En prévention, éviter les déchirements lors de l’accouchement
Dans la majorité des cas, l’accouchement est une cause directe ou indirecte de l’apparition des dysfonctions du périnée. La mise à disposition, au moment de l’accouchement, d’outils prédictifs qui permettent d’éviter les traumatismes représente une piste prometteuse.
Les accouchements par voie basse génèrent des sollicitations mécaniques multiaxiales au sein des tissus du périnée, liées au passage du bébé ou aux efforts de poussée. Ces sollicitations entraînent de larges étirements des tissus constituant le périnée et peuvent conduire à des lacérations ou déchirements.
Ces déchirements correspondant à des ruptures des tissus entre le vagin et l’anus. Ils sont courants et surviennent dans 90 % des accouchements par voie basse. Toutefois, ils n’atteignent pas toujours le même niveau de gravité. Ils peuvent atteindre les zones motrices du périnée, comme le sphincter anal par exemple, qui est un muscle responsable de la continence.
En prévention, les praticiens peuvent procéder à des manœuvres, appelées manœuvre de Couder, qui permettent de relaxer manuellement le tissu trop étendu ou à des épisiotomies préventives. Ces dernières sont des incisions qui permettent de relâcher les tensions des tissus tout en contrôlant la localisation des déchirures.
Toutefois, cette technique peut s’avérer contre-productive si des incisions sont réalisées alors qu’aucune déchirure n’aurait eu lieu. La décision de réaliser ou non l’épisiotomie peut dépendre des directives des établissements de soins ou de l’interprétation du médecin basée sur son expérience.
C’est dans le cadre de cette problématique précise qu’il est possible d’améliorer la prise en charge des patientes. En effet, fournir aux médecins un outil leur permettant de prédire l’apparition ou non d’une déchirure dans les tissus permettra une meilleure prise de décision grâce à une analyse plus fine de la situation.
Mesurer l’élasticité, la vascularisation ou l’intégrité des tissus
Dans ce contexte, un consortium européen, porté par l’IMT Mines Alès et unissant, pour la partie française, des praticiens (CHU Nîmes, CHU Lille, APHM Marseille, CHU Besançon) et des chercheurs de différents laboratoires (SAINBIOSE, CDM, FEMTO, LMGC, LMA, LaM Cube), mais aussi des PME européennes, se met en place afin de proposer un outil prédictif aux praticiens.
Pour le développement d’un tel outil, de nombreuses technologies, déjà utilisées ou non dans le domaine médical, vont être testées. Leur applicabilité aux contraintes de l’accouchement va être vérifiée et une possible corrélation entre les résultats de ces mesures et le risque de déchirement va être établie.
Parmi ces technologies, on retrouve les ultrasons à ondes de cisaillement, qui sont particulièrement utilisés pour mesurer l’élasticité des tissus. On a recours à cette technique pour étudier à quel point des tissus sont endommagés. Mais pour l’heure, les résultats obtenus restent préliminaires.
L’étude de la vascularisation des tissus pourrait également permettre d’estimer leur état. En effet, un tissu très étiré devient blanc (le sang ne passe plus) avant de rompre. Ainsi, une détection fine dès la diminution du flux sanguin du périnée permettrait d’alerter sur un risque de rupture. De telles mesures pourraient être possibles par des mesures infrarouges, qui sondent localement les variations de température.
En effet, il existe un lien entre température et flux sanguin, que l’on retrouve par exemple dans les phénomènes d’inflammation : un afflux de sang important conduit à une augmentation locale de la température (c’est pour cela que l’on ressent un échauffement lorsque l’on se coupe). Les mesures infrarouges sont déjà utilisées dans le domaine médical, pour les mesures d’oxygénation du cerveau par exemple.
Des déchirures pouvant avoir lieu en interne, et donc invisibles, peuvent également causer des lésions des nerfs. Le bon fonctionnement de ces derniers se mesure par électrostimulation. Ainsi, l’utilisation de cette technique peut permettre de vérifier l’intégrité des nerfs et donc de déceler de potentielles lacérations internes.
Ensuite, des modifications au sein de la microstructure des tissus, par exemple l’apparition de minuscules trous à l’intérieur de la matière, ou la rupture de microfibres invisibles, sont les prémices des déchirements. Dans le domaine de la mécanique des matériaux, on parle d’endommagement.
Il n’existe à ce jour aucune technique permettant de mesurer l’endommagement d’un tissu de manière rapide et indolore pour les patients. Toutefois, des travaux de recherche portés par IMT Mines Alès ont permis de développer un dispositif dit d’indentation qui consiste à enfoncer légèrement un embout sphérique dans la peau et les tissus sous-jacents afin de mesurer la réponse mécanique de matériaux mous. Le dispositif a déjà été testé sur matériau synthétique, sur de la viande et a été validé grâce à des modèles numériques.
De belles innovations en perspective pour le bien-être de toutes et tous
Ainsi, l’ensemble de ces techniques sera testé dans le cadre de l’accouchement, afin de comparer les mesures à l’apparition ou non de déchirures. Un modèle prédictif, basé sur l’analyse de ces données, sera ensuite réalisé afin d’estimer le risque de déchirure à partir de mesures faites en salle d’accouchement.
Ce projet fait l’objet d’une demande de financement EIC Pathfinder auprès du programme européen pour la recherche et l’innovation.
En conclusion, de belles innovations sont en perspectives afin d’améliorer le bien-être des femmes via la diminution des dysfonctions du plancher pelvien. Il est également intéressant de noter que 16 % des hommes sont aussi touchés par ces dysfonctions. Ainsi, le développement de technologies nouvelles de suivi pourra profiter à une grande partie de la population, pour un impact sur la santé globale.