Les communications par satellites, un domaine où « l’ingénierie s’écrit avec un grand I »
Le 1er juin commence le nouveau MOOC de l’Institut Mines-Télécom : « Introduction aux Communications par satellites ». Il a été développé par une équipe formée d’enseignants-chercheurs de Télécom Bretagne, Télécom ParisTech et l’ENSEEIHT, une bande de passionné-e-s de l’espace. A cette occasion, Laurent Franck, enseignant-chercheur à Télécom Bretagne et responsable du site toulousain de l’École, nous a expliqué quels sont les défis que s’est lancés la recherche pour améliorer les transmissions dans les réseaux spatiaux.
Quels sont les grands enjeux scientifiques de la recherche en communications par satellites ?
Le premier enjeu, c’est d’être capable de faire passer plus de bits par seconde pour une même bande passante, c’est-à-dire d’avoir des transmissions spectralement plus efficaces. Les fréquences communément utilisées (bande L à 1 GHz, bande Ku à 11 GHz) commencent à être saturées et il faut donc profiter de chaque hertz disponible.
Le deuxième défi, c’est d’être capable d’utiliser des fréquences sans cesses plus élevées. La réception TV par satellite utilise des bandes de fréquences comprises entre 10 et 12 gigahertz. Mais avec l’augmentation des définitions d’image (on parle de 4K), les besoins en bande passante augmentent. Les communications satellites utilisent également la bande Ka (20-30 GHz). Mais maintenant, les bandes Q et V (30-75 GHz) sont également visées. Elles présentent l’avantage d’être plus disponibles. Par contre, cette montée en fréquence pose un défi car les transmissions sur les bandes élevées sont plus sensibles aux conditions atmosphériques comme – par exemple – la pluie.
Le troisième enjeu, c’est de réaliser l’interopérabilité entre les réseaux de communication terrestres et les réseaux spatiaux de la manière la plus efficace et la plus transparente possible. 36 000 kilomètres séparent la terre d’un satellite géostationnaire : le délai de propagation pour transmettre vers le satellite est d’au minimum 125 millisecondes, ce qui décontenance un peu les protocoles de réseaux terrestres (ceux-ci n’ont pas à gérer de tels délais pour un seul lien). Cela se traduit notamment par une perte d’efficacité en termes de débit. Rendre les réseaux spatiaux et terrestres interopérables, c’est faire en sorte que tout fonctionne bien et que l’utilisateur ne remarque plus la différence entre les deux.
Le dernier défi est plus spécifique et donc plus restreint. Il constitue ma thématique de recherche : il s’agit de favoriser encore plus la pénétration de la technologie satellite dans les communications de crise lors des situations d’urgence. L’enjeu est de pouvoir communiquer au sein même de la zone de crise. C’est un défi technique, technologique mais également économique.
En quoi consistent plus précisément vos recherches à Télécom Bretagne ?
Concrètement, s’il y a un feu de forêt, la technologie satellite est ancrée au poste de commandement avancé, placé en bordure de la zone de crise. Mais elle rendrait aussi service au cœur de l’incendie où les besoins de communication à haut débit sont également présents. Cela pose un problème technique : il faut pouvoir établir la communication avec le satellite quand on est sous la canopée. Or, les communications satellites passent mal au travers des feuilles et des branches. Évoluer avec une grande antenne parabolique n’est pas possible, et les antennes de petites tailles sont moins performantes. Le deuxième élément bloquant, c’est que ça coûte cher.
Dans ce cadre, nos travaux de recherches portent sur la convergence entre les standards de communications mobiles (par exemple LTE) et les services traditionnellement utilisés par la Sécurité Civile (par exemple la communication en mode push-to-talk). Et évidemment, leur portage sur un lien satellite. Par exemple, au travers d’une thèse CIFRE avec la société Airbus Defence & Space, nous avons conçu et breveté un protocole qui permet de transporter efficacement sur satellite les transmissions des « talkie-walkies » ou PMR (Professionnal Mobile Radio), en amortissant le délai de propagation.
Nous travaillons également sur l’optimisation d’une autre ressource : la bande passante, et ce dans ce même contexte applicatif. Pour cela, nous utilisons des méthodes de compression et de multiplexage à la volée, qui permettent de réduire la taille des messages de voix en mutualisant des informations communes entre plusieurs messages. L’objectif est – une fois de plus –d’économiser la précieuse ressource que constitue le débit d’une communication par satellite. Et incidemment, cela permet également de réduire la taille des antennes.
Vous avez participé à la création du MOOC « Introduction aux Communications par satellites » de Télécom Bretagne, Télécom ParisTech et l’INP-ENSEEIHT. Comment la recherche et l’enseignement s’alimentent-ils ?
Notre équipe d’enseignants-chercheurs s’est lancée dans l’élaboration du MOOC pour plusieurs raisons. D’abord parce que nous avons une mentalité d’entrepreneurs et d’aventuriers. C’est un peu le propre des petites équipes. Ensuite, parce que nous sommes vraiment passionné-e-s par ce domaine qui est fascinant et nous voulons le partager, le faire connaître au grand public. L’espace, ça fait rêver ! Nous voulons aussi montrer le savoir-faire français et européen. Les deux grands constructeurs européens de satellites ont leurs sites principaux en France et – de plus – à Toulouse. A l’échelle du très modeste site toulousain de Télécom Bretagne, notre laboratoire expérimental est un ancien garage mais il dispose des moyens expérimentaux uniques dans le monde académique.
Ensuite, le spatial, c’est un des domaines où l’ingénierie s’écrit avec un grand « I ». Il contribue à comprendre d’où nous venons (avec par exemple Hubble) mais aussi à mieux gérer où nous allons (au sens propre avec Galiléo, comme au sens figuré avec les services d’observation de la Terre). Avec les domaines de l’énergie, des transports et du biomédical, le spatial reste un secteur clé.
Enfin, je pense que pour bien vulgariser un domaine il faut bien le maîtriser : c’est important d’avoir un MOOC fait par des experts de ce domaine, enseignants de surcroit. Ils ont l’art de trouver la bonne analogie, celle qui ne fait pas long feu. Ils peuvent également faire le tri entre les concepts importants et ceux qui sont secondaires et ne seront pas présentés faute de temps. Pour notre MOOC, certains travaux d’élèves ont servi de base à des démonstrations. Elkin Giraldo qui est stagiaire de l’ENSEEIHT travaille à temps complet et produit de petits programmes de visualisation. C’est finalement une équipe pluri-disciplinaire.
Pour terminer, bien que l’activité du MOOC soit très centrée sur l’enseignement, ce projet nous a permis d’étoffer encore notre réseau, ce qui augure de bonnes choses pour nos activités de recherche.
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Bonjour!
Voilà un interview intéressant! Tout ce qui se passe dans l’espace semble être compliqué. Des documents de ce genre permettent aux simples internautes de comprendre la complexité des missions des ingénieurs.