Tribune rédigée par Meroua Moussaoui, doctorante en réseaux et télécommunications à Télécom SudParis.
Derrière les antennes que nous apercevons sur les toits et les pylônes se cache un univers complexe : le réseau mobile. Un orchestre technologique colossal, composé de matériel et de logiciels, travaille en synergie pour nous offrir la meilleure expérience de connectivité.
Cet orchestre est composé de deux couches principales, chacune assurant un ensemble de fonctionnalités permettant la provision d’une connectivité de bout en bout. Ces deux couches sont les suivantes :
- La couche d’accès radio : c’est le point d’entrée pour les utilisateurs. Elle permet la communication entre les téléphones portables et les antennes radio de l’opérateur mobile. Ces antennes, installées sur des stations de base appelées gNodeB dans le contexte de la 5G, sont géographiquement dispersées pour fournir une couverture radio sous forme de cellules (d’où l’appellation des réseaux mobiles « réseaux cellulaires »). Ces stations de base émettent en permanence des messages contenant les informations nécessaires pour que les dispositifs utilisateurs puissent se connecter au réseau. À la réception de ces messages, le dispositif utilisateur compose un message de demande de connexion au réseau, contenant les informations du dispositif ainsi que les informations d’authentification embarquées dans la carte SIM. Ce message est ensuite envoyé à la couche cœur pour traitement et décision quant à l’autorisation d’accès de l’utilisateur au réseau. En cas d’autorisation, cette couche radio servira de relais radio entre l’utilisateur et le réseau mobile.
- La couche cœur : véritable orchestre de fonctions qui gèrent toutes les fonctionnalités relatives à la fourniture de connectivité : la gestion des identités des utilisateurs (authentification et identification de chaque appareil sur le réseau), la gestion de la mobilité des utilisateurs (changement de l’antenne point d’entrée au réseau lors du déplacement des utilisateurs), le routage des paquets (acheminement des données vers leurs destinations finales, Internet par exemple), la gestion de la qualité de service (garantir une expérience optimale et personnalisée pour chaque utilisateur), la gestion de la politique (application des règles définies par l’opérateur : tarifs, sécurité…) et la facturation des utilisateurs (suivi et facturation de la consommation de chaque utilisateur).
Tous les 10 ans environ, les réseaux mobiles se transforment, entrant dans une nouvelle ère technologique, marquée par l’avènement d’une nouvelle génération « G ». La 2G a marqué l’avènement des réseaux cellulaires numériques, permettant la transmission de la voix et des SMS. La 3G a ensuite ouvert la voie à de nouveaux services comme la messagerie instantanée, les jeux vidéo et les appels vidéo. La 4G, quant à elle, a propulsé la connectivité à un niveau supérieur, permettant de profiter pleinement d’applications multimédias avancées et de services de streaming vidéo.
La 5G est conçue pour offrir des vitesses de transmission de données extrêmement rapides, parfaites pour le streaming de vidéos en résolution élevée et pour l’utilisation de la réalité virtuelle ou augmentée. Elle a pour objectif aussi de prendre en charge une multitude d’appareils connectés, notamment pour l’Internet des objets (IoT) et pour des applications industrielles. En outre, elle vise à minimiser les délais de communication (latences), ce qui est crucial pour des usages qui dépendent d’une interaction en temps réel, comme la chirurgie réalisée à distance ou la navigation des véhicules autonomes.
Architecture héritée des réseaux cellulaires : Centralisation et ses limites
L’évolution des technologies du cœur du réseau mobile à travers les générations a maintenu un modèle architectural centralisé depuis la 2G. C’est-à-dire que les différentes fonctionnalités du réseau cœur sont concentrées dans des composantes centrales.
Ce modèle est certes efficace en termes de coût, de gestion et de maintenance, mais il présente des limites qui entravent l’exploitation optimale des avantages de la 5G, notamment à cause de points de défaillance uniques et de la difficulté à gérer un grand nombre d’éléments réseau. La densification du réseau, essentielle pour la 5G, exige une approche différente.
Une direction prometteuse pour pallier ces limitations et améliorer les réseaux mobiles est de modifier l’architecture existante afin de permettre une meilleure scalabilité, c’est-à-dire rendre le réseau capable de desservir un nombre croissant d’utilisateurs sans perte de performance. Par exemple, cela pourrait être crucial pour des événements majeurs comme les grands évènements sportifs ou culturels.
La décentralisation pourrait également favoriser la collaboration entre les acteurs des télécommunications et de l’industrie, ouvrant la voie à de nouveaux services tels que des réseaux 5G privés. En outre, elle renforce la résilience du réseau en éliminant les points de défaillance uniques et stimule l’innovation en permettant à de nouveaux participants d’intégrer le réseau.
Explorer la décentralisation des réseaux mobiles
Dans mon travail de recherche, j’examine l’apport potentiel de technologies décentralisées, telles que la blockchain, pour l’amélioration des réseaux mobiles. Cela implique de repenser l’architecture réseau actuelle, à l’image d’un orchestre apprenant à jouer sans chef, un défi conséquent mais réalisable. Pour cela, je développe un prototype de réseau mobile en utilisant des composants logiciels et open source.
En parallèle, j’envisage une architecture décentralisée, permettant un réseau multilocataire où divers acteurs peuvent gérer différentes sections sans compromettre la sécurité ou les performances du réseau, tout en préservant la confidentialité des données des utilisateurs. Pour concevoir une telle architecture, il est crucial de considérer divers éléments du réseau, tels que la mobilité et la facturation des utilisateurs, ainsi que le suivi de la qualité de service qui leur est fournie.
En résumé, l’architecture héritée des réseaux cellulaires basée sur des modèles centralisés a servi de base à la connectivité mobile pendant des années. Cependant, ses limites deviennent de plus en plus apparentes face aux besoins en constante évolution. L’avenir des réseaux mobiles réside dans des architectures décentralisées qui offriront une connectivité plus performante et adaptée aux nouveaux usages.
Bien que la 5G offre divers avantages et de nouvelles performances pour des cas d’usage innovants, elle présente également des inconvénients tels que le coût élevé de déploiement. Il est donc nécessaire de repenser l’architecture des réseaux cellulaires afin de trouver des méthodes de déploiement optimales.
Cet article est publié en partenariat avec le laboratoire d’Orange Innovation.
Meroua Moussaoui, Doctorante en réseaux et télécommunications, Télécom SudParis – Institut Mines-Télécom
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.