en bois s’inscrit dans le cadre plus général de l’analyse du cycle de vie (ACV) de ces matériaux. L’équipe RIME étudie ainsi chaque étape du cycle de vie des matériaux bois depuis leur fabrication pour en évaluer l’empreinte environnementale. Comme le souligne Nicolas Le Moigne : « L’utilisation du bois dans des applications matériaux invite à une réflexion sur la gestion et la valorisation optimale des ressources – sont-elles issues de forêts naturelles ou gérées par l’activité humaine ? Quelle(s) essence(s) d’arbre ? – et sur les fractions valorisées et valorisables – est-ce que l’on utilise des résidus ? du bois d’œuvre ? Quels sont leurs spécificités et avantages en lien avec l’application visée ? »