I’MTech dédie une série de belles histoires à la recherche partenariale soutenue par le Carnot Télécom & Société numérique (TSN), dont IMT Atlantique est l’une des composantes.
Quel est le rôle de la plateforme OMNI ?
Nicolas Jullien : Structurellement, OMNI est rattachée au groupement d’intérêt scientifique M@rsouin, qui réunit les quatre universités de Bretagne, ainsi que des grandes écoles de la région, et depuis peu les trois universités des Pays de la Loire*. Ce réseau-là est au service d’une ambition régionale depuis 15 ans, celle d’avoir un outil de recherche et d’études sur les TIC, sur internet, et plus généralement ce que nous appelons aujourd’hui le numérique. OMNI, c’est la capacité de ce réseau de recherche à proposer des études de l’impact du numérique sur la société. La plateforme met autour de la table des praticiens, des chercheurs, et problématise les grandes questions que peuvent se poser des organisations publiques ou privées. Elle met ensuite en place des programmes de collecte et d’analyse d’informations pour répondre à ces questions. Nous pouvons réaliser, selon les besoins, des enquêtes par questionnaire — des études quantitatives — ou par entretien — ce sont des études plutôt qualitatives. Nous garantissons aussi la confidentialité des réponses, ce qui est évidemment important dans le cadre du RGDP. C’est surtout un gage de neutralité entre l’acteur qui souhaite récolter des informations et les acteurs enquêtés.
OMNI est donc une plateforme de mise en relation, de structuration de la recherche ?
NJ : Oui, en fait OMNI est tout aussi âgée que le GIS M@rsouin, et elle correspond à la partie qui vient avant la phase de recherche à proprement parler. Si une organisation se pose des questions sur le numérique et son impact, et veut travailler avec les chercheurs de M@rsouin pour collecter et analyser de l’information afin d’y répondre, elle passe par OMNI. Nous l’aidons à poser le problème, à exprimer ses besoins ou même à les identifier. Nous étudions alors s’il y a un réel intérêt de recherche sur la question. Si c’est le cas, nous mobilisons les chercheurs de M@rsouin pour définir les questions et le protocole de collecte d’information le plus adapté, et nous réalisons la collecte et l’analyse.
Quelles sont les compétences scientifiques que vous pouvez mobiliser ?
NJ : M@rsouin compte plus de 200 chercheurs en sciences humaines et sociales. Les thématiques de travail vont de l’e-gouvernement à l’e-éducation, en passant par les sujets d’inclusion sociale, d’emploi, de consommation, de modèle économique, de fonctionnement des organisations et du travail. Les disciplines sont très variées, et nous permettent d’avoir une approche très complète de l’impact du numérique sur une organisation, sur une population, sur un territoire… Nous comptons des chercheurs en sciences de l’éducation, en ergonomie, en psychologie sociale ou cognitive, en sciences politiques, et bien sûr des économistes et des sociologues. Mais nous avons aussi des disciplines qui sont peut-être plus surprenantes pour le grand public mais tout aussi importantes dans l’étude du numérique et de ses impacts. C’est le cas de la géographie, de l’urbanisme, des sciences de gestion et des juristes, très impliqués depuis la prise de conscience massive de l’importance des données personnelles.
Le lien entre numérique et géographie peut surprendre. À titre d’exemple, quel est l’apport d’un géographe sur la question du numérique ?
NJ : La question que pose le numérique c’est aussi celle de l’accès aux ressources en ligne. Or le géographe s’intéresse tout particulièrement au rapport entre l’humain, ses ressources et son territoire. Intégrer la géographie permet d’étudier le lien entre le territoire et la consommation des ressources numériques, voire de questionner plus radicalement la pertinence du territoire physique dans les études d’influence d’internet. C’est aussi une discipline qui permet de regarder certains facteurs favorisant l’innovation. Peut-on innover partout en France ? Quelle est l’influence d’un territoire urbain ou rural sur l’innovation ? Ce sont des questions que se posent particulièrement les chambres de commerce et d’industrie, les régions, ou des organisations comme la FrenchTech.
Pourquoi ces organisations viennent-elles vous voir ? Que cherchent-elles dans un partenariat avec un groupement d’intérêt scientifique ?
NJ : Je dirais que les partenaires viennent chercher du recul. Ils veulent des questions originales, ou un point de vue, une expertise, qui soit pointue sur des domaines complexes. En travaillant avec des chercheurs, ils se forcent à bien poser leur problème, à ne pas forcément chercher des réponses tout de suite. Nous avons cette capacité de leur apporter la respiration qu’ils cherchent. Mais nous ne pouvons le faire que si nos chercheurs peuvent faire des propositions et s’impliquer dans les problématiques des partenaires. Nous proposons des services, mais nous ne sommes pas un cabinet de conseil : notre objectif reste de proposer une valeur ajoutée de recherche.
Un exemple de partenariat ?
NJ : En 2010 nous avons débuté un partenariat avec SystemGIE, une entreprise qui assure l’intermédiaire entre des grandes entreprises et des petits fournisseurs. Elle gère l’insertion de ces fournisseurs dans les procédures d’achat ou de production des grands comptes. C’est un placement assez délicat : il faut comprendre la stratégie des fournisseurs et des grandes entreprises, les outils et les processus à mettre en place… Nous avons accompagné SystemGIE dans la définition de son modèle économique, qui était atypique. C’est de la recherche appliquée parce que nous essayons de comprendre où est la valeur, et le rôle que joue le numérique pour structurer ces acteurs. C’est un exemple de partenariat avec une entreprise. Après, notre plus gros partenaire reste la région Bretagne. Nous venons de finir une enquête avec elle sur les artisans. Les questions posées étaient les suivantes : comment les artisans utilisent-ils le numérique ? Et comment leur présence en ligne influence leur activité ?
Qu’est-ce que la labellisation Carnot apporte à OMNI ?
NJ : C’est d’abord une reconnaissance de notre expertise et de notre pertinence pour les organisations. Ensuite c’est une meilleure visibilité au niveau institutionnel national, ce qui nous permet de renforcer nos partenariats avec les organisations publiques à l’échelle du pays. Et c’est également une meilleure visibilité auprès des acteurs privés. Cela nous permettra de développer de nouveaux partenariats à l’échelle nationale avec des entreprises sur des thématiques de numérisation de la société et d’industrie du futur.
*Les membres de M@rsouin sont : Université de Bretagne Occidentale, Université de Rennes 1, Université de Rennes 2, Université de Bretagne Sud, IMT Atlantique, ENSAI, ESPE de Bretagne, Sciences Po Rennes, Université d’Angers, Université du Mans, Université de Nantes.