Restaurer des sensations tactiles chez les personnes qui en sont privées ne relèvera peut-être bientôt plus de la science-fiction. C’est en tous cas l’un des objectifs du projet de recherche Flexeo, piloté par Sylvain Blayac, accompagné de Roger Delattre et Marc Ramuz, enseignants-chercheurs au Centre microélectronique de Provence de Mines Saint-Etienne. Flexeo entame sa deuxième phase en novembre 2024, prolongé pour quatre nouvelles années grâce à un financement de la région Provence Alpes Côtes d’Azur. Le projet avait été initié en 2020 grâce à un financement du Plan Nano 2022, dans le cadre du dispositif Projets importants d’intérêt européen commun (IPCEI). Environ 15 personnes ont contribué de près ou de loin au projet.
4 ans, 7 articles scientifiques et 6 thèses plus tard, Sylvain Blayac présente une puce électronique miniature et flexible, intégrée à un support souple, fin et étirable. Un dispositif aux nombreuses applications potentielles.
Une peau électronique pour restituer des sensations tactiles
Fixée à un gant, reliée d’un côté à un capteur optique qui détecte la perception tactile, de l’autre à des moteurs vibrants pour le retour haptique, la puce électronique devient peau électronique. Celle-ci est conçue pour restituer et augmenter les sensations tactiles, en particulier pour les personnes équipées de prothèses.
Le capteur a été développé conjointement sur le projet ANR Optiskin, piloté par Marc Ramuz. Placé au bout du doigt, il permet de lire ce qui est en train de se passer mécaniquement – pression, contact. Il consiste en un guide d’ondes, c’est-à-dire un capteur optique qui fonctionne en envoyant un faisceau lumineux à travers un matériau qui réagit à la pression. Quand la pression change, ce matériau se déforme, modifiant la façon dont la lumière passe à travers ou est réfléchie. Un détecteur capte ces changements et les transforme en un signal, traité au niveau de la carte. Celle-ci interprète l’information reçue pour savoir quelle pression est appliquée, et la communique à des électrodes situées sur l’avant-bras.
La technologie de body channel coupling, un couplage par canal corporel, où le corps humain est utilisé comme un canal pour transmettre des signaux, prend le relais pour activer des moteurs vibrants placés sur le corps. Ceux-ci génèrent des sollicitations tactiles de la peau. En offrant ce retour sensoriel, le dispositif restitue une forme de sensibilité pour l’utilisateur, lui permettant de moduler la force exercée par sa prothèse, par exemple, pour tenir un objet délicat, comme un œuf, ou un verre.
D’un support rigide à une puce flexible multi-applications
Avant d’en arriver là, l’équipe a commencé par imaginer l’architecture de la puce sur un support rigide. Cette première étape a vu se développer la plateforme Ocass, qui intègre un cœur de calcul STMicroelectronics, partenaire du projet. « Cette étape était cruciale pour pouvoir prototyper facilement des applications par la suite, précise Sylvain Blayac. Cette plateforme a un double objectif, poursuit-il, la recherche, avec le développement de la peau électronique, mais aussi l’enseignement. » Chaque année, une centaine d’étudiants du centre sont d’ailleurs formés grâce à cette plateforme.
Le passage sur un support en polymère biocompatible souple et étirable a constitué l’étape suivante. Pour connecter les différents composants – carte mère, carte de communication, carte capteurs, source d’énergie – entre eux, l’équipe a développé une technologie de couplage capacitif. « C’est comme un post-it, qu’on peut coller et décoller ! », plaisante le chercheur. Cela permet surtout de faciliter l’adaptation de la puce à différents objectifs, par le raccordement des différents modules.