Des procédés chimiques appliqués à des effluents réels
Tout au long de sa carrière, Éric Guibal explore des méthodes de récupération des métaux, soit par lixiviation, soit par adsorption. La première méthode consiste à solubiliser les métaux en faisant passer lentement une solution acide à travers un solide ou un minerai. Les éléments sont récupérés dans le liquide résiduel chargé, appelé lixiviat. L’adsorption consiste, elle, à récupérer les métaux par fixation à la surface d’un matériau solide – l’adsorbant. Une attention particulière est portée à la caractérisation de ces matériaux adsorbants, notamment à leur sélectivité, afin de séparer les métaux valorisables, mais également à leur recyclage.
Dans une approche applicative, ces méthodes sont mises en œuvre sur des effluents réels, d’industrie minière, de lixiviats ou encore des eaux polluées. « Nous essayons par exemple de potabiliser, ou du moins de rendre compatibles avec une utilisation agricole, les eaux souterraines de zones contaminées », illustre Éric Guibal.
L’utilisation de biomasses, du champignon à l’algue
Dès ses premiers travaux, le chercheur explore la biolixiviation et la biosorption, soit l’utilisation de biomasse pour récupérer des métaux. Très rapidement, il s’intéresse en particulier à la biomasse issue de champignons filamenteux pour récupérer l’uranium. « Une fois cette activité remarquable identifiée, je me suis focalisé sur le principe actif, un biopolymère présent dans les parois cellulaires des champignons, le chitosane. »
Dans les laboratoires d’IMT Mines Alès, Éric Guibal fait la connaissance de l’ingénieur de recherche Thierry Vincent, « une personne qui a une imagination et des capacités d’innovations remarquables ». La rencontre est un déclic : ensemble, ils développent, explorent, inventent à partir du chitosane. Ils mettent au point des produits à la mise en forme originale, comme des fibres creuses, utilisées pour la récupération de métaux, mais aussi pour des applications plus inattendues comme la diffusion de vitamines.
Progressivement, les deux chercheurs bifurquent vers l’alginate, un polymère issu des algues brunes, auquel ils transposent tout leur savoir développé via l’étude du chitosane. Ils élaborent ainsi une gamme de mousses sur laquelle ils mettent en évidence des propriétés de résistance au feu. Cette découverte pose les jalons du projet AlgiFoam, un matériau actuellement en voie d’industrialisation pour un emploi plutôt orienté vers le packaging de luxe. Un succès gratifiant pour le duo qui voit se concrétiser des décennies d’avancées techniques et scientifiques.
La construction d’un réseau international
Au-delà de ses travaux académiques, le parcours d’Éric Guibal est marqué par de nombreuses collaborations internationales. Très tôt, il encadre une doctorante mexicaine de l’Université de Guanajuato, puis tisse de nombreux liens avec l’Espagne et l’Amérique latine, notamment l’Université de Campinas au Brésil, pour structurer la recherche autour de la biosorption des métaux. Durant la première partie de sa carrière, le chercheur passe environ un mois et demi par an à voyager pour entretenir ce réseau latino-américain.
Depuis une dizaine d’années, il a également constitué un réseau avec l’Égypte : une communauté originellement attirée par la production scientifique d’IMT Mines d’Alès, et avec laquelle des liens d’amitié se sont formalisés avec le temps. Le chercheur collabore ainsi avec une poignée d’équipes égyptiennes, de la Nuclear Materials Authority, l’Université de Ménoufia ou encore l’Université de Port-Saïd, elles-mêmes associées à des équipes chinoises. Ces liens facilitent l’accès en Chine à des équipements, et des moyens financiers et humains qui permettent de démultiplier la vitesse de production « Nous avons presque trop de résultats qui arrivent et pas assez de temps pour les exploiter », glisse le chercheur.
« Ces collaborations, c’est mon ADN »
La consolidation de ce réseau international donne ainsi lieu à une dizaine d’articles par an sur des thématiques toujours liées à la récupération des métaux. Sur près de 300 publications tout au long de sa carrière, Éric Guibal estime que 80 à 85 % d’entre elles sont en partenariat avec des personnes appartenant à ce réseau de travail. Une production scientifique foisonnante qui fait du chercheur l’un des plus cités dans sa discipline, en France et à l’international.
Il y aurait de quoi s’enorgueillir mais Éric Guibal garde la tête froide : « C’est un critère parmi d’autres, cela ne fait pas de nous des Prix Nobel, mais cela démontre l’impact de notre travail sur la communauté scientifique à l’échelle internationale. Même depuis une petite ville comme Alès », ajoute-t-il avec un sourire.
Aujourd’hui, le chercheur se félicite de l’élaboration patiente de ce réseau de collaboration et « d’écoles de pensées » scientifiques : un investissement au long cours qui pérennise la transmission d’un certain savoir autour de la récupération et de la valorisation des métaux. Avant d’ajouter que le démarrage de ce réseau n’aurait pas été possible sans toutes les réalisations menées précédemment avec son équipe d’IMT Mines Alès, et notamment Thierry Vincent. « Je crois beaucoup au pouvoir de la rencontre », confie-t-il. « Ces collaborations, c’est mon ADN. »