Une bourse ERC est un financement important pendant cinq ans. Comment ces fonds permettent-ils concrètement de vous aider à développer un projet de recherche ?
PB : D’abord, une bourse ERC signifie que pendant quelques années nous ne perdons plus de temps à chercher de l’argent. C’est un gros confort pour un chercheur qui doit en permanence faire des demandes de financement pour mener ses travaux. Concrètement pour mon projet, la bourse a permis de recruter trois doctorants et trois post-doctorants. C’est toute une équipe qui se monte, et qui permet d’avoir plus de force de recherche. Dans notre discipline, il y a également beaucoup d’expériences impliquant des outils et appareils coûteux. La bourse permet de s’équiper avec du matériel de pointe et de monter les expériences que l’on souhaite.
SA : C’est similaire pour moi : nous avons pu embaucher neuf post-doctorants sur Biolochanics. Ça représente une équipe de recherche conséquente. Le confort financier permet aussi de dédier du temps au ressourcement scientifique et aux collaborations. J’ai pu faire des séjours d’un à deux mois chaque année à l’université de Yale, aux États-Unis, où il y a également une très bonne équipe en biomécanique spécialisée de l’aorte, dirigée par Jay Humphrey.
Comment la responsabilité d’un projet financé par une bourse ERC impacte-t-il votre vie de chercheur ?
SA : C’est beaucoup de temps passé à manager, à organiser. C’est exigeant mais on perçoit directement les retombées pour le laboratoire. C’est du temps qui est bien investi, et c’est principalement ce qui change avec le temps que l’on pourrait passer par ailleurs à chercher des financements, où l’impact est plus incertain. C’est aussi beaucoup de reconnaissance pour les travaux. En tant que chercheurs, nous sommes plus sollicités, et nous recevons des invitations qui n’auraient probablement pas eu lieu sans l’ERC. En matière d’interactions internationales, c’est un apport significatif.
À l’approche de la fin des projets — fin décembre pour vous Stéphane, et fin octobre pour vous Pierre — comment envisagez-vous la suite de vos recherches ?
PB : Pour l’instant nous sommes à fond ! Nous avons encore plusieurs articles scientifiques en cours de rédaction. Le projet se termine officiellement à l’automne, donc je me remets progressivement à chercher des financements. Par exemple j’ai un projet local qui va débuter sur la rupture de tissus mous pour la réparation des parois abdominales, financé par la région Rhône-Alpes, le CHU de Lyon, l’Insa Lyon, et Medtronic. Mais les prochains mois resteront encore très chargés sur la fin du projet Aartemis.
SA : Pendant l’ERC, nous avons peu de disponibilités pour lancer et coordonner d’autres projets. Durant les cinq dernières années, j’ai plutôt eu comme approche de monter dans des trains sans les conduire. Cela se traduit par des associations avec d’autres partenaires académiques pour déposer des projets mais sans être leader. Récemment, l’un de ces projets a été accepté sur financement d’une action Marie Curie International Training Network, qui sont des financements européens pour le recrutement de cohortes de doctorants. Le laboratoire participe ainsi à l’encadrement de 6 thèses sur le jumeau numérique pour les anévrismes de l’aorte qui démarrent au printemps 2020. De plus, je compte profiter de la fin de ce projet pour aller voir ce qui se fait ailleurs dans mon champ de recherche. Pendant un an, j’aurai un poste de professeur invité à l’Université Technique de Vienne en Autriche. C’est important aussi de se donner du temps dans une carrière pour s’ouvrir, et nouer des liens avec des homologues.
[1] Le laboratoire Sainbiose est une unité mixte de recherche Mines Saint-Étienne/Inserm/ Université Jean Monnet