Publié le 30 janvier 2025
Le projet Dymitria, mené par des chercheurs d’IMT Nord Europe, s’attèle à quantifier la pollution locale en microplastiques et à mieux comprendre ses transferts dans l’environnement. Ce projet intégré à un consortium de projets nationaux contribue également à l’harmonisation des méthodes d’analyse.
Microplastiques observés à la loupe binoculaire dans le cadre du projet Dymitria
Dimanche 2 décembre 2024, les 175 pays réunis pour les négociations du Traité mondial contre la pollution plastique se sont quittés sans parvenir à un accord. Faute de consensus sur la question de la réduction de la production, les pourparlers devront se poursuivre en 2025. Cette session de discussions devait pourtant être la dernière. En mars 2022, ces pays avaient adopté, sous l’égide des Nations unies, l’objectif d’aboutir d’ici fin 2024 à un premier traité juridiquement contraignant pour éradiquer la pollution plastique. Et avec elle, le danger qu’elle représente pour l’environnement, le climat et la santé humaine.
En parallèle, la réalité sur le terrain montre l’urgence d’agir. En France comme ailleurs, la pollution aux microplastiques est bien présente, dans les sols, les eaux et même dans l’air. Ces microplastiques sont définis par le programme de l’ONU pour l’environnement (Unep) comme des particules de plastique mesurant moins de 5 millimètres. Ils proviennent de la fragmentation de déchets plastiques plus grands, ou d’une libération directe de produits en contenant, comme les fibres textiles ou les granulés industriels. Ils sont invisibles à l’œil nu pour les plus petites particules.
Claire Alary, chercheuse en géosciences au centre d’enseignement, de recherche et d’innovation Matériaux et procédés (CERI MP) d’IMT Nord Europe, et Mel Constant, ingénieur de recherche à IMT Nord Europe, s’y intéressent au travers du projet Dymitria, lancé en novembre 2022, et financé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’Office français de la biodiversité (OFB) pour une durée de 3 ans.
Ses objectifs sont multiples. Le premier : quantifier la pollution aux microplastiques et en comprendre les dynamiques de transfert entre les différents milieux. Les sols, les poussières atmosphériques, les eaux et boues d’une station de traitement des eaux usées, les cours d’eau, leurs sédiments et leurs entrants majeurs (déversoirs d’orage, exutoires pluviaux et rejets de station d’épuration) sont concernés. Mais son autre ambition est aussi de participer à l’harmonisation de la méthodologie de ce type d’études. Le projet se répartit entre les études de métrologie en région parisienne et la quantification en Hauts de France ; en milieu urbain dans le bassin versant de la Scarpe – aux alentours de Douai – et en milieu rural dans le bassin versant de la Planquette.
Après 2 ans de travaux, les premiers résultats commencent à tomber. Les sols, pour commencer, sont contaminés. Des fragments de plastiques de taille supérieure à 1 mm (Large microplastics, ou LMP) ont été retrouvés dans 88 % des échantillons ruraux du sol du petit bassin versant agricole de la Planquette, et dans 100 % des échantillons urbains de Douai. Et ce, malgré les petites surfaces échantillonnées. Dans l’eau aussi, les concentrations s’échelonnent d’un à plusieurs dizaines de LMP par m3. Et même l’air n’est pas exempt de cette pollution, puisque les microplastiques, très légers, peuvent être portés par les vents. Des fibres synthétiques ont ainsi été retrouvées dans tous les échantillons analysés jusqu’ici.
Au total, 300 échantillons seront analysés. Et s’il leur reste beaucoup à faire, les premières tendances montrent que la concentration de LMP est plus conséquente en milieu urbain qu’en milieu rural, en cohérence avec la différence de densité de population et d’usage de ces lieux.
« Ce ne sont que des résultats préliminaires, tempère Claire Alary, mais cette omniprésence suggère l’existence d’une contamination de fond non négligeable ». D’autant moins négligeable que le ministère de la Transition écologique a qualifié cette pollution comme « une problématique mondiale aux conséquences néfastes pour la santé humaine et l’environnement ».
Méthodes d’échantillonnage : sédiments, eau et air.
Pour arriver à ces résultats, les méthodes d’échantillonnage et d’analyse ont leur importance. En particulier en regard de la volonté d’harmonisation des méthodologies portée par le financeur, l’Ademe.
Les techniques varient pour s’adapter au milieu étudié. Les sédiments des rivières sont prélevés sur place par les chercheurs, à l’aide d’une petite mâchoire mécanique, ou benne à sédiment. Des carottages sur une dizaine de centimètres permettent de prélever les sols. Dans les eaux, des filets piègent les particules en suspension. Enfin, des collecteurs, sortes d’entonnoirs montés sur des récipients de collecte, captent les microplastiques qui s’y déposent après avoir été portés par les airs.
Les échantillons sont ensuite traités en laboratoire. Les LMP sont triés par tamisage, mesurés et classés en six catégories : les fibres, les fragments, les films, les mousses, les billes et les granulés. Tandis que les particules de taille inférieure à 1 mm (small microplastics, SMP) sont séparées par densité avant de subir un traitement chimique et d’être observées au microscope.
Les deux types de particules font également l’objet d’une analyse infrarouge afin de déterminer leur composition chimique. Grâce à une bourse européenne, Mel Constant a eu l’opportunité de se rendre à l’Université d’Aalborg, au Danemark. Dans ses bagages, les échantillons de microparticules de moins de 300 μm, afin de tester d’autres protocoles de traitement et d’analyse.
Ces considérations méthodologiques font partie intégrante du projet Dymitria. En effet, il n’existe pas à ce jour de cadre normatif et réglementaire pour le suivi et l’évaluation des microplastiques. Il en résulte une diversité de méthodologies qui pose un problème pour la comparaison des données. Pour impulser une dynamique nationale, l’Ademe et l’OFB financent depuis décembre 2022 quatre projets de recherche, dont le projet Dymitria fait partie. Une synthèse sur la métrologie sera rédigée à cet effet avec l’Ademe.
L’équipe compte bien publier ses travaux une fois achevés, et participe déjà activement à la sensibilisation du public sur le sujet, notamment pendant la Fête de la science. Un sujet majeur, puisque les microplastiques retrouvés dans la terre que nous cultivons, l’eau que nous buvons et même l’air que nous respirons finissent dans nos corps. Avec des effets nocifs sur la santé encore mal compris.
Valérie Forest, d’une volonté d’être utile à une reconnaissance mon...