Lancé en octobre 2023 à Nantes pour une durée de 4 ans, « le projet COCPIT ambitionne de délivrer un outil d’aide à la décision pour la production de biocarburants », présente Sary Awad, coordinateur du projet à IMT Atlantique. « Le cockpit d’un avion représente le centre d’ordre, de décision, et de pilotage : le nom du projet fait référence à cette volonté de créer une sorte de tour de contrôle et de décision sur la chaîne de production », poursuit le chercheur.
Les biocarburants constituent depuis 2010 une solution alternative aux carburants fossiles dans le secteur de l’aviation. Les processus d’électrification demeurent non envisageables en aviation pour des contraintes économiques et techniques. Développer un biocarburant renouvelable performant représente donc une voie privilégiée de décarbonation. « Notre objectif est de réduire de 5 à 10 % l’empreinte carbone des biocarburants utilisés aujourd’hui, en jouant sur la circularité du système », fait remarquer Sary Awad.
« L’outil d’aide à la décision ne représente en effet qu’un des objectifs de COCPIT », souligne Julien Prud’homme, chargé des projets européens de recherche à IMT Atlantique. Pour le mettre au point, il faudra d’abord construire des jeux de données sur la production de microalgues. Pour ce faire, les chercheurs élaborent plusieurs scénarios prospectifs basés sur des infrastructures et territoires différents. Ils étudient également l’implémentation d’une approche circulaire.
Dans l’élan de transformation des systèmes énergétiques pour supprimer les énergies fossiles à l’horizon 2050, l’utilisation de biocarburants issus de microalgues est « prometteuse aussi bien au niveau de leur productivité que de leur non-compétition avec la production alimentaire », pointe le chercheur. Il ajoute que « la circularité vient en ce sens essayer de minimiser au maximum les besoins en eau, en nutriments, en énergie, ainsi que les quantités des coproduits qui sortent de ce système avec pour ambition de créer une bioraffinerie. »
La méthode et le processus de COCPIT
Sary Awad explique en détails la méthode du projet COCPIT : « Dans un premier temps, le but est de pousser les limites des systèmes de production pour maximiser les flux de matière et d’énergie. Et dans un second temps, nous travaillerons sur les effluents biogéniques existants sur le territoire d’implémentation du système de production de biocarburants. » C’est là qu’entre en jeu la dimension circulaire du projet, en valorisant l’ensemble des résidus. « C’est à ce stade que l’outil d’aide à la décision prend tout son intérêt », indique le chercheur. Il permettra en effet d’aider non seulement au pilotage de la production, mais aussi de la valorisation des coproduits, en s’adaptant aux problématiques des territoires.
Les étapes du processus permettront d’aboutir à des résultats exploitables directement par l’utilisateur final comme le détaille Julien Prud’homme. « Il y a plusieurs étapes dans la production du biocarburant. D’abord, la production des microalgues. Ensuite vient l’extraction des lipides et des protéines. À ce niveau, nous voulons développer de nouvelles solutions d’extraction qui soient plus respectueuses de l’environnement. La troisième étape est celle de la transformation dans laquelle nos chercheurs travailleront sur les différents procédés. La phase de raffinage sera réalisée avec nos partenaires de l’Université d’Aalborg. Tout ceci aboutira à la certification des biocarburants qui respectent les standards établis par l’Union européenne. Et enfin il y a une phase de test. »
Dans quelles zones géographiques le projet sera-t-il implanté ? Avec quels gisements de microalgues ? Ce sont autant de questions qui définiront les scénarios traités dans ce projet. Sary Awad précise que « cela conduit à des configurations aussi bien centralisées que décentralisées, pour faire ressortir les différents cas de figure. Il y aura d’ailleurs une douzaine de critères environnementaux, sociaux et économiques sur lesquels nous baserons la décision comme le coût de production, le prix du gisement, l’empreinte carbone et la création d’emplois. »
Créer une marketplace et rassurer les investisseurs
Au-delà de la production, COCPIT vise à délivrer des résultats pour aider les acteurs de la filière, dont une marketplace. « Il s’agit d’une plateforme sur laquelle les investisseurs et les personnes intéressées par le développement de biocarburant à partir des microalgues viendront voir les différents résultats », explicite Sary Awad. Il sera par exemple possible de faire des essais et de consulter les résultats directs du projet. Les utilisateurs pourront y trouver des outils d’aide à la décision et à la conception de réacteurs, mais aussi les résultats liés au réacteur de production de microalgues qui est assez innovant, car il maximise l’utilisation de l’énergie solaire.
COCPIT est destiné aux investisseurs et aux producteurs, avec pour ambition de les rassurer face aux difficultés qui demeurent. Pour Julien Prud’homme, « il y a donc véritablement un challenge à démontrer la viabilité de cette approche basée sur les microalgues. C’est aussi l’objet de COCPIT, à savoir convaincre les acteurs que la voie des microalgues est très pertinente en termes de fiabilité, de viabilité économique et opérationnelle. »
Des verrous à lever
Comme l’évoque Sary Awad, « il y a différents obstacles. La culture des microalgues peut être assez coûteuse. Néanmoins, dans ce projet, nous essayons de faire un système intensifié qui fait pousser 10 fois plus d’algues dans le même volume d’eau. Cela réduit largement l’empreinte en eau du système et surtout l’énergie nécessaire pour séparer ces microalgues du milieu de culture. »
D’autres difficultés existent, notamment l’association des microalgues avec les produits pétroliers pour faire du coraffinage. Les essais ont montré qu’il n’y a pas suffisamment de volumes nécessaires pour produire une installation qui soit rentable. Pour y faire face, COCPIT mise sur de grandes productions de microalgues sur des rayons un peu plus larges pour centraliser le raffinage de correspondance et rentabiliser l’installation.
Sary Awad met en avant l’intérêt du projet aussi bien pour le secteur aérien que maritime. En fonction du besoin du marché à un moment donné, il sera ainsi possible de fournir plus de carburant maritime ou plutôt du carburant pour l’aviation. La mise en place d’une chaîne de production moins coûteuse en énergie, plus respectueuse de l’environnement, plus rentable pour les investisseurs, ainsi que l’instauration d’un marché de valorisation des coproduits est le défi à relever par le projet COCPIT.