À quoi sert le cloud ?
Adrien Lèbre : Depuis sa création, l’internet s’articule autour d’un cycle consistant tour à tour à centraliser et à décentraliser des données. Le cloud est un processus qui a été proposé à la fin des années 2000 pour permettre à des entreprises et à des particuliers d’externaliser des données ou encore des services informatiques auprès d’opérateurs, comme Orange, Google, Microsoft, Amazon… L’objectif est de ne plus avoir de serveurs physiques en interne. Le cloud représente donc la possibilité d’externaliser l’infrastructure logicielle et matérielle dont on a besoin pour faire tourner les services informatiques par des prestataires extérieurs.
Comment ce processus est-il apparu ?
AL : L’histoire de départ pourrait s’appuyer sur une anecdote. Amazon avait besoin d’énormément de ressources pour assurer les transactions liées à son activité d’e-commerce. À partir de 2002, le groupe travaille sur un projet initial qui pourrait permettre, à terme, de mettre à disposition les ressources qui ne sont pas utilisées. En 2006, le service Amazon Elastic Compute Cloud (Amazon EC2) est lancé. Amazon ouvre ainsi ses ressources à l’extérieur et les loue. Le cloud correspond donc à l’externalisation de tout le traitement informatique vers des centres de données (data centers) qui sont opérés par des acteurs spécifiques.
Comment fonctionne le cloud ?
AL : Le cloud peut se décliner comme la rencontre du monde de l’internet avec le monde du calcul informatique. Il existe d’ailleurs trois déclinaisons principales du cloud, à savoir l’IaaS (Infrastructure-as-a-service), le PaaS (Platform-as-a-service) et le SaaS (Software-as-a-service). L’IaaS gère le matériel brut des entreprises à travers des machines virtuelles, c’est-à-dire des machines à distance accessibles par internet. Le leader en la matière est Amazon. Le PaaS est en général destiné aux développeurs : il fournit des outils logiciels et matériels pour le développement et le déploiement de services numériques. Les utilisateurs de ce système ont cependant la responsabilité de gérer leurs applications et leurs données. Windows Azure et Google PAAS sont en l’occurrence des fournisseurs de PaaS. Quant au SaaS, il fournit des services libres comme Gmail, Google Maps, Google Docs, ou des services payants tels que Microsoft Office. Spotify et Netflix sont d’autres exemples de SaaS que nous utilisons au quotidien.
Auparavant, les utilisateurs géraient eux-mêmes l’ensemble de leurs données. Avec le cloud, il est désormais possible d’externaliser cette gestion auprès de prestataires.
Quels sont les usages possibles du cloud ?
AL : Le cloud offre du temps d’accès à des ressources de calcul et de stockage permettant de traiter l’information en grande quantité, et favorisant l’utilisation d’algorithmes d’intelligence artificielle (IA). Cependant, les usages envisagés comme la réalité augmentée ou les villes intelligentes sont confrontés à des problèmes de latence. Il y a des avantages économiques à réduire ces temps pour accéder aux centres de données déployés. Dans cette optique, une transition est en cours. Elle consiste, une fois de plus, à décentraliser le modèle du cloud afin de déployer des centres de données qui sont de plus petites tailles, mais plus proches des utilisateurs.
Le cloud offre donc plus de flexibilité et de simplicité en facilitant le partage des données dans le secteur de la mobilité, mais aussi de l’énergie et de l’industrie.
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Quels sont les défis à relever pour le cloud ?
AL : Un enjeu important du cloud est le contrôle des usages des données par les entreprises. Pour ce faire, il faut créer des réseaux fiables. Dans cet écosystème, le niveau de confiance est primordial. Le cloud a donc besoin d’une infrastructure évolutive, flexible, transparente, sécurisée et fiable.
L’edge computing correspond à la gestion des données en périphérie de réseau. Il permet de rapprocher les utilisateurs-clients des fournisseurs de service cloud stockant les données, par l’installation de serveurs de proximité installés localement auprès des utilisateurs finaux. Cela réduit du même coup les difficultés de latence et le contrôle des données stockées dans les data centers des hyperscalers (les géants du cloud comme Amazon, Google Microsoft). Cette proximité avec les utilisateurs finaux est l’un des fondements du cloud de confiance.
Quels sont les projets en cours sur le cloud ?
AL : Il y a notamment l’initiative à l’échelle européenne Gaia-X. C’est une association créée en 2020 visant une interopérabilité entre les cloud de différents secteurs et de différentes entreprises. Son enjeu est la création d’un espace de données pour faciliter leur partage et leur circulation en Europe.
L’open source est aussi fondamental et demeure un axe important pour transférer les derniers résultats de recherche. De nombreux acteurs académiques travaillent dessus, comme l’IMT ou l’Inria. On peut citer notamment les logiciels Open-Stack ou encore Kubernetes, qui doivent s’adapter au processus d’expansion lié à l’edge computing. Ils permettront de mettre en place un orchestrateur pour chaque partition du réseau et des centres de données. Ainsi, les utilisateurs pourront décider comment mieux gérer leurs données et où les stocker puisqu’ils pourront le faire à proximité. Il sera potentiellement possible de stocker ses données directement dans sa box internet ou dans un autre appareil connecté suivant le modèle de l’internet des objets (IoT en anglais).