L’imagerie et la cytométrie de masse sont des outils précieux pour la recherche en médecine, et notamment dans la recherche contre le cancer. Elles permettent d’étudier les cellules en mesurant plusieurs dizaines de caractéristiques simultanément, comme leur taille, leur structure ou encore les protéines qu’elles contiennent. La start-up AMK biotech – pour Access to Mass cytometry Knowledge (accès aux connaissances en cytométrie de masse) – propose un service d’imagerie tissulaire, clé en main, qui repose sur cette technique d’analyse. Elle fournit des images de tissus d’organes dans le cadre d’études cliniques et pré-cliniques. Son objectif : prouver l’efficacité de traitements sur le banc d’essai pour les amener sur le marché.
La jeune pousse combine une activité de laboratoire de biologie, pour traiter les tissus et en obtenir des images, à une expertise en sciences des données, en développant notamment des algorithmes d’intelligence artificielle (IA) pour exploiter de grands volumes de données. « AMK biotech se positionne ainsi comme un maillon innovant de la « HealthTech », la filière des start-up pour la santé. Dans la chaîne de développement de nouveaux médicaments, elle fait le lien entre l’innovation technologique, l’industrie pharmaceutique et biotechnologique, et la clinique », introduit Aïda Meghraoui, sa fondatrice.
Répondre à un besoin technologique en imagerie tissulaire
Avant de porter ce projet, cette pharmacienne de formation suit une carrière de chercheuse en immunologie. Elle est amenée à participer ou à porter des travaux pour identifier de nouveaux traitements ou diagnostiquer des pathologies variées, comme les cancers, et se familiarise ainsi avec des technologies d’analyse avancées, dites « omiques ». « Le défi dans une étude clinique, c’est de tirer le maximum d’information avec peu de matériel biologique, un échantillon de sang ou une biopsie par exemple », expose-t-elle. « C’est là que l’évolution des technologies devient pertinente car on peut désormais obtenir des dizaines, voire des milliers de données à partir de petits échantillons de patients. À condition de savoir les exploiter. »
En effet, si les technologies autour de l’exploitation de données massives sont aujourd’hui légion dans les laboratoires académiques, ce n’est pas forcément le cas dans le cadre des essais cliniques. Ces techniques d’analyse nécessitent de lourds investissements, ainsi qu’une expertise pointue pour leur exploitation. C’est donc sur ce constat qu’Aïda Meghraoui décide de créer AMK biotech, un laboratoire d’innovation externalisé destiné aux acteurs de l’industrie pharmaceutique. Ce laboratoire de service donne accès à une technologie d’analyse et d’imagerie tissulaire nouvelle génération, sans la contrainte financière de son acquisition, ni le temps de sa mise en place. « Concrètement, nos clients choisissent le service qui les intéresse et nous envoient leurs échantillons. Nous les analysons et leur renvoyons les résultats », résume la jeune fondatrice.
Un projet pluridisciplinaire dès sa création
Derrière ce service, deux activités principales de recherche et développement. D’une part, l’activité de laboratoire avec le développement expérimental de produits – réactifs, composants chimiques – pour obtenir les images. « Nous devons traiter chimiquement le tissu biologique brut pour être en mesure d’observer les composants qui nous intéressent », explique la scientifique. D’autre part, le développement logiciel, et notamment d’algorithmes capables de répondre au mieux aux besoins de la jeune pousse.
Dès le départ, le projet s’est appuyé sur cette double expertise, biologique et numérique. Tout l’enjeu pour Aïda Meghraoui était de construire un modèle autour des connaissances techniques acquises, au cours de ses recherches, en imagerie, en cytométrie, et en analyse de données massives. Elle met en place une collaboration avec Maria Zuluaga, chercheuse à EURECOM, spécialisée dans les méthodes d’apprentissage automatique et d’IA appliquées à la santé, puis intègre l’incubateur TechForward pour profiter de l’expertise et des moyens de ce réseau. « Nous avons bénéficié du support d’étudiants en stage, et nous mettons actuellement en place une thèse CIFRE pour consolider nos effectifs. Aujourd’hui nous sommes six, dont la moitié experte en biologie, et l’autre moitié experte en traitement de données », déclare fièrement la CEO.
Un circuit de développement auto-alimenté
Avant même le lancement de son projet, Aïda Meghraoui a prospecté au sein de son réseau de chercheuse. C’est donc avec une base de clients déjà demandeurs, et grâce à l’expertise scientifique solide de sa fondatrice, que la jeune pousse se lance rapidement sur le marché avec un produit fonctionnel. « Nous avons construit notre plan d’activités pour faire du développement en parallèle de la vente », explique la CEO. « Même si le lancement d’une activité de laboratoire nécessite beaucoup de moyens et de temps de mise en place, notre objectif était d’atteindre l’autonomie rapidement, et cela, sans levée de fonds au démarrage. »
AMK biotech a donc généré de la valeur dès les premiers mois de sa création, et c’est ce chiffre d’affaires qui alimente le circuit de recherche et développement. « C’est un modèle un peu différent des start-up habituelles. Le fait de bénéficier tout de suite d’un ancrage sur le marché et auprès de nos clients nous permet d’affiner nos développements grâce à leurs retours, et d’arriver rapidement à une adéquation produit-marché optimale », argumente la jeune entrepreneuse.
Étoffer l’offre par des analyses complémentaires
Le service proposé initialement a donc évolué, été adapté au fur et à mesure des clients, et va continuer à évoluer. « Notre approche technologique peut s’adapter à différentes machines. Sur le long terme nous aimerions étoffer notre parc technologique pour faire d’autres types d’analyses, comme l’analyse génomique ou métabolomique. », projette Aïda Meghraoui.
L’analyse génomique consiste à analyser les différentes zones de notre patrimoine génétique ou génome, et permettrait éventuellement d’identifier les caractéristiques génétiques de pathologies comme le cancer. L’analyse métabolomique est son pendant pour les cellules : elle informe sur toutes les molécules digérées et produites par nos cellules lors du métabolisme. Elle peut donner ainsi l’état d’avancement d’une maladie, en déterminant les transformations inhérentes de ces molécules, appelées métabolites.
La jeune CEO prévoit également une autre piste de développement qui est l’application d’outils d’IA dans le domaine de la cancérologie, pour diagnostiquer plus précocement les cancers et optimiser la prise en charge. Ces différentes pistes sont en cours d’élaboration, avec toujours ce même objectif : proposer des outils de diagnostic et de pronostic efficaces pour prédire l’évolution de pathologies, valider l’efficacité de traitements et ouvrir des pistes de nouveaux médicaments, pour mieux soigner les malades.