Lorsque des étudiants d’IMT Atlantique relèvent le défi de concevoir une balise environnementale connectée avec application mobile intégrée en moins de deux semaines, on pourrait croire à une démonstration académique. Mais derrière cet exploit pédagogique, se cache une start-up, Renardo, et l’un des premiers cas d’usage de la technologie qu’elle a développée.
Fraîchement lancée en avril 2025, cette jeune entreprise incubée sur le campus de Nantes s’est donnée pour mission de réduire drastiquement les délais et les coûts de développement de l’électronique embarquée. « Aujourd’hui, le développement de produits électroniques entièrement nouveaux reste particulièrement chronophage : un à deux ans pour parvenir à un produit industriel, avec à la clé des investissements de plusieurs centaines de milliers d’euros », explique Jessie Coiffard, cofondatrice de Renardo. Et le risque n’est pas négligeable : « Parfois, même après des années de développement, un produit ne satisfait pas les besoins et les contraintes du marché », complète l’entrepreneuse.
Renardo entend donc remédier à cette situation en proposant un écosystème matériel (hardware) et logiciel (software), de qualité industrielle, pour faciliter le développement des projets technologiques. L’objectif : fournir un produit clé en main et un gain en réactivité significatif, avec des délais de développement divisés par dix. Et les premiers démonstrateurs le prouvent.
Des secteurs « sévères » à la start-up
À l’origine de Renardo, il y a les parcours complémentaires de son binôme fondateur, Jessie Coiffard et Teerapong Dabreteau, qui forment aussi un couple dans la vie. À la tête de l’entreprise, Jessie Coiffard, ingénieure chimiste de formation, a exercé à l’international avant de se tourner vers l’enseignement. Au développement technologique, Teerapong Dabreteau, lui, est ingénieur en électronique et également responsable du bureau R&D d’Elwave, une autre jeune pousse sortie d’IMT Atlantique. Fin 2023, les trajectoires professionnelles du duo convergent vers une envie commune : bâtir un projet entrepreneurial aligné avec leurs convictions et fondé sur leur expérience respective.
Renardo s’appuie en effet sur les compétences acquises par Teerapong Dabreteau dans des secteurs industriels dits « sévères » — aéronautique, nucléaire, défense, pétrochimie — où il a conçu en dix ans une quinzaine de produits. « Soit seulement quelques mois à chaque fois pour livrer une solution industrialisée », souligne Jessie Coiffard.
Dans ces environnements exigeants, les cartes électroniques, qui orchestrent les capteurs, commandent les actionneurs, gèrent les communications et les données embarquées, sont soumises à de fortes contraintes techniques. Elles doivent être robustes, modulaires et conformes aux normes les plus strictes. C’est précisément sur ce support que Teerapong Dabreteau a mis au point une architecture réactive et efficace, aujourd’hui cœur de l’offre de Renardo : un ensemble de briques matérielles et logicielles, développées et consolidées au fil des années et de l’expérience.
Entre qualité industrielle et personnalisation
Pilier technologique de la jeune pousse, la carte Renardo Master réunit l’essentiel de l’électronique embarquée industrielle dans un format modulaire et robuste. Instrumentation, robotisation, communications (Wi-Fi, Ethernet, radiofréquence), collecte et stockage de données, intelligence artificielle embarquée : cette carte générique couvre une très grande majorité des besoins standards industriels, et peut être adaptée selon les spécificités des projets.
Souvent comparée aux cartes Arduino ou Raspberry Pi — populaires pour l’apprentissage ou le prototypage, mais peu adaptées aux environnements contraignants —, la carte de Renardo est de qualité industrielle. Elle intègre un microcontrôleur utilisé dans des secteurs très difficiles comme l’aéronautique, et a déjà été éprouvée sur le terrain, notamment dans un robot pour inspecter les toits de tanks pétroliers.
L’offre ne se limite pas au matériel : la start-up propose également le firmware (le logiciel embarqué) ainsi que des interfaces homme-machine (IHM) pour piloter les objets connectés. Tout est personnalisable, en interne ou par les équipes clientes. « L’idée, c’est de partir d’un socle technique de qualité industrielle que l’entreprise complète d’environ 20 % qui font sa valeur ajoutée », résume Jessie Coiffard.
Un produit réactif : preuves par l’usage
Pour illustrer concrètement sa technologie, Renardo a développé deux démonstrateurs. L’objectif : prouver que la technologie est prête, industrialisable, et adaptable à une variété d’usages, y compris avec des ressources limitées et en très peu de temps. Le premier, à destination des entreprises du secteur robotique, est un rover, un petit véhicule, baptisé R-bot. Équipé d’une caméra, d’éclairage et d’un lidar [ndlr : un télédétecteur par laser], il est capable de cartographier son environnement et peut être piloté depuis un ordinateur.
Le second, R-co, est une balise environnementale connectée, dotée de nombreux capteurs (température, humidité, particules fines, CO₂, pression), qui est géolocalisée et communique en radiofréquence. Une application mobile associée permet d’en exploiter les données : visualisation en temps réel, export, historique, cartographie… Leur particularité est d’avoir été développées en moins de deux semaines, par des élèves de surcroît ! « Les étudiants ont fait l’interface mobile, et nous les avons accompagnés sur l’électronique embarquée et le logiciel. Tout cela en un temps record », argumente Jessie Coiffard. « Via un développement traditionnel, il aurait fallu au moins un an pour un tel produit ! »