StressID met en jeu des capteurs portables pour récolter les réponses physiologiques issues d’un électrocardiogramme (ECG), d’un capteur d’activité électrodermal (EDA) et d’un capteur de respiration. Ces données sont associées à des enregistrements audios et vidéos synchronisés sur le visage des participants.
À terme, les résultats fournis par l’analyse des données de StressID pourraient être utilisés dans des applications santé. La détection poussée du stress a en effet de nombreux intérêts dans le secteur médical. « Par exemple, les patients autistes peuvent être sensibles au stress lors des examens médicaux, et il est important de pouvoir le détecter rapidement pour anticiper et mieux gérer l’état du patient », précise la doctorante.
Hava Chaptoukaev a d’ailleurs remporté le prix NeurIPS 2023 Scholar Award lors de la 37e Conférence Neural Information Processing Systems qui s’est tenue en décembre 2023 aux États-Unis. StressID constitue une base de données pour l’identification du stress à partir de données unimodales et multimodales. Sa force est d’une part de pouvoir collecter l’ensemble des modalités (vidéo, audio, signaux biologiques) de manière synchronisée et en haute qualité. D’autre part, StressID a pour atout de comporter les enregistrements d’un nombre élevé de participants.
Données et protocole de l’expérience
StressID est issu de l’analyse de 65 sujets ayant permis d’obtenir 39 heures de données annotées. Les participants volontaires, 18 femmes et 47 hommes âgés de 21 à 55 ans, sont des étudiants et des travailleurs du domaine de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. Une maîtrise suffisante de l’anglais est indispensable pour effectuer les 11 tâches proposées aux participants pour évaluer leur niveau de stress et de relaxation.
Parmi les tâches à réaliser : des exercices de prise de parole en public, de lecture, ou encore des tests de couleur et des comptages. L’exercice qui est considéré à l’issue des analyses comme le plus stressant est d’ailleurs celui du comptage. Sa consigne : « Commencez à compter à rebours à partir de 1011 en soustrayant 7 pendant 1 minute (aussi vite que possible) ».
Hava Chaptoukaev pointe que « les tâches utilisées sont établies cliniquement et les protocoles existent déjà. Nous les avons sélectionnées de façon à constituer une liste d’exercices les plus variés possibles. Elles sont aussi validées par une psychologue qui a aiguillé leur sélection. »
Différents déclencheurs sont utilisés dans l’identification du stress. Ils sont exploités à travers une tâche de respiration guidée (pour obtenir une référence de base de l’état de stress des sujets), 2 clips vidéo émotionnels, 7 exercices interactifs différents, et une tâche de relaxation finale.
Grâce à son protocole, StressID vient combler les lacunes des nombreuses bases de données existantes sur l’émotion et sa classification. Les bases de données sur le stress sont en effet rares, et celles qui existent ont pour inconvénient leur nombre très limité de participants. Les données sont accessibles sur demande comme le souligne Maria Zualaga : « Il y a simplement une vérification pour accéder à l’ensemble des données. Il faut au préalable signer un accord sur leur bonne utilisation, car elles sont destinées à des recherches. »
Contributions fournies par StressID
Parmi les contributions du projet StressID figure d’abord un nouvel ensemble de données multimodal centré sur les tâches stressantes. Il présente ensuite des modalités synchronisées et annotées ainsi que des auto-évaluations des participants sur leurs niveaux de relaxation, de stress, d’excitation, mais aussi de valence qui traduit en psychologie un état émotionnel positif ou négatif.
Le protocole expérimental fourni est facile à reproduire pour l’enregistrement des réponses comportementales et physiologiques à divers déclencheurs par le biais de capteurs portables et globaux. Des instructions pour l’exploitation de l’ensemble de données sont également accessibles. Plusieurs modèles de base sont disponibles en open source pour la reconnaissance du stress grâce aux signaux vidéos, audios et physiologiques, ainsi que des modèles multimodaux associant ces trois entrées.
« Les participants nous disent s’ils ont ressenti des sensations négatives ou positives, mais aussi à quel point ils se sont impliqués dans la tâche. Peu de personnes se sont senties en colère ou tristes en faisant nos expériences, mais bon nombre les trouvaient amusantes », signale Hava Chaptoukaev.
« StressID est le fruit de la collaboration entre plusieurs universités. Il fait intervenir des experts du traitement de données, des vidéos et de l’audio », révèle Maria Zuluaga. Elle ajoute que « le projet sera élargi pour se pencher davantage sur les données physiologiques » avec pour ambition à long terme de prédire le stress en utilisant des dispositifs et des capteurs non invasifs.