Il y cinq ans, Benjamin Dupas lançait seul sa structure, Wallace Technologies. Aujourd’hui, il est épaulé par Pauline Chanin Lambert, qui occupe le poste de directrice générale. Ensemble, ils ont connu les bancs du lycée Jean Zay de Thiers, avant de se retrouver en 2022 sur un contrat de recherche à Mines Saint-Étienne où la start-up est incubée.
À l’origine, ce projet résulte d’un impératif : celui de s’affranchir des contraintes énergétiques de notre temps. Mais le chemin de la transition énergétique est parsemé de nombreuses problématiques, dont celle de stocker suffisamment d’énergie. « La production d’électricité n’est pas égale à la consommation à l’instant T, et avec la production d’énergies renouvelables, il est de plus en plus nécessaire de stocker cette énergie, pour la redélivrer lorsque l’on en a besoin », déclare Pauline Chanin Lambert.
En effet, les énergies renouvelables sont de plus en plus présentes dans notre société, mais elles peinent encore à approvisionner durablement les grands réseaux énergétiques. « Nous sommes tributaires du vent et du soleil pour les produire, donc pour assurer la stabilité du réseau, il faut stocker cette l’énergie » précise-t-elle. C’est dans ce contexte que Wallace technologies a développé une solution de stockage très efficace.
La batterie thermique, un système-solution
L’innovation de la start-up réside dans l’utilisation de sa batterie thermique qui est particulièrement performante. La batterie fonctionne à la manière d’un modèle « Carnot », c’est-à-dire que l’électricité y est stockée sous forme de chaleur, à une température qui peut atteindre les 650 °C. Il est alors possible, dans un second temps, de reconvertir cette énergie thermique en électricité. Contrairement aux batteries traditionnelles composées de lithium, la batterie de Wallace Technologies repose sur la fonte d’aluminium.
Elle est composée de trois éléments, trois briques technologiques qui, une fois mises en commun, permettent de stocker l’énergie : un convertisseur électricité-chaleur, une boucle de transfert thermique, et un réservoir en aluminium. L’électricité récupérée passe d’abord dans le convertisseur électricité-chaleur, qui fonctionne grâce à un moteur Stirling. À l’intérieur, l’électricité est transformée en chaleur. La boucle de transfert amène ensuite les calories dans le réservoir, afin de faire fondre l’aluminium du réservoir, le transformant à l’état liquide. Pour récupérer l’électricité qui est sous forme de chaleur, l’aluminium est refroidi pour retourner à la forme solide, puis le convertisseur change cette fois-ci, la chaleur en électricité.
L’échangeur thermique qui est lié à la boucle de transfert est particulièrement important, étant donné que c’est ce dispositif qui permet d’échanger les fluides thermiques à l’intérieur de l’appareil. Dans l’échangeur, des fluides de différentes températures circulent, et se croisent mais sans jamais se rencontrer directement. « C’est une conception qui ressemble à l’escalier de Chambord », illustre Pauline Chanin Lambert. Plus la déperdition de la chaleur est faible, plus le rendement énergétique de la batterie est élevé.
La technologie à haute compacité au service de l’efficacité
Wallace Technologies se démarque en essayant de pousser un curseur le plus haut possible : celui de l’efficacité. Car l’enjeu des batteries thermiques se porte surtout sur leur rendement. « Stocker 1 kWh pour en ressortir dix fois moins, ça n’a pas vraiment d’intérêt », souligne Pauline Chanin Lambert. La plupart des batteries « Carnot » traditionnelles offrent un rendement faible, et elles n’arrivent donc à restituer qu’une partie de l’énergie stockée. Les batteries thermiques développées par Wallace Technologies atteignent une valeur de rendement se situant entre 65 et 80 %. « C’est en cela que notre échangeur thermique est essentiel dans notre batterie, car c’est lui qui nous permet d’obtenir un rendement élevé », explique l’ingénieure.
La création d’un échangeur thermique à haute compacité, très performant, est rendue possible par la technologie d’impression 3D développée par la start-up, avec l’aide de Mines Saint-֤Étienne. Les parois à l’intérieur de l’échangeur font entre 200 et 300 microns. « Ces parois extrêmement fines agglomérées dans un petit espace offrent une surface d’échange très élevée », explique la chercheuse. Grâce à ce système, il est ainsi possible d’obtenir 3 000 mètres carrés de surface d’échange par mètres cube, soit trois fois plus que dans les échangeurs thermiques traditionnels. Ou à l’inverse, d’obtenir un échangeur haute compacité trois fois plus compact, pour la même efficacité. Cette grande densité, couplée à l’arrangement précis des matériaux, optimise les échanges de flux à l’intérieur du système.
Avancer, malgré les contraintes
Pour le moment, la première batterie développée Wallace Technologies offre un total de 7,5 kWh d’énergie utilisable. À titre comparatif, l’énergie nécessaire pour effectuer un trajet de 100 kilomètres en voiture électrique est comprise en 13 et 20 kWh, selon le modèle du véhicule. L’objectif pour la start-up est de repousser, encore et toujours, le curseur de la performance, notamment dans le secteur industriel, toutefois, les obstacles sur le plan technique demandent du temps de développement avant d’être dépassés.
« La solution de stockage actuelle à 7,5 kWh requiert 60 kilogrammes d’aluminium. Pour une solution à 1 mWh, il faudrait 27 tonnes d’aluminium, ce n’est pas la même chose ! », soulève Pauline Chanin Lambert. Ce défi énergétique s’accompagne d’un autre besoin, que cherche à satisfaire Wallace Technologie : celui de permettre aux industriels de stocker efficacement de l’énergie. Les acteurs des énergies renouvelables sont intéressés par la capacité du système développé par la start-up à stocker leur électricité. Mais ce ne sont pas les seuls : tout producteur industriel d’énergie, qu’elle soit renouvelable, ou même nucléaire, pourrait en effet avoir besoin de stocker de l’électricité.
Pour faire évoluer ses systèmes à l’échelle industrielle, la structure basée à Clermont-Ferrand peut compter sur l’accompagnement de différents organismes, dont Mines Saint-Étienne, où la start-up est incubée depuis 2022. En avril dernier, une thèse a été lancée afin de permettre la mise à l’échelle d’échangeurs thermiques de plus grande taille, qui auraient donc une capacité décuplée.
Mines Saint-Étienne met aussi à disposition l’équipement nécessaire au développement des différents projets portés par la jeune pousse. « La combinaison du savoir-faire et du matériel est vraiment très importante pour nous, c’est un écosystème très dynamique », affirme Pauline Chanin Lambert. Après avoir réalisé une première levée de fonds en septembre 2024, et ouvert son pôle R&D à Saint-Étienne, Wallace Technologies a toutes les clés en main pour son développement : faites chauffer le carburateur, ce n’est que le début.