Croiser santé et numérique
Née en Colombie, Maria A. Zuluaga a grandi dans une famille où la médecine était omniprésente : parents médecins, sœur dentiste. Si, adolescente, elle envisage brièvement de suivre la même voie, sa passion pour les mathématiques et la programmation l’emporte.
Après un master en computer science à Bogota, en Colombie, elle s’envole pour la France, où elle effectue une thèse de doctorat à Lyon, portant sur la détection automatique des plaques dans les artères coronaires. Ce premier projet médical pose les bases de l’approche qui la suivra tout le reste de sa carrière : croiser l’informatique et la santé, en cohérence avec ses aspirations d’adolescente.
Son parcours la mène ensuite en Australie, où elle contribue à ses premières publications scientifiques en travaillant sur l’épaisseur de la matière grise dans le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Ce séjour marque un tournant : l’accès à un laboratoire de renommée mondiale lui ouvre les portes de collaborations internationales, notamment avec le University College de Londres, où elle poursuit des recherches sur l’imagerie neurovasculaire. Ce sont ses premiers pas comme géographe des vaisseaux. Pendant quelques années, elle travaille notamment à cartographier l’arbre vasculaire cérébral, pour assister la pose d’implants dans le traitement de l’épilepsie.
Un détour industriel
Mais après plusieurs années dans la bouillonnante capitale britannique, un besoin de changement s’impose pour elle et son mari. « Londres est une ville fascinante, mais exigeante. Nous avons eu envie d’autre chose. » Elle met alors sa carrière académique entre parenthèses pour rejoindre l’industrie chez Amadeus, une entreprise spécialisée dans les technologies et solutions informatiques pour l’industrie du voyage, à Nice, où elle dirige une petite équipe de recherche.
Si elle ne regrette pas ce détour vers l’industrie – elle avoue que c’est une expérience appréciée lors des demandes d’ERC – rapidement, le monde académique lui manque. « Il y avait quelque chose dans la recherche académique, dans l’échange avec les doctorants, que je ne retrouvais pas ailleurs. »
C’est alors qu’EURECOM lui offre l’opportunité de relancer sa carrière universitaire, avec un fil rouge inchangé : le numérique appliqué à la santé. Depuis, elle s’applique avec son équipe à développer de nouvelles méthodes de machine learning à partir de données de santé de différents types – scanner, IRM, etc. – pour faire progresser la recherche en santé et améliorer la pratique clinique.
Une exploratrice engagée
Au-delà de ses explorations vasculaires, Maria A. Zuluaga cultive un goût pour l’aventure. Elle est une cycliste aguerrie, qui a traversé le canal du Midi en plein été. Elle est aussi profondément engagée, notamment sur les questions environnementales. « J’essaie de faire ma part, même si c’est modeste », justifie la chercheuse. « Le vélo, le recyclage, et surtout réduire les trajets en avion, même si c’est compliqué alors que ma famille habite sur un autre continent. »
Mais son engagement le plus fort reste sans doute sa volonté de contribuer à la recherche médicale. Caravel est donc l’aboutissement d’un parcours marqué par l’exploration – géographique, scientifique et personnelle. Un nom choisi avec soin : « Christophe Colomb a traversé l’Atlantique sur une caravelle. Moi, Colombienne, j’utilise Caravel pour explorer les vaisseaux du cerveau. »
La bourse ERC Consolidator, d’un montant de 2 millions d’euros sur cinq ans, va permettre à Maria A. Zuluaga de constituer et renforcer son équipe. Elle ajoute avec fierté que Caravel est le seul projet français en informatique à avoir été retenu par l’ERC cette année.
« Cette reconnaissance, c’est la preuve que mon parcours, entre informatique et santé, a du sens. Mais c’est aussi une responsabilité : celle de produire un savoir utile, accessible, et qui aura un impact. » Rendez-vous dans quelques années pour découvrir les conclusions des carnets de bord de cette exploration vasculaire.