Une usine où chaque machine, chaque capteur, et chaque véhicule est connecté, partageant des informations en temps réel pour optimiser les processus ou assurer la sécurité des déplacements. C’est une des promesses de l’Internet des Objets (IoT) qui, adossé à la 5G, est en marche pour transformer les secteurs de l’industrie et de la mobilité. Soutenu par le PEPR « 5G et Réseaux du Futur », le projet FITNESS, qui réunit plusieurs écoles de l’Institut Mines-Télécom, le CEA, le CNRS et Inria, vise justement à concrétiser cette vision en développant des solutions adaptées aux défis d’aujourd’hui et de demain.
Les systèmes IoT mis au point dans le cadre du projet doivent répondre aux besoins des missions critiques, tant pour l’industrie que pour la mobilité, où la fiabilité, la faible latence et la résilience sont des critères indispensables. « L’industrie 4.0 repose sur des communications robustes pour garantir la continuité des processus critiques, comme la gestion des lignes de production. Une défaillance pourrait avoir des conséquences graves sur la sécurité », expose Olivier Boissier, membre du Laboratoire d’informatique, de modélisation et d’optimisation des systèmes (LIMOS CNRS UMR 6158), Professeur en informatique à Mines Saint-Étienne, et co-porteur du projet FITNESS. De même, dans le secteur de la mobilité, les systèmes IoT doivent fonctionner de manière fiable dans des environnements parfois à haute densité, comme les transports publics ou les véhicules autonomes.
L’IoT massif : comment gérer la densité ?
Quand il est question d’internet des objets, les déploiements denses ou « IoT massif » désignent des environnements où la concentration d’objets connectés est très élevée, comme dans les entrepôts logistiques, les villes intelligentes, ou les infrastructures de transport. La palette de ces objets IoT est extrêmement vaste, elle inclut des capteurs, des actionneurs, des robots ou encore des dispositifs de communication. Dans un scénario d’IoT massif, le nombre d’équipements connectés qui doivent coexister de manière harmonieuse peut atteindre des milliers, voire des millions.
Les défis à fournir des services enrichis malgré la densité d’objets connectés sont nombreux mais concernent notamment la gestion de l’énergie, l’interopérabilité et la réduction des interférences. L’enjeu est de garantir que chaque objet fonctionne de manière autonome tout en communiquant de façon efficace, sans causer de perturbations dans le réseau.
Un exemple typique est celui des hangars de maintenance de grandes entreprises (comme SNCF), où des centaines de capteurs surveillent l’état des trains. « Ces lieux sont immenses, et la grande quantité d’objets IoT engendre une forte demande sur les ressources physiques qui soutiennent la communication. Il est donc nécessaire de répartir les bandes de fréquence et de coordonner qui communique à quel moment, pour que tout fonctionne de manière optimale », explique Olivier Boissier.
Enjeux énergétiques et optimisation des ressources
Pour les grandes entreprises comme la SNCF, la gestion de l’énergie est une problématique centrale, et l’IoT massif n’échappe pas à ces considérations. Les objets IoT sont des dispositifs contraints, particulièrement en termes de ressources énergétiques. Ils fonctionnent souvent sur batterie, et l’un des enjeux essentiels est de faire sorte que cette batterie dure le plus longtemps possible. Une solution est alors de les faire fonctionner de manière intermittente : « les objets sont mis en veille quand ils ne sont pas utilisés, et ne se rallument que lorsqu’il y a des signaux à émettre », précise Olivier Boissier. Autre option : les objets peuvent communiquer moins loin, avec un signal moins puissant. L’information doit donc être captée à proximité de l’objet, grâce un robot mobile par exemple.
Ces problèmes d’optimisation se posent également pour les ressources de calcul et de communication. Les IoT ne peuvent pas traiter toutes les données : certains dispositifs servent uniquement à la captation d’informations et à leur transmission, d’autres, comme les robots mobiles, bougent et agissent sur leur environnement. Les besoins varient ainsi selon les scénarios, nécessitant des ajustements constants des stratégies de transmission.
Il faut donc prévoir une palette de solutions, de capacités et de consommation d’énergie diverses. « Certaines techniques vont offrir une très faible latence à condition que le volume de données ne soit pas trop important, d’autres vont à l’inverse garantir le traitement d’énormément de volume, parfois au détriment de la vitesse », détaille Guillaume Lozenguez, également chercheur en informatique à IMT Nord Europe et impliqué sur un des work packages du projet FITNESS. « Ce qui est intéressant, c’est cette dynamicité des réseaux IoT, et comment la bascule d’une technique à une autre en fonction des besoins va en affecter l’architecture », ajoute-t-il.
Une diversité de protocoles de communication
Une fois le besoin identifié et les contraintes établies, encore faut-il choisir la bonne technologie. Chaque protocole – parmi lesquels le Wi-Fi, le LoRa (pour Long Range Wide Area Network), le Narrowband IoT (NB-IoT) ou encore la 5G – présentent des spécificités en termes de portée, de consommation d’énergie et de bande passante. Par exemple, le LoRa est idéal pour des communications longue portée à faible consommation d’énergie, tandis que le Wi-Fi est préférable pour des échanges de données volumineux sur une courte portée.
« Historiquement, les entreprises ont souvent adopté différentes technologies pour répondre à leurs besoins spécifiques, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients », relate Guillaume Lozenguez. En présentant des avantages sur les autres protocoles en matière de latence, de débit, de gestion des communications massives, et de sécurité, la 5G peut faire figure d’idéal de standard. Mais la question de l’usage reste centrale : « Il faut s’interroger sur si cela vaut la peine de déployer ces nouvelles fonctionnalités, s’il n’y a pas d’usage derrière », souligne Olivier Boissier. « Car de tels changements ont un coût, financier mais aussi environnemental. »
Switch dynamique : assurer une connectivité optimale
Les équipes de FITNESS cherchent donc à combiner ces différents modes de communication, et travaillent pour cela sur des systèmes capables de passer d’un protocole à un autre en fonction des besoins en temps réel. « Si un robot a besoin de transmettre des images haute résolution, il peut basculer sur une connexion Wi-Fi ou 5G pour garantir un débit suffisant, puis revenir à une communication moins gourmande en énergie une fois la transmission terminée », illustre Guillaume Lozenguez.
Quid de l’IA dans tout cela ? Elle a bien sûr un rôle à jouer dans cette optimisation dynamique. Elle peut être à la fois déployée dans les couches basses pour améliorer la gestion de la bande passante, et dans les couches hautes, afin d’exploiter au mieux les capacités de transmission dans le cadre d’une mise en œuvre applicative. L’IA permet donc aux systèmes de mieux coordonner les ressources grâce à des techniques comme l’apprentissage automatique ou les graphes de connaissances. Elle fournit ainsi un outil supplémentaire puissant pour améliorer la performance des réseaux IoT et leur flexibilité face aux besoins dynamiques soulevés par l’industrie ou le secteur de la mobilité.