Sur les 277 millions de tonnes de déchets produites par les activités économiques en France, 213 millions de tonnes le sont par le secteur du BTP. Soit 77 %, selon des chiffres de l’Ademe datant de 2023. C’est dans ce contexte de gestion et de valorisation des déchets, sous-produits et co-produits industriels, que s’inscrivent les travaux de la chaire Industrielle d’innovation et de recherche pour la valorisation des matériaux alternatifs : BTP et aménagements urbains (Cirval).
Une chaire industrielle pensée pour les PME
Lancée en mai 2022 pour une durée de 5 ans, elle réunit IMT Nord Europe et une dizaine d’industriels du secteur du BTP. « Son objectif est de trouver des solutions issues de la recherche mais rapidement utilisables pour valoriser les déchets de chantier et économiser l’énergie », résume Mahfoud Benzerzour, titulaire de la chaire, professeur spécialisé en économie circulaire et Directeur du Centre d’Enseignement de Recherche et d’Innovation Matériaux et procédés de IMT Nord Europe.
« Plusieurs chaires existent sur des sujets proches, à travers des grandes entreprises, selon Romain Lochu, ingénieur et responsable développement de la chaire côté industriels. La particularité de Cirval est d’accompagner des PME qui n’auraient pas forcément les moyens techniques de faire de la R&D sur ces sujets.» La dizaine de chercheuses et chercheurs planchent sur des problématiques concrètes, posées par les membres du collectif. Les projets de recherche s’y développent donc à court terme, entre 6 mois et 3 ans.
Autre avantage, plus opérationnel, pour les industriels : la possibilité de préciser leurs efforts concernant la décarbonation et la valorisation des déchets auprès de leurs clients ou partenaires.
Les défis concrets de Cirval
La réutilisation des matériaux alternatifs, la réduction du coût énergétique des procédés, le traitement des sols pollués ou le développement de béton géopolymère à base de déchets, sont autant de sujets explorés par les équipes de la chaire.
Trois grandes thématiques de recherche y sont définies : le traitement des sols et assimilés en vue de leur valorisation, la mise en œuvre d’éco-liants et d’éco-matériaux alternatifs biosourcés et l’optimisation énergétique. Elles s’articulent autour de 9 axes de recherche et d’innovation, dont l’impact sanitaire et environnemental, l’optimisation numérique de la valorisation ou la réglementation et les normes.
Du haut de ses deux ans et demi d’existence, la chaire peut se targuer de mener de fronts de nombreux projets de recherche. En collaboration avec la région Hauts-de-France, l’équipe a travaillé par exemple sur un projet de valorisation de sédiments locaux. L’objectif était d’intégrer ces matériaux dans des substrats de culture de végétaux pour des terrains de sport. Ou encore, pour l’aéroport d’Orly du groupe Aéroport de Paris, des recherches pour améliorer la dépollution des boues des bassins, contaminées par des hydrocarbures issus des eaux de ruissellement des pistes.
Le casse-tête de la réglementation
En parallèle des travaux de recherche, la chaire travaille aussi pour adapter les normes et régulations du secteur pour favoriser l’économie circulaire. Cela avec une seconde chaire du centre, ECOSED 4.0, et en lien avec les institutions nationales – Ministères de la Transition écologique, de l’Économie, Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) – et internationales au niveau européen. « Auparavant, c’était totalement exclu de faire de l’économie circulaire dans le BTP, en particulier en ce qui concerne le recyclage et le réemploi dans des matériaux structuraux », précise Mahfoud Benzerzour.
En cause : les cahiers des charges très stricts au niveau de la garantie technique, qui peut parfois bloquer les efforts. « C’est aussi la remise en question de tout un système, l’opportunité de le repenser et de l’améliorer. En particulier pour les grands industriels, afin d’intégrer la valorisation », renchérit Romain Lochu. Pour faire bouger les normes, il est en outre nécessaire d’en discuter avec les différents partenaires afin de s’aligner. « Ça bouge doucement, mais ça avance », concède-t-il, en saluant l’IMT qui facilite le dialogue entre partenaires, mais aussi avec l’État.
Preuve que l’initiative fonctionne auprès des professionnels du BTP, d’ici la fin 2024, trois nouveaux partenaires rejoindront la chaire Cirval. Alors que son financement court jusqu’en 2027, les deux responsables de la chaire ont déjà affirmé leur volonté de la reconduire passée cette date.