Le cinéma 3D sous l’œil des chercheurs

Tous nos écrans seront-ils un jour 3D ? Avant d’en arriver là, il faut d’abord faire en sorte que tout le monde supporte bien les images en relief. Or, la vision de films en 3D peut provoquer une fatigue visuelle et inconfort chez certains spectateurs. Le projet ANR 3D Confort et Acceptabilité, présenté le 27 mars 2015 lors du festival Filmart à Hong Kong, a analysé l’impact du cinéma 3D sur les individus. L’observatoire 3D-Fovea (Télécom Bretagne), spécialisé dans les problèmes d’acceptabilité de la vision binoculaire, a mené une étude clinique centrée sur les personnes à risque.

 

Mettez un doigt devant vos yeux. Lorsque vous clignez un oeil après l’autre, vous pouvez remarquer un léger décalage de position. Vos deux yeux ayant des positions différentes, ils ne perçoivent pas la même image. C’est le cerveau qui se charge ensuite de les comparer et de les fusionner. Pour recréer une vision en 3 dimensions, la technique la plus courante consiste donc à projeter deux images différentes, une pour chaque oeil, pour faire croire au cerveau qu’il y a du relief (stéréoscopie).

Le problème, c’est que cette stimulation artificielle du système oculomoteur peut générer des conflits entre deux mécanismes oculomoteurs : la convergence et l’accommodation, surtout quand la 3D est de mauvaise qualité. Et ceci en particulier chez les personnes ayant des pathologies visuelles, comme par exemple un strabisme latent : l’effort peut entraîner une fatigue visuelle voire des maux de tête et des nausées et in fine une décompensation de ce strabisme.

Évaluer l’impact des contenus 3D sur les personnes à risque

« Nous ne sommes pas tous égaux du point de vue de la vision, explique Jean-Louis de Bougrenet, Professeur à Télécom Bretagne et responsable de l’Observatoire 3DFovéa. On savait que 5% de la population a une déficience binoculaire et ne perçoit pas la 3D, et que 15% a une perception binoculaire moyenne mais perçoit tout de même le relief et la 3D. Le rôle du projet ANR 3D Confort et Acceptabilité était d’aller au-delà de ces évaluations grossières pour mieux comprendre les déficiences visuelles qui mènent à ne pas percevoir la 3D ou à un inconfort et surtout quelles étaient les types de pathologies les plus concernées. »

Dans le cadre du projet, son équipe de l’observatoire 3D-Fovea a donc analysé l’impact du cinéma 3D sur la population et en particulier sur les personnes atteintes de pathologies visuelles. L’objectif : faire une analyse qualitative pour évaluer précisément l’impact de ces déficiences visuelles sur la vision 3D et émettre en conséquence des recommandations sur les règles de scénarisation des effets 3D et sur les technologies support, basées sur le confort de l’utilisateur.

« Sur un échantillon de 102 patients, on a analysé toutes les pathologies possibles pour lesquelles la 3D pouvait avoir un impact plus ou moins fort : amblyopes, strabiques… » Ces patients à risque ont été soumis à des tests d’orthoptie innovants dans des conditions d’exposition proches de la projection 3D stéréoscopique réalisés par la société Orthoptica. Avaient-ils perçu la 3D ? Avaient-ils ressenti des vertiges, une sécheresse oculaire, un dédoublement de vision ? Les chercheurs ont aussi fait d’autres études statistiques, notamment lors du festival de Cannes, via un questionnaire sur le confort visuel.

Des recommandations déjà appliquées par les fabricants de films 3D

Suite à cette étude, les chercheurs ont émis des recommandations, qui sont actuellement appliquées, comme l’usage d’une 3D plus soft et de technologies adaptées, comme des lunettes actives plutôt que passives. Au cinéma, il est possible de conserver des effets de saillance importants, mais « on diminue la durée et l’amplitude de ces effets et la façon dont ils sont menés, pour amener la 3D de manière confortable. »

En revanche, la 3D pose problème dans d’autres domaines, comme la TV et les jeux vidéo 3D, où les utilisateurs peuvent eux-mêmes amplifier les effets 3D, sans surveillance. « Aujourd’hui, on traite un autre sujet de plus grande inquiétude : les lunettes à réalité augmentée, qui présentent un vrai risque, ajoute Jean-Louis de Bougrenet. Elles modifient les capacités du système oculomoteur, ce qui peut créer des troubles oculomoteurs lors du retour à la vision réelle. Comme toujours, la technologie et le business précèdent les études d’impact. » D’où la nécessité d’analyses qualitatives poussées, comme celles du projet 3DCA.

[box type= »shadow » align= »aligncenter » class= » » width= »90% »]L’observatoire 3D Fovea est une plateforme commune à Télécom Bretagne et au département d’ophtalmologie du CHRU de Brest, dans le cadre de l’unité INSERM LatiM U1101, qui regroupe des ophtalmologues, des opticiens et des professionnels de la 3D. L’observatoire était partenaire du projet ANR 3D Confort et Acceptabilité, piloté par la société française 3Dlized.[/box]

En savoir + sur le projet 3DCA
En savoir + sur l’observatoire 3D-Fovea

1 réponse
  1. Solange dit :

    Bonjour,

    Merci pour cette article sur l’amblyopie, vous rédigez vraiment bien 😉
    Je dois d’ailleurs consulter chez Revital Vision.

    Bonne journée

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